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Experienca

Les vicissitudes du Megabus S.A. pour être certifiée comme un Mécanisme de Développement Propre

Le système de transports en commun de Pereira (Colombie) dans sa stratégie d’atténuation du changement climatique

Por Angela Vejarano

Pereira est la première ville intermédiaire de Colombie à mettre en place un système de transports en commun, ce qui suscite quelques particularités dans sa mise en oeuvre. Megabus S.A. est une société publique de coordination et de contrôle de ce système. Depuis 2012, Megabus est devenu un Mécanisme de Développement Propre-MDP, grâce, entre autres, à « l’envoi à la casse » des bus qui circulaient auparavant dans la ville. Le processus de certification du Megabus en tant que MDP révèle quelques-unes des vicissitudes que rencontre une entité dans l’obtention de crédits pour réduction d’émission de carbone. Il contribue également au débat sur la pertinence et l’efficacité des paiements pour services environnementaux dans la lutte contre le changement climatique.

Contenido

Dans le cadre du projet « Villes colombiennes et changement climatique”, réalisé en collaboration avec l’Agence française de développement, Fedesarrollo [Fédération pour le Développement] et la Fundación Ciudad Humana [Fondation Ville Humaine], l’Institut de Recherche et Débat sur la Gouvernance (IRG) a identifié différentes expériences qui contribuent à la réflexion sur l’adaptation et/ou l’atténuation du changement climatique. L’une d’entre elles concerne le système de transports en commun qui dessert la ville de Pereira, la capitale [préfecture] du département du Risaralda, située à l’Ouest de la Colombie. Ce système, intitulé Megabus, consiste en la mise en place de bus articulés qui circulent sur des couloirs exclusifs, reliant différentes stations. Pendant la mise en place de ce système, de nombreux bus traditionnels, au niveau de pollution beaucoup plus important que celui des véhicules de Megabus, ont été supprimés. C’est pourquoi Megabus S.A. – la société publique formée par les Administrations de plusieurs municipalités et par d’autres entités publiques, et chargée de coordonner et de contrôler le système – a décidé de demander la certification en tant que Mécanisme de Développement Propre. Elle est alors passée par un processus complexe qui témoigne des difficultés que peut rencontrer une telle initiative pour obtenir cette certification auprès des Nations-Unies.

Pereira fait partie de la Zone Métropolitaine Centre Ouest-ZMCO [AMCO en espagnol], composée de deux autres municipalités : La Virginia et Dosquebradas. Depuis 1996, la ZMCO et la Mairie de Pereira ont identifié un problème d’offre excédentaire de véhicules de transports en commun de l’ordre de 38% dans la ville. A cette époque – et jusqu’à la mise en place du système de transport de masse Megabus – la mobilité des voyageurs urbains dépendait d’entreprises de transport privées. Si cela favorisait l’association des transporteurs, il n’y avait en revanche aucune politique régulatrice. Il n’existait donc pas de règles claires et standardisées sur les prix du trajet, sur les fonctions des chauffeurs et sur la qualité de l’état des véhicules. Cette autorégulation du système de transport public et le poids des associations des transporteurs favorisaient alors une dynamique de « guerre du centime ». En situation de concurrence, les chauffeurs réduisaient les prix des trajets de manière discrétionnaire pour attirer davantage de passagers (et accroître ainsi leurs revenus).

Il est alors devenu évident que ce modèle de transports en commun devait être changé au profit d’un autre, géré à 100% par une entreprise publique, et dans lequel les tâches de fonctionnement et des recettes seraient exercées par des entités différentes. Alors que le Gouvernement National avait réservé d’importants crédits pour la mise en place du Megabus, la ZMCO a développé une proposition, évaluée positivement par le Département National du Plan-DNP qui a ensuite appuyé la conception du projet. La mise en place du Megabus a commencé en 2006, dans un climat de protestations de la part des transporteurs et au milieu des travaux de construction des égouts de la ville. Cette conjoncture a entraîné des retards dans les travaux mais, en 2008, le système fonctionnait de manière intégrale. Il a alors reçu des crédits du Gouvernement National et des municipalités de Pereira et de Dosquebradas (une partie de la taxe sur l’essence a aussi été collectée) qui sont reliées par le Megabus.

Par ailleurs, Megabus S.A., en tant qu’entreprise publique, a engagé deux opérateurs privés chargés de la gestion et de l’entretien des bus principaux: INTEGRA pour Pereira et PROMASIVO pour Dosquebradas. La première résulte de la fusion des sept entreprises de transport qui travaillaient avant sur les lignes maintenant desservies par le Megabus ; la seconde est l’union des transporteurs de cette municipalité. En s’intégrant dans ce nouveau système de transport en commun, les membres d’INTEGRA et de PROMASIVO ont dû s’impliquer sérieusement dans la « mise à la casse » des vieux bus qui devaient être remplacés par le Megabus. C’est-à-dire qu’ils étaient responsables de la destruction physique des véhicules qu’ils faisaient marcher auparavant et qui, du fait de leur vétusté, polluaient davantage que les bus articulés amenés par Megabus. Environ 180 mini-bus ont été détruits et près de 500 bus ont été retirés de la circulation. L’offre excédentaire a été ainsi réduite d’environ 20%.

Megabus a alors commencé à se rapprocher de la Corporation Andine de Développement-CAF, une banque de développement formée par différents pays et par plusieurs banques latino-américaines. La CAF était alors pratiquement la seule institution ayant la capacité de réaliser une première ligne et de parvenir à consolider des Réductions d’Émissions Certifiées (CER, selon le sigle en anglais) pour des projets de transport en commun.

La CAF avait une expérience en matière de carbone depuis la fin des années 90. Elle avait notamment été chargée de faciliter la reconnaissance du Transmilenio – le système de transport en commun de Bogota, D.C. - en tant que MDP auprès des Nations-Unies en 2004. Pour ce processus, la CAF avait commencé, dès 2001, à développer une méthodologie pour la mesure des bons de carbone, avec le soutien de la société de conseil Grutter Consulting. Les méthodologies de ce type doivent être stipulées dans un Document de Conception de Projet (PDD, selon le sigle en anglais) établi pour chaque initiative voulant être certifiée en tant que MDP. Bien que la méthodologie élaborée par la CAF ait reçu l’approbation des Nations-Unies en 2006, elle devait également être spécifiquement adaptée à chaque projet et à chaque PDD présenté dans chaque ville. Cependant, le PDD de Megabus a rencontré des difficultés particulières.

Bien que le début du fonctionnement de Megabus et l’approbation de la méthodologie de mesure des bons de carbone de la CAF aient eu lieu au cours de la même année (2006), les deux institutions avaient signé le contrat avant l’approbation de la méthodologie. Le PDD de Megabus a été présenté peu de temps après la signature de ce contrat. Ce document devait être ensuite évalué par la Det Norske Veritas-DNV, une société de consulting agréée par les Nations-Unies afin de valider et de vérifier la réduction de Gaz à Effet de Serre-GES. Une fois la vérification du PDD de Megabus effectuée par la DNV, son inscription en tant que MDP auprès des Nations-Unies pourrait être réalisée. Cependant, la vérification par la DNV pour le système de transport en commun de Pereira a mis beaucoup de temps. Quatre (04) ans se sont écoulés avant que les crédits carbone du projet de Megabus soient prêts pour sa certification. Carlos Rojas, cadre principal à la Direction du Développement Environnemental et Social de la CAF, considère que ce retard a été provoqué par la surcharge de travail à la DNV, au regard de sa propre capacité à assumer le nombre de projets présentés à l’époque. Ce retard a failli entraîner l’échec du projet de Megabus en tant que MDP.

Parallèlement à ce retard, la méthodologie présentée par la CAF pour la mesure des bons de carbone a été modifiée suite à des exigences des Nations-Unies. Des études et des données spécifiques (par exemple les taux d’occupation des taxis et des autres moyens de transport) devaient être fournies avant la mise en place et l’exécution du projet. Or, du fait que le contrat entre Megabus et la CAF date de 2006, année où le système de transport en commun a commencé à fonctionner dans la ville, ces études n’ont pas pu être réalisées avant 2007. Néanmoins, suite à des pourparlers entre les Nations-Unies et la CAF, au cours desquels cette dernière a argumenté que très peu de temps s’était écoulé depuis le début de la mise en fonctionnement de Megabus lorsque les études demandées ont été réalisées, on a réussi à surmonter avec succès cet obstacle. Les Nations-Unies ont permis à Megabus de poursuivre son processus de certification en tant que MDP, bien que les nouvelles études demandées n’aient pas été faites avant la mise en marche du système.

Finalement, en Août 2012, Megabus a été certifié en tant que MDP afin de pouvoir obtenir des revenus provenant de la vente des bons carbone. Cependant, le panorama avait changé. Selon Rojas, le marché des crédits carbone est en dépression. Le nombre de pays acheteurs de crédits a diminué et le prix a baissé de manière considérable : une tonne de carbone coûtait auparavant cinq (05) Euros, mais actuellement elle ne vaut plus que près de cinq (05) centimes. Jusqu’à fin 2011, le marché des crédits carbone a été très actif, car les pays du Nord s’étaient engagés à réduire les émissions et cela impliquait la signature de nombreux contrats avec des entités qui pouvaient fournir les bons carbone. Cependant, pour Rojas, deux facteurs ont précipité cette chute des prix : la crise économique européenne et l’absence d’engagements post-12 avec le Protocole de Kyoto. Ces deux raisons ont entraîné un manque d’intérêt des différents agents pour continuer des contrats déjà signés. Parallèlement, s’est généralisée l’idée selon laquelle il n’était pas raisonnable d’investir dans un marché dont les prix étaient à leur niveau le plus bas.

Par conséquent, la CAF est actuellement en train d’évaluer de nouveaux créneaux potentiels ayant la reconnaissance suffisante pour que le prix payé pour les crédits carbone justifie d’investir dans des procédures de contrôle nécessaires après la vente. Selon Rojas, il y a des compagnies internationales qui tentent de compenser leurs émissions avec l’achat de crédits, et il y aurait là des possibilités de vente pour Megabus. Malgré toutes les difficultés rencontrées par le processus, les deux entités continuent à travailler ensemble. Selon José Jhon Gálves, Directeur des Opérations de Megabus S.A., cela vaut la peine de s’y impliquer, puisque cela suscite un intérêt pour avoir une flotte de véhicules dotée d’une meilleure technologie et pour augmenter « l’envoi à la casse » des bus les plus polluants.

Comentarios

Décrire l’expérience de Megabus dans son processus de certification en tant que MDP, permet de rendre compte des différentes difficultés rencontrées dans la pratique par la mise en place de cet instrument prévu dans le Protocole de Kyoto, et également de son avenir incertain.

Il est évident que le fait de payer pour des services environnementaux est une stratégie risquée puisqu’elle dépend du capital prévu pour un marché. Gálves soutient qu’il y a un manque d’incitations pour que davantage de projets soient impliqués dans un processus de certification MDP. Ces incitations découlent bien sûr des bénéfices escomptés, ce qui fut au début l’une des raisons qui ont poussé Megabus à entrer sur le marché des crédits carbone: “Avec ou sans la possibilité d’être certifiés en tant que MDP, nous allions réduire l’offre excédentaire de véhicules, et par conséquent, les émissions de CO2. Alors pourquoi pas ? Les conditions y étaient favorables. Bien que notre projet principal n’ait pas été de nous certifier en tant que MDP, ce qui nous importait, c’était la protection de la nature, la qualité de vie et la réduction de la pollution. Par conséquent, cela a contribué à notre décision de nous impliquer dans le processus”, affirme Gálves. Mais, qu’arriverait-il si cette motivation initiale d’être certifié en tant que MDP n’existait pas ?

Le fait que le marché des crédits carbone soit déprimé ne veut pas dire que des systèmes de transport en commun déjà mis en place tels que le Megabus commencent à polluer davantage, mais plutôt que leur contribution à l’atténuation du changement climatique n’est pas reconnue. Mais s’il n’y a pas de motivations financières suffisantes pour continuer sur cette voie, cela pourrait-il signifier que, aussi bien pour Megabus – que pour d’autres projets – on cesse de mener des actions destinées à optimiser cette contribution à la lutte contre le changement climatique (utilisation de nouvelles technologies moins polluantes pendant certaines étapes de fonctionnement ou de construction d’un système de transport par exemple)? Il est utile de réfléchir sur des stratégies d’atténuation fondées sur des motivations moins fluctuantes que celles offertes par le marché. Si Rojas affirme que suite aux difficultés pratiques d’application des instruments du Protocole de Kyoto, les investissements commencent à s’orienter davantage vers des stratégies d’adaptation, il ne faut pas laisser de côté la responsabilité d’agir qu’ont des entités, des entreprises, des citoyens et des gouvernements du monde entier pour atténuer le changement climatique. Or, celle-ci ne peut être conditionnée uniquement par les dynamiques de l’offre et de la demande. Une réflexion s’imposerait alors quant à la possibilité de créer ou de renforcer un autre type de motivations pour réduire les émission de GES.

Dans le cadre d’un nouveau discours sur la “Justice Climatique”, il est proposé d’opter pour des mesures plus sévères à l’encontre des pays qui émettent de plus grandes quantités de GES, et qui tentent d’abandonner les mesures d’atténuation du changement climatique à l’intérieur de leurs propres frontières. On cherche ainsi des actions concrètes pour réduire l’hyperconsommation dans les pays du Nord et dans certains secteurs des pays du Sud, et pour diminuer au maximum l’extraction de pétrole, de manière à ce que les combustibles fossiles restent sous terre. Dans ce sens, il est utile de mentionner une proposition que l’Équateur encourage depuis quelques années, relative à l’Impôt “Daly-Correa” (Daly-Correa OPEC eco-tax), perçu sur l’exportation de pétrole. Recouvrée au niveau international, cette taxe aurait pour but de “freiner les émissions de dioxyde de carbone et de financer en même temps la réduction de la pauvreté et la transition énergétique”. Cette “éco-taxe”, proposée par l’économiste Herman Daly et encouragée par le président équatorien Rafael Correa, serait mise en place par l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole-OPEP et gérée par un “Fonds mondial pour le développement durable”, fournisseur de ressources financières pour des initiatives “qui puissent encourager l’utilisation d’énergies alternatives et des technologies qui éviteraient la dépendance des combustibles fossiles”.

Le débat sur l’efficacité des mesures d’atténuation du changement climatique passant par un marché du carbone se poursuit. D’autres propositions et opinions sont également émises pour chercher des solutions au problème réel identifié par la Commission Intergouvernementale pour le Changement Climatique (IPCC, selon le sigle en anglais) dans son dernier rapport : le changement climatique se produit effectivement. C’est un fait “évident” et, même si les émissions de GES commencent à être réduites, il est fort probable que dans peu de temps la température moyenne de la planète augmente de 2°C. Il est par conséquent urgent que les actions d’atténuation du changement climatique soient aussi importantes que celles concernant ce changement.

Bibliografía

Notas de pie de página

Fiche traduite de l’espagnol au français par Joseph Cheer.

 

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