Experience

Vers un Système d’Alerte Précoce dans les bassins des rivières Zulia et Pamplonita, Santander du Nord

L’articulation de multiples institutions pour la prévention et la réponse aux désastres climatiques

By Angela Vejarano

A Cucuta, préfecture du département du Nord Santander en Colombie, un Système d’Alertes Précoces-SAP [SAT en espagnol] a été initié. Il permettrait de prévenir puis d’accompagner les habitants des bassins des rivières Zulia et Pamplonita en cas d’ événement climatique extrême. Après avoir occupé un rang important lors du « Concours National pour la Reconnaissance et la Mise en place de Projets de Réduction des Risques grâce à des Mesures d’Adaptation à la Variabilité et au Changement Climatique » organisé par l’Unité Nationale pour la Gestion des Risques fin 2012, ce projet non seulement s’est révélé être une stratégie d’adaptation au changement climatique, mais il a commencé aussi à disposer de la participation de nombreux agents (l’autorité départementale de l’environnement, des universités de la région et les administrations municipales) pour assurer son déroulement efficace. Par ailleurs, il peut devenir un projet transposable dans d’autres régions du pays du fait de son caractère innovant et de ses faibles coûts.

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Dans le cadre du projet « Villes Colombiennes et Changement Climatique » qui fait l’objet d’un travail conjoint avec l’Agence Française de Développement, Fedesarrollo [Fédération pour le Développement] et la Fundación Ciudad Humana [Fondation Ville Humaine], l’Institut de Recherche et Débat sur la Gouvernance (IRG) a identifié différentes expériences qui contribuent à la réflexion concernant l’adaptation et/ou la réduction du changement climatique. Le « Système d’Alerte Précoce-SAP [SAT en espagnol] face à des événements climatiques extrêmes dans les Bassins des rivières Zulia et Pamplonita, département du Nord Santander » est l’une d’entre elles. Il s’agit d’une initiative innovante qui reflète les rapports étroits entre la Gestion des Risques de Désastres et le Changement Climatique. Elle est également un exemple qui peut être répété dans d’autres régions présentant les mêmes conditions et les mêmes besoins de surveillance climatologique à faible coût.

Cucuta est la préfecture du département du Nord Santander, situé au Nord-Est de la Colombie. Elle jouit d’un climat chaud pendant toute l’année avec une température moyenne de 28º C. Ses habitants – environ 740.000 – se sont donc adaptés aussi bien à la chaleur suffocante du milieu de la journée qu’à la forte humidité résultant des précipitations. Même si Cucuta s’approvisionne en eau grâce à deux rivières proches, la Zulia et la Pamplonita, il y existe un problème croissant de pénurie d’eau. Selon Diego Alzate, qui travaille à la Corporation Colombienne de Recherche Agricole-CORPOICA, et qui a formulé le projet dont nous parlons ici, la ville est soumise à ce problème non seulement dans les périodes de températures élevées et de sécheresse (phénomène d’El Niño) mais également aux périodes de pluies fortes et constantes (phénomène de La Niña), car les précipitations provoquent des glissements de terrain et des éboulements dans des endroits-clés des bassins, ce qui rend l’eau plus trouble et empêche l’usine municipale de traitement de l’eau de fonctionner. C’est pourquoi Cucuta est très vulnérable aux événements climatiques extrêmes dont l’intensité augmente du fait du changement climatique.

Face à ce contexte, il devient fondamental de pouvoir disposer de systèmes d’information qui puissent prévenir d’éventuels désastres climatiques. Ces systèmes pourraient également fournir des éléments pour décider de politiques plus cohérentes à long terme. En Colombie, l’Institut d’Hydrologie, de Météorologie et d’Études Environnementales-IDEAM est l’entité nationale chargée de « produire des connaissances et garantir l’accès à l’information concernant l’état des ressources naturelles et les conditions hydrométéorologiques de tout le pays afin de prendre des décisions concernant la population, les autorités, les systèmes et les différents secteurs économiques et sociaux. » C’est ainsi que l’IDEAM dispose de plus de 2.700 stations hydrométéorologiques qui forment de vastes réseaux de surveillance dans tout le pays (selon Alzate le Nord Santander possède environ cinquante-neuf (59) stations) et qui traitent les différentes variables climatologiques, pluviométriques et hydrologiques. Cependant, toutes ces stations ne sont pas automatiques, c’est-à-dire que seulement certaines d’entre elles disposent d’informations en temps réel qui pourraient alerter une population déterminée concernant un événement qui va se produire. Cela signifie que les informations collectées par la majorité des stations sont traitées seulement après que se soit produit un événement spécifique tel que, par exemple, une forte précipitation. Il faut ajouter à cela le fait que l’accès aux informations stockées par l’IDEAM présente certains obstacles pour les mairies ou d’autres instances gouvernementales. C’est ainsi que les demandes d’information sont soumises à un processus formel qui, parfois, peut tarder plus de trois mois avant qu’on reçoive finalement ce qui a été demandé, sans compter le fait que très souvent ces informations entraînent un coût pour l’institution qui les demande.

C’est pourquoi, le projet « Système d’Alerte Précoce-SAP face à des événements climatiques extrêmes dans les Bassins des rivières Zulia et Pamplonita, département du Nord Santander » cherche principalement à générer des informations en temps réel pour les analyser puis articuler les actions nécessaires de prévention et de réponse dans dix-neuf (19) communes du département, y compris Cucuta. Le SAP, projet proposé par l’Université de Pamplona, n’est pas encore mis en place étant donné que c’est seulement en Janvier 2013 que son rang « Concours National pour la Reconnaissance et la Mise en place de Projets de Réduction des Risques grâce à des Mesures d’Adaptation à la Variabilité et au Changement Climatique », a été connu publiquement. Le projet va seulement commencer à disposer des crédits nécessaires pour son développement. l’Agence Allemande de Coopération Internationale GIZ participera aussi à la formation de tous les agents qui seraient concernés par le fonctionnement du SAP.

Le Système d’Alerte Précoce disposerait au départ de dix (10) stations climatologiques qui collecteraient les informations concernant les vents, la température, la pression barométrique, l’humidité relative et les précipitations. Ces informations seront stockées dans quatre (04) centres locaux différents – situés dans quatre (04) communes distinctes – et un centre principal – probablement Cucuta. Dans le cas où un phénomène particulier se présenterait, un comité technique évaluerait si on peut déclarer une urgence sur la base des informations enregistrées. Si c’est le cas, on alertera alors des acteurs-clés (fonctionnaires des mairies ou membres des Comités municipaux de Gestion des Risques, par exemple) grâce à des bulletins, à des courriers électroniques ou à des messages sur téléphones mobiles. Ces acteurs, à leur tour, seraient en mesure de fournir les informations aux habitants et, dans un cas déterminé, de mettre en place un exercice d’évacuation. Le temps qui s’écoulerait depuis la détection d’un phénomène atypique jusqu’à l’alerte de risque transmise aux habitants pourrait alors être réduit. Il ne prendrait que quelques minutes. Enfin, l’idée est qu’un événement tel qu’une inondation par exemple, puisse être identifié environ six (06) heures à l’avance.

Alzate avoue que «peu de personnes s’occupent de ces sujets», et que dans des régions éloignées de Colombie, comme le Nord Santander on commence tout juste à mettre en gestation une «masse critique» qui se préoccupe et travaille sur la production de la recherche et sur la détermination de politiques concernant le sujet de la gestion des risques et du changement climatique. Et il est vrai que cette gestation est due, en partie, au travail réalisé par la GIZ dans la région au travers de la création et de l’impulsion du Comité Alumni (groupe de professionnels et de producteurs du secteur agricole et de l’élevage qui travaillent dans différentes entités et qui intégrent le programme « Adaptation de l’Agriculture et Utilisation des Eaux agricoles au Changement Climatique dans les Andes – AACC » de l’Agence GIZ »). En effet, depuis le mois de Juin 2013, on donne un cours spécialisé appelé «Systèmes d’Alerte Précoce en tant que mesure d’adaptation à la variabilité et au changement climatique dans les bassins des rivières Pamplonita et Zulia» à Cucuta. Ce cours est fréquenté par des délégués de l’Université de Pamplona, de la Corporation Autonome Régionale, du Nord Santander-CORPONOR (autorité régionale pour l’environnement), de la préfecture du Nord Santander, des mairies des dix-neuf (19) communes bénéficiaires, des Agences de bassins de Zulia et Pamplonita (espaces de participation des habitants où sont élaborés des concepts concernant les décisions qui sont prises dans les bassins) et de l’Agence GIZ elle-même. Les tâches et les actions spécifiques de chacun de ces acteurs dans le fonctionnement du SAT seront finalement définies pendant le cours mentionné, mais il est certain qu’ils impliquent différentes institutions et des espaces de niveaux différents. Et cela a été, selon Jacipt Alexander Ramón, actuel coordinateur du projet SAT, l’une des principales raisons qui ont fait que le développement du Système a été reconnu et récompensé au Concours de l’UNGRD.

On pense que d’ici à deux (02) ans environ, le SAT pourra fonctionner pleinement. Ramón et Alzate soulignent l’intérêt provoqué par le projet, puisque de nombreuses entités s’en sont rapprochées non seulement en vue de participer au cours, mais également pour apporter éventuellement un plus grand nombre de stations climatologiques. Dès lors, la viabilité du SAT repose sur deux aspects importants. Premièrement, à la différence des stations de l’IDEAM, celles du projet SAT (qui, selon Alzate, sont fabriquées en Chine et en Europe, et améliorées aux États-Unis) ont un faible coût. Leur conception repose sur un type de technologie qui n’est pas aussi précise que celle des stations de l’Institut, mais qui convient aux objectifs proposés dans le projet SAT. Ainsi donc, le prix d’une seule station de ce Système représente de cinq à dix fois moins que celui d’une station de l’IDEAM, sans que cela puisse signifier une efficacité moins importante pour les buts présentés dans le projet SAT. Bien sûr, ce qui précède augmente les possibilités qu’un Système similaire puisse être reproduit dans d’autres endroits et adopté par différentes administrations locales. Deuxièmement, étant donné que les informations collectées par le SAT ne proviendraient pas d’une entité officielle du gouvernement, ces informations ne seraient pas certifiées et par conséquent, cela faciliterait les formalités de divulgation ainsi que l’accès à ces informations. De fait, on pense déjà à mettre en place une page web permettant le libre accès aux données fournies par le SAT.

Ainsi donc, le projet SAT devient donc l’une des rares expériences autonomes de systèmes d’alerte précoce en Colombie et qui implique la communauté directement vulnérable. Il est recommandé d’approcher chacune d’entre elles afin de créer une culture de la gestion des risques de désastres dans notre pays.

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Même si le projet de SAT dans les bassins des rivières Zulia et Pamplonita en est actuellement à l’une de ses premières étapes de développement, il y a de grandes chances pour qu’il devienne une expérience réussie d’adaptation au changement climatique. En effet, les avantages pratiques qu’offre un tel système attirent l’attention des populations qui subissent directement, et de manière constante, des événements extrêmes de variabilité climatique. Aussi, l’articulation entre acteurs se fait vers un même objectif : l’accès aux informations. Cela favorisera ensuite la formulation de toute action, projet, programme ou politique locale et nationale.

On souligne également la relation étroite qui existe entre changement climatique et Gestion du Risque de Désastres. Les actions orientées vers cette dernière seront généralement des mesures d’adaptation au premier. On peut prendre pour exemple le problème des inondations et des glissements du terrain qui ont lieu dans une grande partie du pays à cause du phénomène de La Niña et qui est de plus en plus fort du fait du changement climatique. Grâce à l’analyse d’experts qui étudieront les statistiques et les modèles trouvés dans les informations fournies par un système d’alerte précoce sur une longue période de temps, on pourra identifier les zones vers lesquelles il serait approprié de déménager une population vulnérable face au phénomène. On pourrait penser alors à une action qui réponde non seulement à la dimension de la Gestion du Risque de désastre mais aussi à l’adaptation anticipatrice et planifiée au changement climatique.

C’est pourquoi « l’importance d’un système d’alerte précoce obéit non seulement à la possibilité d’apporter des réponses immédiates face à un événement climatique extrême déterminé, mais encore au potentiel supposé pour créer – à long terme – des modèles de comportement du climat et mettre ainsi en place des exercices correspondants de planification », selon Jacipt Ramón et Diego Alzate. Dans ce cadre, il est essentiel que l’on implique dans la formulation des programmes et des politiques par exemple, le Programme Municipal de Gestion du Risque de Désastres. De cette manière, la contribution du SAT serait plus importante que celle d’une réaction immédiate et il disposerait des crédits suffisants pour sa pérennité.

Il faut souligner d’autres expériences de ce type comme le Système d’Alerte Précoce de Medellin-SIATA, lancé par la Zone Métropolitaine de la Vallée d’Aburra, le Département Administratif de Gestion des Risques DAGRED de la mairie de Medellin, ainsi que par les Entreprises Municipales des Services Publics EPM et aussi ISAGEN. Par ailleurs, on trouve aussi l’expérience du bassin de la rivière Las Piedras dans le département du Cauca où on a directement impliqué les communautés indigènes de la zone afin qu’elles contribuent au système d’alertes précoces mis en place. On retrouve cette implication des habitants dans l’expérience des Comités d’Aide Mutuelle de la ville de Pasto qui sont composés par les habitants de la partie rurale et qui disposent d’équipements d’alarme et de radio pour donner l’alerte sur les événements qui se présenteront.

Bibliographyy

Notes

Fiche traduite de l’espagnol au français par Joseph Cheer.

 

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