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La place de la concertation dans la gouvernance de la politique de santé publique en France

Rapport de Synthèse

By Sophie Verrier

2012

Table of content

Introduction

Le contexte

L’efficacité de l’action publique suppose notamment l’association de différentes parties prenantes à la définition, l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. La prise en compte des attentes, matérielles et symboliques, d’une diversité d’acteurs au cours de l’élaboration de ces politiques, constitue un facteur clef de leur légitimité et leur effectivité.

Au cours de ces dernières années, la France a connu une évolution rapide du cadre général des relations entre acteurs non étatiques et pouvoirs publics dans le secteur de la santé.

Notamment en termes de dialogue et de concertation : aux stratégies d’influence développées par les associations de malades ou de professionnels (occupation de l’espace médiatique, mise en place de réseaux ou de coalitions, recherche d’alliances avec des agents de changement dans les administrations, etc.) est venue s’ajouter la mise en place, notamment par les pouvoirs publics, d’une dynamique de concertation plus formelle et plus organisée, dans le cadre de l’affirmation de ce que l’on désigne aujourd’hui sous le terme de « démocratie sanitaire ». Ce concept introduit dans la loi de mars 2002 comprend d’une part les droits individuels (droits à l’information, à la réparation des risques sanitaires, etc.) et d’autre part les droits collectifs, en institutionnalisant la concertation, en prévoyant la représentation des associations dans les instances.

Cette évolution s’inscrit dans un contexte de mutation des modes de gouvernance de la santé et dans un processus de régionalisation. Elle a donné lieu à la mise en place de nouveaux types d’espaces de concertation et d’expression démocratique impliqués dans la définition et la mise en œuvre des politiques de santé publique. Au niveau national, le ministère de la santé n’est plus l’unique décisionnaire, d’autres institutions publiques interviennent plus ou moins directement dans le domaine de la santé. Dans les régions, de nouveaux espaces de dialogue entre usagers, malades, professionnels et pouvoirs publics se créent, alors que d’autres existent déjà au niveau national. Des initiatives du même ordre sont mises en place à une échelle infrarégionale (territoires, villes…).

Pourtant, la représentation collective et la participation des différents acteurs restent aujourd’hui encore un défi à relever. Nombreux sont ceux qui, parmi les responsables associatifs, les professionnels de la santé ou les représentants des administrations de santé, s’interrogent sur les modalités concrètes de cette nouvelle gouvernance du secteur. Ils se questionnent sur :

  • La légitimité et l’efficacité de ces espaces de concertation et de copilotage, de leurs compétences, de leurs objectifs, et des modalités du dialogue qu’ils permettent d’impulser. S’agit-il d’un nouveau gadget bureaucratique destiné à renforcer la légitimité de pratiques inchangées ou d’un renouveau profond des conceptions et de la gouvernance du système de santé français ?

  • L’identité des parties prenantes autour de la table de ce dialogue. La reconnaissance d’une représentation de « l’usager », de ses savoirs et de ses besoins, par des acteurs à la fois indépendants et capables d’analyse et d’action, demeure encore fragile. La légitimité de ces acteurs à produire une expertise, prendre la parole et assurer une partie du suivi de la mise en œuvre des politiques est en effet la pierre angulaire de cette approche nouvelle de la construction des politiques, et reste encore largement à questionner.

  • L’articulation des espaces de concertation locaux, régionaux et nationaux et la mise en cohérence de leurs responsabilités et de leurs objectifs. Avec la création des Agences régionales de santé, de nouvelles modalités de concertation plus locales sont susceptibles d’apparaître. Or l’histoire de la politique de la ville ou l’aménagement du territoire en témoignent d’ores et déjà : la décentralisation joue un rôle fondamental dans la diffusion et la transformation des pratiques de concertation et de participation citoyenne, en créant de nouveaux pôles décisionnels aux mains d’élus proches de l’espace local. Le défi demeure ainsi d’assurer l’inscription de ces espaces de démocratie locale dans la transformation des politiques nationales de santé.

La problématique

La problématique est donc la suivante : De quelle manière les espaces de concertation s’inscrivent-ils dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques de santé et plus largement dans la gouvernance de la politique de santé publique en France ?

Le travail consiste à dresser un état des lieux pour comprendre le fonctionnement des espaces de concertation et à analyser les propos recueillis auprès d’acteurs de la santé pour identifier l’articulation et l’efficacité de ces mêmes espaces.

Nous proposons de laisser au second plan les concertations visant à assurer la participation des usagers au fonctionnement quotidien des institutions, pour privilégier celles qui influent sur les orientations de la politique de santé.

La méthode appliquée

L’objectif est de construire collectivement, à partir de l’expérience française et dans une perspective interculturelle, un ensemble de documents concrets (étude, série d’études de cas, modules de formation, etc.) susceptibles d’aider à mieux comprendre les conditions de la concertation des différents acteurs étatiques et non étatiques dans les politiques de santé.

1. Pour cela, l’Institut de recherche et débat sur la gouvernance (IRG) a procédé à la constitution d’un comité de pilotage pluri acteurs dit aussi « groupe de suivi », en charge d’encadrer le processus en définissant plus spécifiquement le cadre de questionnement, en identifiant le type de personnes interrogées, etc. Ce groupe de travail est composé de 11 personnes d’horizons différents à la fois de représentants des administrations publiques de santé, de professionnels du secteur et de responsables associatifs et syndicaux.

2. L’Institut a ensuite engagé un travail de diagnostic des espaces de concertation. Melle Verrier Sophie a mené cette mission dans le cadre d’un stage d’une durée de 5 mois. Elle a :

  • Enrichi la recherche bibliographique

  • Réalisé le recueil et le croisement d’une série de témoignages d’acteurs publics et privés impliqués dans ces dynamiques de concertation, afin de mettre en perspective leurs perceptions, leurs expériences et leurs recommandations dans ce domaine.

  • Analysé les données bibliographiques et les réponses des entretiens en vue de faire des propositions d’amélioration.

3. L’Institut a réalisé une publication grand public de son étude sur la gouvernance des politiques de santé en France. Il souhaite ensuite poursuivre l’étude en proposant au comité de pilotage la rédaction d’un diagnostic collectif des pratiques françaises de démocratie sanitaire et d’une série de recommandations à porter auprès des différentes instances locales, régionales et nationales (Conseils régionaux et nationaux de santé, Agences régionales de santé, etc.).

4. Eventuellement, l’IRG travaillera à la mise en perspective de l’expérience française sur le mode de la gouvernance de santé publique auprès d’autres expériences nationales, latino- américaines, africaines, mais aussi européennes, sur lesquelles l’Institut a commencé à se pencher. Il pourra croiser également le mode de gouvernance de la santé publique avec celui qui s’opère dans d’autres politiques sectorielles (environnement, etc.). Cette dimension pourra être explorée ultérieurement.

L’enjeu

L’étude émerge précisément au moment où chacun espère un « nouveau souffle » pour la démocratie sanitaire - notamment avec la création des Agences régionales de santé – et s’interroge déjà sur un bilan de ses premières années de fonctionnement.

L’enjeu est de faire avancer les pratiques, de nourrir les débats et d’enrichir le contenu des formations dans ce domaine, par un croisement des perspectives et des expériences autour d’un processus encore en pleine construction.

Conscient de cet enjeu, l’IRG se propose de mener l’étude. Son intérêt émane de ses champs de compétences puisque l’Institut a notamment pour objectif d’identifier et analyser les pratiques innovantes d’interactions entre les institutions publiques et les acteurs non étatiques (société civile, secteur privé, citoyens…) permettant l’élaboration de régulations efficaces et légitimes au sein de la sphère publique. Depuis peu, l’Institut a développé une réflexion spécifique sur le rôle des acteurs non étatiques (associations d’usagers ou de professionnels, chercheurs, entreprises, etc.) dans les politiques publiques de santé. C’est dans cette dynamique qu’en mars 2010, il a organisé un séminaire de travail sur la coproduction des services de santé en partenariat avec l’Université de Virginie (USA) réunissant une diversité d’acteurs des systèmes de santé américain, chinois et français. Cette rencontre sino-franco- américaine a eu lieu au moment où la Chine et les Etats-Unis réfléchissaient à une réforme en profondeur de leur politique de santé publique.

Ce premier séminaire a permis de mettre en évidence à la fois la singularité et l’ambigüité de l’expérience de la France en termes de « démocratie sanitaire ». En croisant leurs témoignages et leurs perceptions du modèle français de gouvernance de la santé et ses évolutions récentes, les participants français ont exprimé la nécessité de construire plus en profondeur un diagnostic collectif des pratiques de « démocratie sanitaire à la française » (leurs forces, leurs faiblesses, les conditions de leur succès, etc.) afin d’identifier les conditions d’une participation pertinente des acteurs non étatiques dans le secteur de la santé.

Le plan

Ce rapport de synthèse correspond au travail de diagnostic réalisé par Melle Verrier Sophie. Il s’organise en quatre parties :

  • L’étude du contexte et l’interprétation des données

  • La méthode de travail appliquée

  • Le développement de l’étude

    • L’état des lieux des espaces de concertation impliqués dans les politiques de santé publique

    • L’étude de cas : la région Languedoc-Roussillon

    • L’étude de la Conférence Nationale de Sante

  • Les perspectives d’amélioration

 

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