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Entrevista

La cohésion sociale passe par la confiance des personnes envers leur gouvernement.

Du local au national, les institutions doivent garantir l’égalité de tous les citoyens face aux droits fondamentaux, en prenant en compte l’intégration des jeunes et des immigrés à une société vieillissante qui supporte mal l’hétérogénéité.

Marta Vincenzi: Maire de Gênes (Italie)

Por Carlos Augusto Olarte

Contenido

Marta Vincenzi: Maire de Gênes (Italie)

Adhérente du PCI (Parti Communiste Italien) depuis 1974, Marta Vincenzi a été Présidente de la Commune de Gênes de 1997 à 2007, date de son élection à la Mairie de Gênes.

Capitale de la Ligurie, Gênes est le second port de la Méditerranée après Marseille. Une des caractéristiques de la ville est l’âge avancé de sa population (plus élevé que la moyenne du pays). La ville le compte avec une grande population d’immigrés dont presque la moitié proviennent de l’Equateur. Son activité économique est basée surtout sur la pêche

Population : 800 000 Hab.

Superficie 243 km²

Altitude 20 m

Densité 2 571 hab./km²

Année de fondation : 6éme siècle avant J.C.

Questions réponses

Selon vous, et par ordre de priorité, quels sont les trois principaux défis de la cohésion sociale au sein de votre ville et/ou association ? Et pourquoi ?

Le premier est la question économique. Nous observons dans notre ville une forme de précarité dans l’accès au travail. Cette situation a créé la nécessité de mieux occuper les jeunes. Son corollaire est la question de l’immigration, Gênes accueillant une communauté importante d’immigrés, notamment venus d’Equateur. Ce sont les femmes qui sont venues les premières dans notre ville, pour travailler comme infirmières auprès des malades et des personnes âgées. Nous voyons désormais la deuxième génération de ces immigrants.

Cette nouvelle génération a généralement refusé les politiques d’intégration que nous avions pensées pour elle. Ceci est également vrai à Londres ou à Paris. Nous assistons à une autre typologie pour le même problème. C’est une problématique européenne très forte que nous devons résoudre avec de nouveaux instruments. Ce problème général demande des initiatives locales qui permettront de créer des bonnes pratiques reproductibles dans d’autres grandes villes.

Je souhaite aussi évoquer le problème de la sécurité. La sensation de ne pas être en sécurité. Ce n’est pas seulement une question de criminalité, mais bien de «sensation de manque de sécurité». La perception est une grande question.

Pour résumer, le premier défi est la question de l’emploi.

Oui. De l’emploi et de l’immigration. La sécurité étant une conséquence de la situation économique, de l’absence de politiques publiques et du peu de confiance des gens en leurs institutions.

Pourquoi ce manque de confiance dans les institutions ?

Au fil des années, la qualité de l’intervention publique a certainement baissé. On est peu intervenu, les politiques «de bien-être» disparaissant. Les personnes se sentent seules et ont tendance à penser que l’Etat ne peut rien faire pour elles, ce que je trouve terrible.

Le deuxième défi auquel est confronté ma ville est la question territoriale. Gênes est divisée avec des quartiers très hétérogènes. L’organisation des services publics, l’organisation de la mobilité urbaine sont des questions qui intéressent les gens et qui doivent garantir la cohésion sociale. La prestation des services publics n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Homogénéiser ces services est notre deuxième grand défi.

Notre troisième défi serait la garantie de l’équilibre entre les générations. A l’exemple du reste de l’Europe, notre ville a vu sa population vieillir. En outre, beaucoup de personnes âgées vivent seules et ont peur, en particulier des immigrants. La plupart des immigrants sont jeunes et habitent dans des quartiers où l’intervention publique est déficiente, ils sont peu formés et ont moins d’opportunités d’emploi. Cette situation est propice à l’apparition de la délinquance et attise des sentiments racistes.

Pourquoi ces immigrants ont-ils si peu d’opportunités ?

En théorie ils ont les mêmes chances que les autres. Mais dans la pratique ce n’est pas vrai. Beaucoup de ces jeunes abandonnent l’école à un âge très précoce et ne peuvent donc pas aspirer à un bon travail.

A votre avis, pourquoi est-ce ainsi ?

Ces jeunes refusent une intégration qui a été pensée à partir d’une situation ancienne très différente. C’est l’organisation de la société qui a changé. Ils refusent l’intégration culturelle. Ils fonctionnent selon un autre modèle qui n’est pas le modèle actuel des politiques publiques.

Comment considérez-vous la coopération décentralisée, et le dialogue entre l’Union Européenne et l’Amérique latine dans la gestion de ces problèmes ?

Je pense que la coopération décentralisée nous offre des instruments qu’il faut protéger et rendre plus forts. Nous avons conduit une bonne expérience avec le Salvador en 1996. La ville de Gènes a établi un réseau de communication et d’information avec ce pays. Ce réseau a été validé par la société civile, des syndicats, des associations, et par les institutions. Ensemble, ils ont agi auprès de la jeunesse et de l’enfance.

Nous souhaitons répéter cette expérience avec l’Equateur et d’autres pays. Une meilleure connaissance des pays à travers l’organisation d’échanges, permet la valorisation de leurs émigrants.

Intervenir auprès de la jeunesse et de l’enfance est important pour réussir l’intégration ?

Oui. L’intégration est un processus qu’il ne faut pas abandonner. Nous devons améliorer l’accueil dans les villes, mais aussi renforcer la capacité de la ville et de l’Etat à intervenir par le biais de politiques intégrées et à plusieurs niveaux d’action. Les chefs d’Etat de l’Union européenne doivent considérer que l’intégration, les politiques sociales, la coopération, sont essentielles pour répondre à la globalisation.

Qu’attendez-vous de ce forum ?

L’échange. Je souhaite que le Forum permette d’affirmer que le niveau local est le laboratoire dans lequel pourront se résoudre les grandes questions et défis de ce siècle. Ce sont les gouvernements locaux les plus proches des personnes. Ce sont donc eux qui connaissent le mieux les besoins de ces personnes. Les gouvernements nationaux doivent se rendre compte que c’est en renforçant les politiques locales que les grands problèmes de nos sociétés pourront être résolus.

Il n’y aura pas de réponse efficace de la part du gouvernement central s’il ne connaît pas les problèmes des personnes. Le gouvernement local, lui, connaît parfaitement ces problèmes et peut y faire face de manière rapide et efficace.

Pour terminer, je souhaite insister sur les fautes commises par le passé afin de ne pas les reproduire. Nous avons trop limité l’intervention publique et cela ne peut pas se renouveler. Je ne parle pas de la privatisation, mais bien des droits. Il n’est plus possible de se focaliser sur un concept de famille. Dans notre ville, nous avons au moins douze typologies de famille. Comment imposer à tous un modèle ? Chacun a la liberté de fonder sa famille sans modèles préexistants. C’est pour cela que je préfère parler de droits des personnes : droit aux services publics (santé, éducation) qui doivent être universels.

 

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