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note de lecture

Diversité européenne, mode d’emploi

Ou comment l’Europe a pu s’enrichir de sa diversité pour créer des emplois grâce aux Initiatives Locales de Développement Economiques

Auteur : JOUEN, Marjorie

Par Robert Douillet

22 septembre 2002

Table des matières

JOUEN, Marjorie

Marjorie Jouen est diplômée en sciences politiques (1979), ancienne élève de l’ENA (1989). Elle fut de 1993 à 1998, membre de la Cellule de prospective de la Commission européenne (Bruxelles), chargée des questions territoriales et sociales puis conseillère, responsable du département « Affaires européennes » à la DATAR (Paris).

De 2002-2005 elle fut chef du bureau « Union européenne - adhésions » à la DGTPE - au Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (Paris).

Elle est depuis 2006, membre du Cabinet du Président du Comité des régions (Bruxelles)

En février 1993, l’Europe a la gueule de bois après le « non » des Danois au traité de Maastrich et le « oui » très timide des Français pour ce même traité. L’Europe est symbole de la tyrannie des marchés, du largage des services publics et de la bureaucratie tatillonne.

Février 2000, au contraire, prend ses airs printaniers dans l’euphorie ambiante. Le bogue informatique tant redouté n’a pas eu lieu, et l’Europe semble portée par la nouvelle économie initiée aux Etats-Unis ; le chômage décroît dans tous les états membres. Entretemps, dans les discours officiels, le « malgré sa diversité, l’Europe… » a été remplacé par « grâce à sa diversité, l’Europe…".

Cette évolution traduit parfaitement le profond changement de la perception qu’ont les responsables de la construction européenne : il faut construire l’Europe sur sa diversité plutôt que contre elle. En particulier, la politique européenne de l’emploi pour cette fin de millénaire s’appuie sur ce concept par la mise en place de soutiens aux « Initiatives Locales de Développement Economique » (ou IDLE), plus connu en France sous le terme (insatisfaisant car incomplet) de « nouveaux services » ou « services de proximité ».

Il existe en effet une nouvelle demande sociale liée à l’allongement de la durée de vie (17% d’augmentation du nombre des plus de 80 ans en 6 ans), à l’extension du travail des femmes, aux désirs croissants d’une alimentation de qualité, à l’aspiration à des loisirs en dehors du tourisme de masse et aux désirs d’une vie associative au service de la solidarité, de l’éducation et de la culture. Ni les Etats, ni les entreprises privées ne peuvent répondre seuls à cette nouvelle demande. La réponse se situe localement, par une alchimie entre l’économie, le social et le territoire, zone géographique dont les projets sont menés avec les acteurs locaux.

L’irruption du local correspond à une nouvelle donne de la compétitivité, car c’est à ce niveau qu’apparaît l’inadaptation de la sécurité sociale, mais aussi que se révèlent les nouveaux besoins liés aux changements de mode de vie et d’aspiration.

D’importants travaux de membres de la Commission européenne ont permis de classer les « Initiatives Locales de Développement Economiques », malgré leur hétérogénéité et leur diversité, en 19 domaines. Certains d’entre eux bénéficient d’une forte mobilisation locale stimulée par les administrations publiques et les politiques, car ils correspondent schématiquement à des « consommations collectives » et améliorent donc l’image de marque du territoire en terme de qualité de vie et d’attractivité ; il s’agit par exemple de l’amélioration du logement, de la sécurité, des transports collectifs locaux, de la gestion des déchets, etc… D’autres répondent à une demande croissante des évolutions sociologiques liées à l’augmentation du temps libre et à l’envie de s’instruire. Activités lucratives et bénévoles se côtoient sur ce marché en expansion. D’autres enfin sont des services personnalisés de la vie quotidienne, comme les gardes d’enfants ou les services à domicile ; ils offrent des perspectives d’emplois prometteuses malgré la lenteur des changements de mentalité et les freins imposés par les opérateurs déjà en place.

Les différentes études ont montré le rôle primordial de ces initiatives locales dans la création d’emplois durables. Grâce à eux, l’économie européenne se tertiarise sous une forme distincte de celle des Etats-Unis où ces nouveaux emplois relèvent trop souvent d’une sous-économie pour travailleurs pauvres, précaires ou clandestins.

Mais ce succès n’est ni définitif, ni total et la bataille n’est pas encore gagnée. De nombreux freins persistent parmi lesquels l’immobilisme administratif (la lenteur des paiements effectués par l’administration est source de nombreux problèmes), la résistance du modèle industriel (trop lente évolution des structures juridiques disponibles, des outils financiers et du droit du travail) et les politiques d’emploi trop exigeantes quant aux modalités financières lors de la création d’une structure économique, ou trop généreuses pour inciter les chômeurs à accepter des emplois qui n’augmenteront que faiblement leurs revenus.

Enfin, ces initiatives peuvent être menacées par des idéologies de replis identitaires et de refus de l’économie globale. Elles risquent aussi d’être récupérées par des grosses structures attirées par la perspective d’un marché de taille important générateur de revenus conséquents.

 

Références documentaires

JAOUEN, Marjorie, Diversité européenne, mode d’emploi, Charles Léopold Mayer, 2000/06 (France), 211 p.

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