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Análisis

Du pouvoir dans les anciens royaumes wolof du Sénégal, des origines au XVIIIe siècle

Intervention de Mamadou BADJI au colloque IRG/ARGA de Bamako (Mali), janvier 2007

Quelles sont les structures de l’appareil d’État et comment sont-elles articulées les unes aux autres ? Quels sont les mécanismes de redevabilité utilisés par les détenteurs du pouvoir ? Auprès de qui sont-ils redevables : une autorité supra- nationale ou leurs propres populations ? Dans le cadre d’un questionnement plus large sur le rapport au pouvoir et les articulations possible des couples tradition-modernité et légalité-légitimité, cette fiche passe par l’exemple des royaumes Wolof pour inscrire cette réflexion dans l’histoire afin de trouver des réponses pour l’avenir.

Cette contribution s’inscrit dans le cadre du colloque organisé par l’IRG et L’ARGA en janvier 2007 à Bamako (Mali). Elle s’inscrit plus particulièrement dans la session de débat sur la « REDEVABILITÉ DU POUVOIR ».

Contenido

La recherche en sciences sociales s’enrichit de plus en plus de concepts novateurs, ou tout simplement « revisités ». Certains d’entre eux sont d’ailleurs d’origine anglo-saxonne : tel est le cas du concept de « gouvernance », qui permet de mettre l’accent sur une conception managériale des réformes et des mutations de l’État, décrivant non le rôle économique de celui-ci, mais la manière dont il assume ses fonctions, sa capacité de régulation et d’impulsion, son aptitude à piloter la société.

Si, pendant longtemps, c’est une lecture purement économique de ce concept qui a prédominé et qui a donné naissance à une série de réformes, cette conception a montré ses limites : la « gouvernance » suggère l’idée selon laquelle on peut, sans transformer l’État, entreprendre des réformes en tant qu’elles constituent des indicateurs de performance de la gestion des affaires publiques, des outils efficaces de pilotage de l’État ou de l’administration. Dans cette perspective, l’innovation ne résiderait pas dans les réformes en elles-mêmes, comme moyen de modifier le rôle de l’État, mais dans l’art de piloter l’État ou l’administration.

Le concept de gouvernance exerce en Afrique un certain attrait : il est devenu un thème récurrent des débats sur le pilotage de l’État africain. Non seulement, il bénéficie d’un intérêt pour la recherche des ressorts de l’État de droit 38 , mais aussi d’une légitime curiosité intellectuelle, entraînant les spécialistes de science politique 39 à construire de nouveaux paradigmes. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter le but de cette étude. Son objet cependant est modeste : il s’agit de réfléchir sur un aspect de la gouvernance en Afrique, celui de la « redevabilité » du pouvoir, entendue comme l’exercice du pouvoir, à diverses composantes et structures de l’État ou de l’administration, qui soit efficace, intègre, équitable, transparent et comptable de l’action menée. La problématique de la « redevabilité » du pouvoir est déterminée par les solutions apportées aux deux problèmes suivants : d’une part, quelles sont les structures de l’appareil d’État et comment sont-elles articulées les unes aux autres ; d’autre part, quels sont les mécanismes de redevabilité utilisés par les détenteurs du pouvoir ? Auprès de qui sont-ils redevables : une autorité supra- nationale ou leurs propres populations ?

De ce point de vue, les Africains ont, très tôt, tenté de trouver des solutions à ces problèmes, notamment dans les sociétés politiques des régions situées entre le sud du Sahara et la grande forêt sur lesquelles se sont penchés de nombreux analystes des sociétés politiques africaines. Il existait un appareil d’État dont la perfection, le haut degré d’organisation politique portaient en eux-mêmes les potentialités de l’efficacité qui caractérise les administrations des monarchies européennes de l’Ancien Régime.

Il n’est donc pas sans intérêt de revisiter l’histoire institutionnelle et juridique de ces sociétés politiques. En vérité, ce détour par l’histoire est très souvent négligé dans la réflexion ou l’analyse des systèmes politiques africains, tant par les politologues que par les autres chercheurs en sciences sociales, exception faite des historiens des institutions. Or, si l’on veut bien comprendre les enjeux du débat qui nous réunit, dans le cadre de ce colloque, il n’est pas inutile de plonger plus avant dans le passé pour y puiser des éléments de réponse face aux interrogations du présent.

La royauté wolof du Sénégal servira de cadre à cette étude. Ayant bénéficié, à l’instar des premiers foyers de vie collective organisée du Soudan occidental, d’une ambiance économique et politique propre au développement d’une administration bien structurée, les Wolofs ont, très tôt, été confrontés au problème du rapport au pouvoir 40 , à l’élaboration de règles pour le bon fonctionnement de la société. En vérité, la naissance de structures politiques de « forme monarchique » fortement étatisées et influencées par l’islam au Soudan date du Moyen Âge, 41 période particulièrement favorable à l’épanouissement d’institutions politiques durables. La royauté wolof du Sénégal en est un des avatars. Ici, des règles existent, des schémas institutionnalisés sont mis en vigueur par la collectivité pour qu’en dépit de la fracture qui sépare les gouvernants et les gouvernés, les détenteurs du pouvoir rendent compte au peuple de l’action menée.

Après avoir cherché à comprendre les ressorts de la redevabilité du pouvoir chez les Wolofs, nous tenterons de montrer que les bouleversements institutionnels qui accompagnent les changements introduits dans l’exercice du pouvoir, à partir du XVI e siècle, impriment à la royauté wolof une direction particulière, décrivant un dépérissement des mécanismes de redevabilité.

Les ressorts de la redevabilité du pouvoir

L’analyse s’attachera ici à relever les mécanismes de redevabilité du pouvoir dans les principautés wolofs au regard de la tradition. La tradition représente ce qui existait non seulement avant la poussée de l’islam, mais aussi dans la période qui va du XV e au XVIII e siècle.

Le problème peut être envisagé dans sa globalité comme étant réglé sur la base d’une tendance à s’approprier la tradition ancestrale tout en cherchant à réaliser un amalgame qui confère aux ensembles politiques des caractéristiques tout à fait différentes des autres systèmes. Par hypothèse, la tradition représente le vrai visage des Wolofs, les traits caractéristiques de leurs structures sociales. Il semble qu’à cet égard, jusqu’à la fin du XV e siècle, l’appareil d’État était marqué par une forte prégnance de la tradition, les recherches en ciences sociales démontrant un déclin généralisé de la tradition à partir du XVI e siècle.

L’organisation politique des wolofs est fortement marquée par une structure sociale hiérarchisée 42 . La structure politique est de forme monarchique. Le roi appartient de manière générale mais non exclusive à la noblesse. Il n’est pas forcément le fils aîné d’une lignée, à l’instar de ce qui était appliqué dans la plupart des monarchies européennes ; il était élu parmi divers prétendants au trône provenant de familles royales différentes qui, parfois, comme au Waalo appartenaient à des ethnies différentes. Le roi était élu par un conseil dont la composition était variable.

Au Djoloff, ce conseil se composait de sept membres du garmi qui avait à leur tête le Djarraf Djambour. Au Cayor, le conseil était également présidé par le Djarraf Djambour et comprenait en outre un représentant des citoyens libres et un représentant de chaque caste. Au Waalo, le conseil se composait en particulier du maître des tenures foncières ou lamane, de celui des esclaves gawdin, de celui de l’eau ou jogoma et enfin du trésorier ou mala. Ce conseil était non seulement chargé de l’élection du roi, mais veillait également au contrôle de ses actes.

Les plaintes du peuple parvenaient au roi par l’intermédiaire d’un membre du conseil. Il est tout à fait remarquable que dans les circonstances importantes, le roi convoque le conseil et suive autant que possible ses recommandations. En cas de désaccord, de différends sérieux ou de manquements graves aux obligations que la coutume met à sa charge, le Djarraf Djambour pouvait exciper de l’absence de soutien populaire à l’action du roi et obtenir son retrait du pouvoir, le trône revenant alors à l’un des héritiers des dynasties rivales. C’est dire que le roi dans les principautés wolofs n’était pas un monarque absolu. Malgré son autorité ou ses mérites personnels, il trouvait près de lui des personnes qui partageaient le pouvoir avec lui et qui pouvaient le destituer, lorsqu’il s’avérait qu’il ne jouissait pas de toutes ses facultés intellectuelles ou morales pour conduire sa tâche.

Il semble que les forces sociales qui se sont manifestées dans la structuration politique des principautés wolofs aient orienté leurs efforts vers l’établissement d’un système oligarchique 43.

Les autorités investies d’une parcelle de pouvoir et celles qui constituent les organes de direction entretiennent des relations d’interdépendance : « On saisit très bien cette interdépendance dans les périodes de renouvellement des institutions, lorsque les prééminences qui s’expriment ultérieurement, s’effacent plus ou moins pour tenter de réinstaller les lignages souverains dans les responsabilités que la tradition leur reconnaît sur l’élaboration et la vie du système 44 ». Les héritiers des dynasties rivales vivaient généralement hors du territoire de l’État, dans un pays d’accueil où ils pouvaient non seulement acheter des esclaves mais aussi lever une petite armée. Le nouveau roi apportait généralement des idées novatrices de son pays d’accueil, ce qui peut être interprété comme un facteur favorable à l’éclosion d’influences réciproques entre les différentes principautés, dans le domaine du pilotage de l’État, à la réception du droit constitutionnel sur une échelle réduite.

Ce système qui dénote un caractère collégial de l’exercice de la souveraineté et de la maîtrise de l’appareil d’État a prédominé. Les tâches qui incombaient aux autorités se rapportaient principalement à l’administration de l’État et aux services de gestion.

L’administration de l’État était très décentralisée, le roi et ses conseillers ne se chargeant que des affaires de première importance. L’armature administrative régionale révèle une très grande autonomie des provinces. Le Waalo, par exemple, était divisé en régions qui avaient chacune à sa tête un vice-roi, le Kangam. L’armée royale se composait de nobles et d’esclaves. Les finances couvraient un domaine restreint. Les dépenses se limitaient à l’entretien de la cour et de l’armée, ainsi qu’à l’achat de présents. Le souverain était l’argentier du royaume. L’économie de l’État se confondait avec son patrimoine personnel. Les revenus provenaient principalement des butins de guerre, des produits de la terre, du cheptel et du commerce. En cas de menace grave ou en cas de préparation à la guerre, les hommes libres étaient tenus de verser une contribution.

Le roi était le juge suprême, il jugeait en dernier ressort les causes les plus importantes. Il a le droit exclusif de prononcer la peine de mort, même si la pratique des ordalies (épreuves du poison, de l’eau, du feu) était admise, avec son cortège d’erreurs.

Comme on le voit, le pouvoir dans les principautés wolofs du Sénégal appartient à un seul souverain. La conception du gouvernement est donc personnelle et non pas institutionnelle. Reste à dire si ces sociétés politiques précoloniales présentaient des traits démocratiques, si les populations peuvent également exercer leur influence sur l’État ou l’administration et ses composantes ou structures. L’État est réduit aux gouvernants, à leur entourage et les mécanismes de redevabilité à ceux qui décident, à ceux qui détiennent les leviers de commande.

Au demeurant, une observation des faits montre que le rôle des populations est central : en effet, les populations peuvent exprimer leur assentiment ou leur désaccord avec la politique menée, et révoquer les responsables politiques. Certes, le principe dynastique et l’inégalité sociale qui caractérisent le système politique wolof conduisent à conclure qu’il n’y avait pas de démocratie dans le Sénégal précolonial. Toutefois, il existait des schémas institutionnalisés par la société qui empêchaient la royauté de dégénérer en tyrannie : l’élection du roi par le conseil et le contrôle que ce dernier exerce sur son pouvoir (droit de destitution) limitaient la puissance royale. S’il ne s’acquittait pas des obligations mises à sa charge par la coutume, envers son peuple, le souverain devait affronter une opposition dirigée non pas contre le régime, mais contre sa personne. La décentralisation contribuait dans une certaine mesure à modérer le pouvoir du roi. La plupart des chefs de provinces étaient élus par un collège électoral suivant des critères bien définis. La population venait souvent en foule, assister à l’investiture, en dépit du caractère limité du droit de suffrage et pouvait alors manifester son approbation ou sa désapprobation. Un autre facteur non moins important contribuait à limiter le pouvoir du souverain : l’existence d’un paysan chef des terres, le Lamane. Il représente un contrepoids à la féodalisation du système. La libre circulation des individus était remarquable et la liberté de l’opposition reconnue. Il s’agit, ici, non pas d’une opposition basée sur l’inégalité économique visant à casser la fracture entre gouvernants et gouvernés, mais plutôt d’une opposition politique entendue au sens d’un groupement cherchant à conquérir le pouvoir par des schémas institutionnalisés par le groupe. On a pu parler à cet égard « d’oligarchies de substitution » qui se regroupaient autour des prétendants au trône malchanceux. Une telle opposition reposait non seulement sur lutte pour le pouvoir, mais aussi sur des postures idéologiques et les intérêts opposés des dynasties rivales. À la lumière de ce qui précède, la redevabilité du pouvoir en Afrique précoloniale a donné des résultats plus ou moins satisfaisants et des contenus précis. L’évolution des sociétés au demeurant conduit à un dépérissement de la tradition, les mécanismes de redevabilité du pouvoir jusque là observés ayant été dénaturés.

Le dépérissement des mécanismes de redevabilité du pouvoir

On peut apprécier ce problème d’un double point de vue : du point de vue du dérèglement du pouvoir et du point de vue de la défaite du système juridique traditionnel.

Le Cayor et le Baol constituent un terrain d’observation des changements survenus entre les détenteurs du pouvoir et la population, dès la fin du XV e siècle. Ces deux principautés en effet « ont connu un bouleversement profond des structures et des rapports sociopolitiques. Les modifications survenues sont étroitement liées à l’intervention du commerce européen et français en particulier, dont le souci était d’exporter une quantité maximum de captifs »45.Cette intervention « a largement déterminé l’éclosion des conflits intérieurs et des guerres civiles, la multiplication ­ sinon l’instauration ­ des " pillages » sur les populations paysannes wolofs et sérères, ainsi que la fréquence des campagnes contre les pays voisins 46». L’irruption du despotisme dans les royaumes sénégalais et surtout les bouleversements qui accompagnent la traite, s’ajoutant à des difficultés liées à la pratique politique en vigueur, impriment des changements dont tous les effets restent à éclairer mais que traduisent certains indices : là où les instances de pouvoir étaient diversifiées et empêchaient donc des abus d’autorité, on voit émerger des « seigneurs de la guerre » qui renforcent leur pouvoir par la force des armes, s’appuient sur la classe des ceddos et participent à la traite atlantique 47 .

On relève des guerres civiles successives dans les principautés wolofs où les différentes familles royales s’affrontent 48. Les esclaves de la couronne vont à la faveur de ces guerres prendre le pouvoir au détriment des membres élus des assemblées, ou des agents royaux, investis de charges héréditaires au niveau de l’État ou dans les provinces 49. Les exactions commises par les seigneurs de la guerre privent la monarchie du soutien populaire. L’accaparement du pouvoir par les seigneurs de la guerre, consécutif à l’accentuation de l’esclavage, à la multiplication des conflits et des guerres entre royaumes, poussent les Européens à intervenir directement et à imposer le système de la traite. Ce système consiste à exporter les captifs de guerre, à les vendre et en fournissant les armes à cet effet. Jean Suret-Canale considérait que « la traite africaine n’a pas été l’aboutissement d’un processus de développement interne mais elle a résulté d’une sollicitation, d’une intervention extérieure » 50.

Cet argument cependant ne résiste pas à la critique car il tendrait à accréditer l’irresponsabilité des sociétés autochtones dans la défaite des droits naturels. L’investissement de ces sociétés dans le développement du trafic des esclaves témoigne au contraire d’une rationalité particulière. Il vise d’abord le renforcement du pouvoir politique et militaire par l’appropriation des armes à feu.

Cette tendance marque incontestablement une évolution dans les rapports entre les souverains et leurs sujets. En effet, « bien qu’ils soient désignés par une assemblée représentative de l’ensemble de la société et révocables par celle-ci, les rois ont été entraînés à multiplier les abus de pouvoir, qui ne pouvaient guère être sanctionnés » 51 . Les changements survenus dans les rapports entre souverains et sujets, surtout au Cayor et au Baol 52 reflètent l’état de deux royaumes qui, pris dans l’engrenage de la traite, donnent un statut politique à la violence. Ils affectent ainsi l’exercice des fonctions exécutives ou les rites qui les rattachent à l’ « empire » du Djoloff : le système politique du Djoloff passe en effet « d’un pouvoir largement centralisé, reposant sur l’autonomie de communautés locales, au développement d’un appareil permanent de gouvernement qui réduit progressivement les « libertés » locales, affirme de plus en plus nettement son caractère guerrier, alourdit l’impôt et les corvées » 53 .

Au demeurant, la violence dans les principautés du Baol et du Cayor est antérieure à l’arrivée des Européens au Sénégal 54 ; elle pose avec acuité la légitimité des gouvernants à partir du XVI e siècle, époque où l’on observe une montée en puissance des ordres, et où la pratique politique en vigueur dans ces royaumes tend à consacrer la prépondérance des ceddos et des captifs du matrilignage Guedj 55 dans le conseil qui était chargé de l’élection et du contrôle des rois, au détriment de la traditionnelle représentation des paysans libres n’appartenant pas à des castes (roturiers) ou baadolos : les conflits qui opposèrent les rois aux chefs paysans, maîtres des tenures foncières ou lamanes se soldèrent par la victoire des souverains soutenus par leur entourage et les ceddos. Ecartés du conseil chargé de l’élection du roi, les baadolos seront exploités, assujettis à toutes sortes d’impôts, corvées et taxes qu’ils versent au roi. L’évolution de leurs conditions matérielles de vie ne va pas dans le sens d’une amélioration, bien au contraire. La situation génère une altération des mécanismes régulateurs prévus par la « constitution » de certaines principautés comme le Cayor .Dans la « constitution » du royaume du Cayor, en effet, on était souvent en présence de règles « qui constituaient un cadre coordonné et hiérarchisé, qui étaient susceptibles d’exécution forcée, sanctionnées selon des procédés propres au monde juridique 56 .

Au demeurant, l’avènement d’un régime monarchique centralisateur, autoritaire et répressif opéra négativement sur la garantie des droits dans cette société politique africaine 57 , le nouveau pouvoir influencé par le commerce négrier n’ayant de limites que son propre pouvoir. Il en résulte évidemment une altération des mécanismes de redevabilité du pouvoir. De l’altération des mécanismes, certaines manifestations apparaissent particulièrement révélatrices, la privatisation de l’usage de la violence légitime par exemple 58 . Celles-ci procèdent du conflit des intérêts entre la population qui ne supporte plus les exactions, les corvées et les impôts, les pratiques prédatrices et les souverains et les agents royaux plutôt soucieux de composer avec les négriers, de trafiquer des êtres humains 59 .

Par ailleurs, les règles juridiques applicables aux conflits individuels font largement place à l’arbitraire : les sanctions pénales dans la plupart des principautés wolofs infligées aux délinquants au XVII e siècle sont généralement la réduction à l’esclavage. Certes, il est excessif de dire que ces changements ont apporté, sur le plan institutionnel, des bouleversements considérables ; mais il est plus inexact encore de dire qu’ils n’ont laissé aucune empreinte sur les institutions, sur les mécanismes de redevabilité de pouvoir.

Notas de pie de página

38 L’État de droit implique la soumission des gouvernants et gouvernés à la loi, à des normes supérieures, l’autolimitation de l’État par le droit.

39: Dans leurs analyses, les spécialistes de science politique proposent plutôt une approche managériale des réformes et des mutations de l’État : ce n’est plus le rôle économique de l’État qui est déterminant, mais l’art de piloter l’État ou l’Administration, en orientant ses différentes composantes et structures de manière à optimiser leur rendement et leur efficacité.

40: Voir G. Hesseling, Histoire politique du Sénégal, Paris, Karthala, 1985, pp. 106-114.

41: Le Moyen Âge africain a été considéré comme l’âge d’or des sociétés politiques africaines, cf R. Mauny, « Le Soudan occidental à l’époque des grands empires », in Histoire générale de l’Afrique noire, t. 1, pp. 185-201.

42: P. Diagne, Pouvoir Politique traditionnel en Afrique Occidentale, Paris, Présence Africaine, 1967, p.21 et ss.

43: P. Diagne, Pouvoir politique traditionnel en Afrique occidentale, op. cit. p. 22.

44:Id.

45:C. Becker et Martin, « Kayor et Baol : royaumes sénégalais et traite des esclaves au XVIIIe siècle », in RFHOM, n°23/227, 1975, pp. 290-299.

46:Ibid., p.270.

47: B. Barry, La Sénégambie du XVe au XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 1988,pp. 127-142.

48:A .B. Diop, La société Wolof, Tradition et changement, Paris, Karthala, 1981, pp. 196-199.

49: Avec la multiplication des crises de succession, les « esclaves royaux », se sont substitués presque partout aux esclaves de la couronne, sauf au Djoloff et prêtent main-forte aux souverains en place.

50: J. Suret-Canale, « Contexte et conséquences sociales de la traite africaine », Présence africaine, n 50, Paris, 1964, pp. 142-143.

51: C. Becker et V. Martin, « Kayor et Baol : royaumes sénégalais et traite des esclaves au XVIIIe siècle », op. cit., p. 293.

52: Cf V. B. Coifman, History of the Wolof State of Jolof until 1860. Including comparative Data from the Wolof State of Walo, Ph. D., Dissertation, University of Wisconsin, 1969.

53: C. Coulon, « Contrepoints », in E. Leroy, « Mythes, violence et pouvoirs. Le Sénégal dans la traite négrière », Politique africaine, II (7), septembre 1982, p. 80.

54: A.B. Diop, La société Wolof., op. cit., p. 130.

55: M. Diouf, Le Kayor au XIXe siècle et la conquête coloniale, Thèse ès Lettres, Paris I, 1980, pp. 119 et 130.

56 P.F. Gonidec, Les droits africains. Evolution et sources, Paris, LGDJ, 1968, p. 9.

57:P.F. Gonidec, Les systèmes politiques africains, 1ère éd., vol. I, p. 42 et s.

58: J. Suret-Canale, « Contexte et conséquences sociales de la traite africaine », Présence africaine, n°50, Paris, 1964, pp. 145-147.

59: E. Leroy, « Mythes, violence et pouvoirs. Le Sénégal dans la traite négrière », op.cit., pp. 53-54.

 

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