Experience

Le projet « Gestion Intégrale du Risque » (GIR) sur la côte Caraïbe colombienne

Renforcement des capacités publiques en matière de gestion du risque et du changement climatique dans huit départements de la Côte colombienne des Caraïbes

By Edisson Aguilar

Le projet GIR est une initiative financée par l’Union Européenne. Elle est exécutée par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et par l’Unité Nationale colombienne pour la Gestion du Risque de Désastre (UNGRD), orientée vers le renforcement des capacités institutionnelles des départements et des municipalités de la région caraïbe colombienne, en matière de gestion du risque et de changement climatique. Son activité principale est le conseil technique pour l’élaboration des plans départementaux de gestion du risque. L’intérêt du projet réside dans le fait qu’il établit une relation entre le risque et le changement climatique, que son approche du renforcement des capacités peut être appliquée dans différents endroits, et qu’il conçoit la gestion du risque au niveau régional. Ce dernier élément est très important dans la mesure où les phénomènes climatiques n’ont pas de divisions administratives. Ce sont plutôt des délimitations géographiques et naturelles.

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Dans le cadre du projet « Villes colombiennes et changement climatique », qui fait l’objet d’un travail conjoint avec l’Agence Française de Développement, Fedesarrollo [Fédération pour le Développement] et la Fundación Ciudad Humana [Fondation Ville Humaine], l’Institut de Recherche et Débat sur la Gouvernance (IRG) a identifié différentes expériences qui contribuent à la réflexion concernant l’adaptation et/ou la réduction du changement climatique.

Le projet « Gestion Intégrale du Risque » dans la région Caraïbe est l’une d’entre elles ; son intérêt réside dans le fait qu’il établit une relation entre le risque et le changement climatique, que son approche du renforcement des capacités peut être appliquée dans différents endroits, et qu’il conçoit la gestion du risque au niveau régional, ce qui est important si l’on pense que les phénomènes climatiques n’ont pas de divisions administratives. Ce sont plutôt des délimitations géographiques et naturelles.

Si la gestion des désastres naturels en Colombie a été, au cours du XXème siècle, marquée par la fameuse tragédie d’Armero (1), il n’est peut être pas exagéré d’affirmer qu’au XXIème siècle, ce sont les dégâts du phénomène de La Niña des années 2010 et 2011 (populairement connue comme la Vague Pluvieuse – une période de pluies intenses) que seront le référent pour concevoir la gestion du risque. Bien qu’une partie considérable du territoire national ait été touchée par ce phénomène, la région Caraïbe a davantage souffert des effets des pluies du fait de ses caractéristiques géographiques et de ses vulnérabilités structurelles, socioéconomiques et politiques. Selon les chiffres de l’Observatoire des Caraïbes, la Vague Pluvieuse a laissé 1,6 millions de sinistrés, un nombre élevé si l’on considère que le total de sinistrés du pays a été de plus de 3 millions, et que selon cette même source « (…) sur les 5 milliards de dollars de perte totale dus à cette période pluvieuse de 2010 dans notre pays, 43,1% correspondent à des dégâts aux infrastructures, aux services et à la productivité de la région Caraïbe » (2). Des phénomènes tels que les énormes glissements de terrains, les inondations, l’érosion côtière et l’augmentation du niveau de la mer, combinés avec une mauvaise planification urbaine, une faible gestion du risque et des taux élevés de pauvreté et de déplacements forcés (augmentation des implantations informelles de population dans des zones à risque), ont rendu la région Caraïbe plus faible que d’autres face au phénomène de La Niña.

Les ravages de la Vague Pluvieuse ont conduit le gouvernement colombien à prendre conscience du fait que le système de gestion des désastres était focalisé sur la « réponse » et qu’il avait un caractère nettement paternaliste, raison pour laquelle a été promulguée en 2012 la Loi 1523 concernant la « connaissance » et la « réduction » du risque. Pour ce faire, on a créé l’Unité Nationale pour la Gestion du Risque de Désastre (UNGRD) et remplacé les anciens Comités Locaux pour la Prévention et la Gestion des Urgences et des Désastres (CLOPAD) et les Comités Régionaux pour la Prévention et la Gestion des Désastres (CREPAD) par les Conseils Municipaux pour la Gestion du Risque de Désastres (CMGRD) et les Conseils Départementaux pour la Gestion du Risque de Désastres (CDGRD). Mais, malgré les changements apportés par cette Loi 1523, les municipalités et les départements présentent des faiblesses institutionnelles que la norme seule ne va pas permettre de résoudre ; c’est précisément dans cette conjoncture que naît le projet de Gestion Intégrale du Risque et d’Adaptation au Changement Climatique dans les Caraïbes (GIR), une initiative conjointe de l’Union Européenne (UE), de l’UNGRD et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), destinée à réduire la vulnérabilité face aux désastres dans cette région du pays.

Nous mettrons ici l’accent sur l’origine de cette proposition et sur ses objectifs concrets ; sur la manière dont elle a été réalisée de la zone Caraïbe, ainsi que sur les défis qui s’y présentent en matière de risques ; et sur les apprentissages tirés ou les difficultés identifiées au cours du processus.

Une vision intégrale du risque dans des contextes complexes

Le projet GIR est apparu en 2009 comme une initiative locale. Il avait juste le soutien du PNUD et de la Direction pour la Prévention et la Gestion des Désastres de l’époque qui avaient débloqué un petit fonds pour développer un projet pilote dans la zone Caraïbe. Cependant, en 2010, deux événements ont accéléré le projet : la Vague Pluvieuse et le lancement d’un appel à projets de l’UE orienté vers la gestion du risque et le changement climatique. Le PNUD et l’UNGRD y ont répondu et ont obtenu un financement de 50% du budget nécessaire (l’autre moitié était la participation colombienne), l’apport de l’UE s’élevant à 1.015.000 Euros. Parallèlement, et en plus de cet apport financier, d’autres associés au projet n’ont pas donné d’argent mais ont proposé une aide et un appui techniques : l’Institut de Recherches Marines et Côtières José Benito Vives de Andreis (INVEMAR), le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, l’Institut d’Hydrologie, de Météorologie et d’Études Environnementales de Colombie (IDEAM) et l’Association des Corporations Autonomes Régionales et de Développement Durable (ASOCARS).

L’accord pour ce projet a été signé en Novembre 2010 et il a officiellement démarré en 2011, pour accompagner la réponse des huit départements de la région Caraïbe (Guajira, Magdalena, Cesar, Atlántico, Bolívar, Sucre, San Andrés et Providencia, et Córdoba) à la Vague Pluvieuse. Il s’agissait d’une assistance technique pour l’évaluation des dégâts, pour mettre au point des recensements de la population sinistrée et pour préparer des réponses aux événements ; en effet, bien que le projet GIR ait été conçu avec une portée plus vaste, les circonstances obligeaient à donner initialement la priorité à la gestion des effets immédiats des pluies. L’initiative a, en tous cas, trois objectifs principaux : « créer et diffuser des informations sur la gestion du risque, contribuer aux capacités des institutions qui font partie du Système National pour la Gestion du Risque, et encourager la participation de la société civile à la mise en place d’actions qui entrent dans le cadre de la gestion du risque ». Ces actions sont mises en place sous quatre formes : « des espaces de concertation institutionnelle créés pour développer des initiatives de gestion du risque, des capacités installées pour la planification territoriale, des capacités pour l’analyse des vulnérabilités établies et la participation de la société civile au GIR » (3).

Les objectifs et les actions du projet GIR sont orientés sur la connaissance et la réduction, qui sont des éléments transversaux à tout le programme. Une partie de cet appui technique est en rapport avec un processus d’informatisation des bases de données, des sources secondaires et des savoirs locaux, processus destiné à présenter les scénarii de risque qui orienteront la gestion locale. Une autre partie est liée au renforcement des « espaces de concertation institutionnelle » tels que les Nœuds Régionaux de Changement Climatique et à la conception de stratégies pour que la société civile s’approprie la connaissance disponible sur les risques locaux et qu’elle ait ainsi des motivations pour participer aux activités de prévention.

Cette perception intégrale de la gestion du risque est conçue pour une région comme celle de la côte Caraïbe, où il y a de sérieuses faiblesses institutionnelles. Les défis que rencontrent les fonctionnaires chargés de la gestion du risque dans les capitales [préfectures] de certains départements illustrent le panorama des complexités de cette tâche au niveau départemental et même national. Les fonctionnaires de Carthagène, Barranquilla et Santa Marta conviennent que le manque de ressources financières, l’importante rotation de personnel et la faible quantité d’informations techniques disponibles - qui sont en outre dispersées - nécessaires à la prise de décisions, constituent les principaux obstacles qu’ils rencontrent. Et c’est dans ces circonstances qu’ils doivent respecter les termes de la loi 1523 qui établit des délais obligatoires et des normes techniques élevées pour l’élaboration des plans départementaux et municipaux de gestion des risques.

Selon Mabel Gutiérrez, responsable de la gestion du risque à Barranquilla, les villes n’ont pas le temps suffisant pour élaborer leurs plans et elles n’ont pas non plus les instruments nécessaires. Elle considère qu’il est important de savoir, par exemple, quels sont les secteurs à risque réductible et non réductible pour évaluer le risque de forts glissements de terrains, mais l’échelle des cartes qu’elle possède ne lui permet pas de le déterminer avec certitude. Elle ne peut donc pas prendre de décisions telles que la réinstallation de la population, par exemple. La question que se posent Gutiérrez et probablement d’autres responsables de la gestion du risque dans les municipalités et les départements colombiens, c’est : « Jusqu’à quel point est-il nécessaire de connaître les détails pour prendre des décisions ? Quel type de décision puis-je prendre en fonction de chaque échelle? ».

Armando Pineres, chargé de la gestion du risque à Santa Marta, a évoqué pour sa part les conditions difficiles de l’exercice de ses fonctions : il est le seul fonctionnaire de ce service à gérer un budget réduit dont pratiquement la totalité est consacrée à pallier à des situations conjoncturelles (graves glissements de terrain ou inondations). Il ne peut donc pas régler de manière intégrale des problèmes cruciaux tels que les installations urbaines de population dans des zones à haut risque comme le bord de la rivière Manzanares, ou encore moins signer des contrats pour les études que la loi exige afin d’élaborer les plans de gestion du risque. A Barranquilla et à Carthagène il existe des équipes de professionnels qui, même si elles sont formées pour la plupart par des maîtres d’œuvre temporaires, aident les fonctionnaires dans leurs tâches. Cependant, aussi bien dans ces villes qu’à Santa Marta, il y a souvent un manque de professionnels spécialisés et parfois les responsables du secteur du risque n’ont pas la préparation technique suffisante pour exercer leurs fonctions. On pourrait expliquer ces déficiences, aussi bien dans la collecte de l’information technique pour la prise des décisions que dans la stabilisation d’une équipe de travail, par l’absence de volonté politique de la part des dirigeants locaux et régionaux, le manque de ressources et le faible niveau d’appui de la part du gouvernement central.

De surcroît, très peu de villes colombiennes ont ouvert des bureaux spécialisés dans la gestion du risque car, dans la plupart des municipalités, le sujet dépend encore du secrétariat de planification local, tel que cela avait été proposé quand le Système National de Gestion de Désastres a été créé. Ce constat, ajouté au fait que certains départements et municipalités de la côte Caraïbe se trouvent sous les effets de la « Loi sur la Faillite » (accord de paiement entre l’entité territoriale et le Ministère des Finances, qui bloque, entre autres, la création de nouvelles lignes de crédits), et n’ont pas la possibilité de créer de nouveaux postes de travail Ceci limite considérablement le budget destiné à la gestion. Face à la complexité de ce panorama, la question que se pose le dirigeant est : Que faire?

Planifier le risque « avec des moyens dérisoires »

L’une des tâches principales du projet GIR a été l’assistance-conseil pour l’élaboration des plans départementaux de gestion du risque. Étant donné qu’il s’agit d’un programme d’inscription volontaire, le projet a progressivement signé des accords de coopération avec les départements. D’abord avec celui du Bolivar, afin de faire le diagnostic du fonctionnement de son service de gestion du risque. Plus tard, le contact a été établi avec sa capitale [préfecture] Carthagène, qu’il a conseillée pour la construction de son plan municipal. Selon Clara Álvarez, fonctionnaire du PNUD et directrice du projet, les bases utilisées pour construire les plans départementaux de gestion du risque proviennent du guide élaboré par l’UNGRD (4). Ceci est important, puisque l’une des principales réclamations des fonctionnaires locaux concerne le faible appui apporté par les institutions nationales. Or, ce guide constitue le début d’un processus d’articulation institutionnelle, en particulier pour la gestion du risque. Sans entrer dans les détails de la méthodologie, on peut signaler qu’elle suit deux axes : l’identification des menaces et des vulnérabilités, et la construction de scénarii de risque. Les menaces sont essentiellement des phénomènes naturels qui peuvent nuire à une région géographique déterminée : des pluies, des tremblements de terre, etc. Les vulnérabilités sont des facteurs socio-économiques, de planification, infrastructurels, culturels, etc., qui rendent une zone déterminée sensible aux menaces. Et les scénarii de risque, selon un modèle schématique, résultent de l’interaction de menaces et de vulnérabilités dans un contexte déterminé et concernent l’ampleur des dégâts dont peuvent souffrir un ou plusieurs de ses systèmes (le réseau routier, les installations de population, l’industrie locale, etc.).

Clara Álvarez et Jorge Giraldo, chargé du projet GIR pour le département du Bolívar, sont d’accord avec le fait que le premier pas est l’identification de l’information existante et de ses lacunes afin de pouvoir ensuite la compléter puis élaborer le plan municipal ou départemental (la méthodologie est la même). Au départ, on utilise une information secondaire (consultation bibliographique), ainsi que quelques bases de données : celle qui a été créée par la Corporation OSSO (Observatoire Sismologique du Sud-Ouest) à partir d’articles de presse et de rapports institutionnels (avec des données depuis le milieu du XXème siècle) appelée DESINVENTAR (5) ; ou celle de l’UNGRD, bien qu’elle présente l’inconvénient de contenir des informations datant uniquement des vingt dernières années. Dans le cas de la Côte Caraïbe, on s’est fondé sur des études existantes, telles que celles qui ont été faites par l’INVEMAR au cours de la dernière décennie afin de mesurer l’impact qu’aurait sur la région une possible augmentation du niveau de la mer. Ultérieurement, les fonctionnaires du projet réalisent une caractérisation d’acteurs importants dans le département ou dans la municipalité, afin d’identifier des menaces et des vulnérabilités sur la base des connaissances locales ; pour ce faire, on réalise une série d’ateliers participatifs auxquels sont invités le Conseil Municipal de Gestion du Risque ainsi que des représentants de l’université, de la société civile et du secteur privé. Les scénarii de risque, représentés sur diverses cartes, sont élaborés sur la base de cette information et validés par les acteurs sociaux qui ont participé au processus.

Clara Álvarez est consciente que la méthodologie du GIR ne suit pas une totale rigueur scientifique, mais elle affirme que, bien que l’information utilisée repose sur des notes de presse ou sur des savoirs locaux, ce qui les intéresse, c’est de savoir quels sont les phénomènes qui se sont produits, à quels endroits, et que la validation technique de l’information soit extérieure aux objectifs du projet. Elle nous rappelle également qu’en Colombie, les données historiques sur la fréquence des catastrophes sont rares et dispersées (fait qui est confirmé par l’enquête réalisée dans les bureaux de risque sur les recensements de population sinistrée ou sur la quantification des dégâts), et que devant l’impossibilité de payer les études hydrologiques, de sols, etc. nécessaires, la construction participative des scénarii de risque devient une alternative viable. Le scénario idéal est, bien sûr, celui où il y a suffisamment de stations météorologiques, des études techniques fiables, des systèmes d’alerte précoce, des logiciels spécialisées dans la simulation de risques, du personnel hautement qualifié etc. mais, en tenant compte du contexte de la côte Caraïbe, le projet fournit une série d’outils utiles pour la prise de décisions.

Dans n’importe quel plan de gestion du risque recevant une assistance-conseil du projet GIR, on pourra identifier et mesurer des menaces et des vulnérabilités, selon le manuel de l’UNGRD. Les menaces peuvent être de quatre types : Naturelles, Socio-Naturelles, Anthropiques et Technologiques. Pour leur part, les facteurs de vulnérabilité sont : physiques, économiques, environnementaux et sociaux. Aussi bien les premières que les secondes sont évaluées comme : hautes, moyennes et basses, et pour chacune d’entre elles, il existe une formule qui prend en considération certaines variables. Pour les menaces: Menace (A) = intensité (I) + fréquence (F) + territoire touché (T) et pour la vulnérabilité: V totale = V physique + V environnementale + V économique + V sociale. Précisément le calcul est effectué selon les informations obtenues par les fonctionnaires du GIR. Or, une fois les menaces et les vulnérabilités évaluées, elles sont recoupées afin d’établir le niveau de risque qui est aussi évalué comme haut, moyen ou bas.

Dans le cas de Carthagène on a identifié des menaces, des vulnérabilités et des risques pour ses trois arrondissements et pour ses zones rurale et insulaire. Les menaces les plus importantes sont les inondations, l’érosion des côtes, les rafales de vent, la houle et la détérioration des ressources naturelles. En termes de vulnérabilité on peut s’inquiéter, entre autres, de la déficience de l’accès à un logement et aux services primaires pour garantir la survie, des hauts niveaux de pauvreté et de chômage, de la surexploitation des ressources naturelles dans certaines zones, de l’emplacement des maisons dans des zones restreintes et de la précarité de leurs matériaux, de leurs structures et de l’accès aux services publics. Le plan de Carthagène est clair dans le sens où, s’il est vrai qu’il existe des problèmes environnementaux, la plupart des vulnérabilités sont de nature socio-économique. Une fois les vulnérabilités et les menaces calculées et hiérarchisées, elles sont recoupées dans une matrice qui calcule le niveau de risque selon la formule suivante: R = f (A, V). Pour Carthagène, les événements à plus haut risque sont de nature hydrométéorologique (ouragans, rafales de vent, inondations) et géologique (importants glissements de terrains, érosion des côtes) ; néanmoins, la dégradation des ressources naturelles et la pollution présentent un niveau de risque moyen, qui reste préoccupant dans une ville qui possède des écosystèmes sensibles.

Finalement, avec le mesurage des risques, on crée des « scénarii de risques » qui sont ceux qui permettent de prendre des décisions. Les « scénarii » combinent l’identification et le mesurage des risques, l’explication de leurs causes, leur emplacement spatial et temporel et la définition des mesures ou des actions à prendre pour les prévenir ou les atténuer. Pour Carthagène, on a défini des scénarii associés à des phénomènes d’origine hydrométéorologique ; d’origine géologique ; d’origine anthropique ; et d’origine technologique. Dans ce contexte, des actions concrètes sont déjà proposées dans les domaines de la connaissance, de la réduction et de la gestion des désastres.

Stabilisation des processus . . . Apprentissages et difficultés

L’un des points forts du projet GIR, c’est qu’il a réussi à « réunir autour de la table » ou à attirer l’attention d’acteurs sociaux et économiques qui, traditionnellement, n’avaient pas participé à des processus de gestion des risques. Jorge Giraldo mentionne le cas des industriels de Carthagène qui n’avaient jamais fait de travail conjoint avec la Mairie mais qui, grâce à la gestion de GIR, se sont impliqués dans le processus. Même la Fondation Mamonal, une organisation créée par les entreprises de la zone industrielle de Carthagène, a signé un accord avec le PNUD et avec la Mairie afin d’élargir son programme de Comités de Quartier pour la Gestion des Urgences (COMBAS) aussi bien de manière conceptuelle, en passant des risques technologiques aux risques climatiques, que sur le plan territorial, en passant de l’arrondissement n° 3, qui est la zone industrielle, aux autres arrondissements de la ville.

De manière plus générale, le projet a participé au renforcement du Nœud Régional du Changement Climatique de la côte Caraïbe, en présentant des études, des analyses de progrès normatifs, et en apportant son conseil pour l’élaboration d’un plan d’action avec une vision régionale et non seulement départementale. Le GIR a réussi à faire en sorte que les huit départements sélectionnés élaborent leurs plans de risque et s’approprient le sujet, à tel point qu’ils ont même consacré des crédits pour que leurs municipalités incluent la gestion du risque dans leur planification. Il est également parvenu, bien que de manière partielle, à obtenir que les Corporations Autonomes Régionales (CAR) participent à la construction des plans et facilitent les informations nécessaires pour construire des scénarii de risques plus solides ; cela a été possible, selon Clara Álvarez, grâce au fait que le projet a toujours maintenu ses coordinateurs sur le terrain pour y travailler directement, en favorisant ainsi la crédibilité dans le processus, même de la part de plusieurs entités comme les CAR qui ont l’habitude de garder jalousement les informations qu’elles détiennent. Pendant la durée de son fonctionnement, le projet a permis que les entités puissent identifier leurs responsabilités et les assumer, prouesse obtenue même de celles qui n’étaient pas conscientes de leur importance dans les Conseils municipaux ou départementaux de gestion du risque. En somme, on a renforcé la plupart des entités participantes, mais spécialement les services de gestion du risque de telle sorte qu’elles sont maintenant capables de diriger elles-mêmes des processus (auparavant elles avaient un leadership tellement faible qu’elles pouvaient difficilement mettre en place des actions).

Toutefois, malgré les progrès réalisés, certaines difficultés persistent toujours. L’UNGRD est toujours assez paternaliste, et elle a encore une présence très faible dans les territoires où continue à persister l’idée que sa seule fonction est d’amener des crédits d’assistance aux départements lorsque se produit une catastrophe. Cette situation met en péril la continuité du processus. Par exemple, une conséquence problématique de cette situation est que, comme les départements savent qu’ils ne vont pas cesser de recevoir des appuis de la part de l’UNGRD, ils commencent à supprimer les crédits qu’ils avaient attribués auparavant à la gestion du risque. Du côté de la population, cette approche paternaliste produit aussi des dépendances complexes : les catastrophes sont devenues l’occasion d’obtenir des aliments, des petits matelas, des moustiquaires, etc. d’une meilleure qualité que ceux dont ils disposent habituellement, et c’est un phénomène compréhensible dans un contexte de grande pauvreté et de déplacement forcé. Dans cet ordre d’idées, le principal défi du projet est d’arriver à ce que l’UNGRD s’implique davantage pour garantir la continuité du processus, puisqu’elle est précisément l’entité qui doit mettre en place et maintenir sur le long terme le nouveau modèle de gestion du risque.

Comments

Le rapport entre la gestion du risque et le changement climatique est indéniable. De fait, certains comme Clara Álvarez suggèrent que celui-ci devrait être un composant de plus du processus général de gestion du risque. Tout au moins sur la côte Caraïbe, les principaux risques sont en rapport avec des phénomènes climatiques : énormes glissements de terrain, inondations, augmentation du niveau de la mer, érosion des côtes. Cependant, les faiblesses institutionnelles évidentes que nous avons soulignées empêchent toute gestion efficace du changement climatique.

Par conséquent, un projet destiné à renforcer les capacités institutionnelles des départements et des communes pour construire un plan cohérent de gestion des risques exerce un impact décisif sur la gestion du changement climatique. Or, la tâche est complexe et il reste encore beaucoup d’éléments qu’il faut améliorer au niveau régional. Si à court ou moyen terme se produit une augmentation de l’intensité et de la périodicité de phénomènes climatiques extrêmes, et que les gouvernements locaux et régionaux ne consolident pas le processus de renforcement qu’ils ont développé, ce qui s’est passé pendant le phénomène de La Niña se répétera avec davantage de force et provoquera des ravages encore bien plus importants. D’un autre côté, le projet GIR a créé des synergies entre différents acteurs sociaux qui doivent se mettre d’accord pour arriver à une « gouvernance » du risque et du changement climatique : les habitants, les gouvernements locaux, l’université et le secteur privé. En cela, la construction participative des scénarii de risques constitue un point fort si l’on tient compte du fait que la participation des habitants est un élément clé pour faire accepter les mesures qui doivent être prises pour affronter les risques (climatiques ou non). De surcroît, et en pensant à un avenir optimiste, l’idéal serait de pouvoir combiner des technologies de pointe et des études sophistiquées avec des savoirs locaux et des outils de participation, tels que la cartographie sociale, car ainsi la mesure et la planification du risque seraient plus intégrales ; il est en effet possible que différents acteurs sociaux aient des échelles distinctes d’évaluation du risque, et il pourrait y avoir des conflits si l’une d’entre elles était ignorée.

Bibliographyy

NOTES

(1) L’éruption du volcan-nevado [aux neiges éternelles] du Ruiz, en 1985, a complètement détruit le village d’Armero, situé dans le département du Tolima, ce qui a mis en évidence l’inefficacité des mécanismes nationaux de gestion et de prévention. historico.elpais.com.co/paisonline/notas/Noviembre082005/A281.html, consulté le 07 Août 2013.

(2) Le phénomène de La Niña est l’une des deux phases de l’Oscillation Niño-Sud, un phénomène climatique global, possédant deux transitions : l’une froide, qui est la conséquence d’une forte période de vents alizés venant de l’Est qui refroidissent les températures équatoriales, connu comme « La Nina » ; et une autre chaude, qui se produit lorsque les vents alizés diminuent, connu comme « El Niño ». A cause du réchauffement climatique, l’intensité de ces phénomènes est plus forte, comme cela s’est produit en Colombie en 2010 et 2011.

www.elheraldo.co/noticias/medio-ambiente/el-caribe-una-de-las-regiones-mas-vulnerables-a-los-fenomenos-naturales-109260 , consulté le 07 aout 2013.

(3) www.sigpad.gov.co/sigpad/pnud/Pagina.aspx?idp=4 , consulté le 08 Août 2013.

(4) www.sigpad.gov.co/sigpad/archivos.aspx?idc=50 , consulté le 08 Août 2013.

(5) www.desinventar.org/es/general/acercade , consulté le 19 Juillet 2013.

Notes

Fiche traduite de l’espagnol au français par Joseph Cheer.

 

See also