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Análisis

Le choix des dirigeants : s’inspirer de l’expérience historique africaine

Intervention de Ntji Idriss MARIKO au colloque IRG/ARGA de Bamako (Mali), janvier 2007

Pour mieux comprendre les fondements actuels de la légitimité, et la manière dont s’articulent tradition et modernité, il s’agit ici d’explorer les rapports et conceptions du pouvoir qui se sont succédés au cours de l’histoire ouest-africaine. Cette fiche dégage les caractéristiques générales des empires et royaumes d’Afrique de l’Ouest, à travers des exemples concrets de l’exercice du pouvoir, des institutions et de leur fonctionnement.

Cette contribution s’inscrit dans le cadre du colloque organisé par l’IRG et L’ARGA en janvier 2007 à Bamako (Mali). Elle s’inscrit plus particulièrement dans la session de débat sur « LE CHOIX DES DIRIGEANTS ».

Contenido

Parler de la gouvernance en Afrique noire précoloniale, c’est parler des systèmes et formations socio-politiques qui ont existé alors, à travers l’exercice du pouvoir, les institutions qui matérialisaient ce pouvoir, le fonctionnement de ces institutions. Notre étude concernera l’Afrique Occidentale où des États se sont formés tôt et se sont succédé jusqu’au XIXe siècle.

On pourrait être tenté d’étudier chaque formation politique séparément et en détail. Ainsi on irait, chronologiquement de l’empire de Ghana au royaume bambara de Ségou ou à l’empire peul du Macina en passant l’empire du Mali et l’empire Songhoy. Cette démarche comporte le risque de répétitions quand on sait ce que la plupart de ces « États » ont emprunté à leurs prédécesseurs. Il nous paraît plus indiqué de dégager les caractéristiques générales de ces empires ou royaumes, en étayant nos vues par des exemples concrets, ce qui ne nous empêchera pas de mettre en exergue les particularités propres à chacun d’eux. Nous nous fondons en cela sur ce constat de Cheikh Anta Diop : « Dans toute l’Afrique organisée en États, la structure politique et sociale de cette époque (de l’empire de Ghana au XIX e siècle) semble ne présenter que des différence de détail. » Avant d’en arriver au cas des États constitués, il nous paraît utile de rappeler certaines réalités sur lesquelles se fondait le notion de « pouvoir », donc de « dirigeant », dans l’Afrique traditionnelle. Tout d’abord, il s’agissait de sociétés orales qui accordaient une importance capitale à l’expérience cumulée où le patriarche était le plus ancien, le plus informé. L’unité de base était la famille. Quand des familles s’associaient et mettaient en commun leurs intérêts, elles formaient un village dont le chef était le premier parmi ses pairs sur Il nommait aux fonctions et jugeait en dernière analyse. Souvent aussi, il jugeait dans la capitale comme le faisait le souverain du Wagadu-Ghana, chaque matin en se promenant dans la ville.

Dans certaines formations sociopolitiques dont l’islam était le fondement, les imams, les cadis étaient nommés par le souverain.

Il était le chef de l’armée qu’il dirigeait quelquefois lui-même lors des expéditions importantes. Les exemples à ce propos sont nombreux : on peut citer Soundjata et Soumaworo, du Mandé et du Sosso, Sonny Ali Ber du Songhoy, Da Monzon Dirara de Ségou, etc…

Souvent aussi le souverain nommait à la tête des expéditions militaires de braves guerriers. Ainsi Soundjata faisait diriger à sa place les expéditions par Tiramakan Traoré et ou par Fakoli Kourouma ; à Ségou le souverain Da Monzon Diarra pouvait confier la charge de conduire les troupes à Bakary Dian. Les fonctions auxquelles le souverain nommait étaient à la fois politiques, administratives, militaires et religieuses. Ainsi il nommait les ministres qui étaient autant de dignitaires remplissant de véritables fonctions de ministres, comme ce fut le cas au Songhoy et au Macina par exemple. Les gouverneurs de province étaient également nommés par le souverain et exécutaient les tâches administratives.

Dans certaines formations sociopolitiques dont l’islam était le fondement, les imams, les cadis étaient nommés par le souverain.

Le Songhoy le Macina sont à cet égard des exemples types. Les chefs militaires étaient également nommés par le souverain. Les exemples sont légion au Mandé, au Songhoy, à Ségou et dans l’Empire toucouleur d’El Hadj Omar. La cour impériale ou royale est une autre institution de l’État précolonial en Afrique noire. Elle comprenait la famille du souverain, et aussi les dignitaires. En dehors des épouses du souverain, les autres membres de la cour se voyaient souvent attribuer des fonctions. Ainsi les princes pouvaient être des généraux dans l’armée, des chefs de province.

Au Songhoy nombre des enfants d’Askiya Muhammad étaient des chefs d’unités dans l’armée, des chefs de province. À Ségou, sous la dynastie Diarra, les princes étaient installés à la tête de province appelée Dendugu qu’ils étaient chargés d’administrer. Quant aux dignitaires, ils jouaient souvent le rôle de ministres. Dans le Songhoy et le Macina nous avons affaire à des tâches comparables à celles des ministres de nos jours. Que l’on en juge : au Songhoy il y avait le ministre des Finances, le ministre chargé des étrangers… En plus de ces tâches auxquelles ils étaient commis, les ministres faisaient partie du conseil impérial qui se réunissait pour débattre, à la demande du souverain, des questions importantes pour prendre de grandes décisions. Ce conseil était donc un organe à la fois exécutif et législatif. Au Macina ce Conseil était bien connu, comprenant 40 membres choisis selon leur intégrité, leur âge (au moins 40 ans) et leur niveau d’instruction. C’est le Grand Conseil ou Bato Mawdo en peul, organe dirigeant de la Dina, à la fois législative et exécutif. À côté de ce grand conseil il y avait le Petit conseil ou Conseil secret très restreint dont les membres suivaient Sékou Ahmadou lorsque le grand conseil ne siégeait pas. On peut dire que le conseil des dignitaires était comme un gouvernement et par conséquent que celui-ci était une institution bien que faisant partie de la cour impériale. La composition du conseil dépendait de la volonté du souverain. Il n y a qu’au Macina qu’il existait des critères précis pour le choix des membres du conseil.

Les décisions du conseil étaient prises après bien des débats et même si la décision finale revenait au souverain, il devait tenir compte des avis exprimes, des coutumes et traditions et des intérêts de son pays. Ces débats, nous les rencontrons dans les cours du Mandé, de Ségou, du Songhay et surtout au Macina et chez les Toucouleurs. L’armée était également une institution étatique. C’était une institution d’autant plus importante qu’elle constituait l’instrument qui permettait d’acquérir le pouvoir. En effet c’est l’armée qui permettait de s’imposer aux ennemis à l’intérieur mais aussi de conquérir les territoires pour agrandir son domaine.

À ce titre elle était l’objet d’une attention particulière. Nous savons aussi que les souverains étaient les chefs de l’armée, qu’ils dirigeaient personnellement à l’occasion de certaines campagnes. Parfois ce sont des hommes de confiance qu’ils désignaient à leur place. C’est dire que la plupart des souverains étaient d’abord des guerriers comme Soundjata, Binton Mamary de Ségou ou Sonny Ali Ber du Songhay. Certains chefs militaires jouaient aussi des fonctions politiques et administratives importantes : ils pouvaient aussi être ministres, chefs de province dans le Songhay. Askia Mohamed avant de s’emparer du pouvoir en 1492 était un général de l’armée et aussi le chef de la province du Hombori. Le pouvoir s’exerçait à travers le fonctionnement harmonieux de ces différentes institutions, et ceci d’autant mieux lorsque la transmission se faisait dans les normes sociales alors en vigueur. On a distingué leurs principales formes de transmission du pouvoir : la succession matrilinéaires et la succession patrilinéaire. La succession matrilinéaire dans laquelle le neveu succède à l’oncle, était appliquée notamment dans le Wagadou Ghana. Elle est une forme préislamique qui aujourd’hui a disparu dans le Soudan Occidental sauf chez certains groupes ethniques de la Côte-d’Ivoire.

Par contre, dans la succession patrilinéaire, le fils succède au père, elle a été introduite et propagée par la religion musulmane. Elle a été pratiquée dans les autres structures sociopolitiques depuis l’empire du Mali jusqu’aux dernières royautés qui ont été balayées par les conquêtes coloniales : Songhay, Ségou, Karta, Macina, Toucouleur, Kénédougou, etc. Ces deux formes de succession n’ont pas toujours été appliquées convenablement. C’est dire que souvent des gens ont passé outre ces formes de succession pour s’emparer du pouvoir alors qu’ils n’en ont pas le droit. De nombreux exemples peuvent êtres signalés dans l’Empire du Mali, nous avons aussi l’accession au pouvoir de Sakoura considéré comme un affranchi. Au Songhay deux exemples peuvent être notés qui ont même abouti à la création de nouvelles dynasties : Ali Kolen et Souleymane. Ces deux anciens otages songhay emmenés au Mandé, se sont enfuis et arrivés à Gao, ils se sont emparés du pouvoir au détriment du souverain légitime et ont créé la dynastie Songhay.

De même Mohamed Sylla fondateur de la dynastie des Askia, général de l’armée songhay poussé et soutenu par les chefs religieux musulmans est parvenu à s’emparer du pouvoir au détriment du successeur de Sony Ali en 1492. À Ségou, en 1766, NGolo Diarra s’empara du pouvoir par la force et créa une nouvelle dynastie, celle des Diarra. De la présentation des formes de succession au pouvoir en Afrique noire précoloniale, la conclusion à tirer est que si les successions matrilinéaire et patrilinéaire en principe permettaient d’éviter des troubles, des conflits pour le pouvoir et renforçaient les bases de l’État, l’accession violente au pouvoir par contre affaiblissait le pouvoir et même entraînait vers la décadence le pays. Ces formes de succession montrent que le pouvoir n’était pas attribué par une quelconque volonté des populations mais par la force ou par l’héritage. Ceci constitue une limite à la légitimité du souverain pour les populations bien qu’il y ait différents types de légitimité. Il en résultait aussi que ces États sont demeurés faibles sans grand pouvoir de résistance face à des chocs ou à des troubles intérieurs voire à des attaques venant de l’extérieur. Leur nature dictatoriale ne faisait que favoriser leur faiblesse.

Les États précoloniaux de l’Afrique noire se caractérisaient par un système administratif varié, combinant d’ailleurs plusieurs types de modèles. L’administration centralisée était la plus fréquente : Alors le souverain nommait ses représentants directs dans les provinces. Toutes les organisations étatiques l’ont connue, du Wagadou-Gana à l’État toucouleur. Dans ces provinces, les gouverneurs administraient directement pour le compte du souverain et faisaient appliquer les ordres et les décisions émanant de celui ci : prélèvement de taxes et impôts, fourniture de contingents militaires pour l’armée impériale ou royale. Parfois certaines régions ont été érigées en provinces administrées par des gouverneurs à cause de leur importance stratégique ou économique. Ainsi, le souverain du Mali avait placé à Walata un représentant direct chargé de sauvegarder leurs intérêts à travers la perception des taxes sur les commerçants arabo- berbères. Souvent encore les gouverneurs étaient chargés d’assurer l’ordre et la sécurité dans leurs circonscriptions ou des garnisons étaient installées.

À côté de cette administration, il y avait aussi une administration plus autonome à travers les royaumes vassaux soumis, mais qui ont gardé à la tête leur ancien souverain. Ici le seul privilège accordé à ces structures autonomes est qu’elles sont dirigées par des hommes qui sont du pays et qui plus est, sont les anciens chefs traditionnels. Autrement les royaumes vassaux étaient soumis au payement de tributs perçus par les chefs, mais aussi à la fourniture de contingents militaires.

Ainsi à Ségou, au Mandé et au Macina existaient des royaumes vassaux autonomes. L’empire du Mali a lui aussi des royaumes vassaux comme le Diarra, le Wagadou-Ghana, etc. Dans l’empire de Ségou en plus des royaumes vassaux, des villes bénéficiaient également d’une certaine autonomie : Il s’agit des cités markas comme Sinsani, Nyaouwa, Duguba etc. Ces cités étaient dirigées par des chefs locaux qui referaient directement au souverain. Elles étaient peuplées par des markas réputés grands commerçants qui menaient leurs activités sur les marchés de ces villes. Ce qui constituait de grandes sources de revenus pour les chefs locaux qui en faisaient largement bénéficier les souverains de Ségou. ÀSégou il y’avait aussi une administration centralisée portant sur les zones centrales correspondant à peu près au départ à Ségou actuel et le autres Ségou, Pélenguana, etc…. Cette zone d’administration centralisée appelée « Toda » s’est étendue au fil du temps et c’est là que se trouvaient les Dendougou déjà signalés. L’étude de l’organisation politique des empires et royaumes africains met en lumière le souci des dirigeants de pratiquer une gouvernance s’appuyant sur les réalités socioculturelles de leur pays de règne. Certes il n’est apparu nulle part un régime politique que l’on peut qualifier d’idéal. Il n’en existe du reste nulle part ailleurs. Mais on constate une certaine continuité dans l’espace et le temps, chaque régime s’étant inspiré des expériences de ses devanciers. La colonisation marquera la rupture, motivée qu’elle était par la politique de la « table rase ». Dans un mépris total des coutumes et traditions, une ignorance parfois volontaire de l’histoire du continent, le colonisateur a mis en place un système de gouvernance destiné à assurer sa domination et atteindre ses objectifs politico-économiques. Le contact avec l’Occident a provoqué en Afrique de nouvelles manières de vivre, de penser. De nouvelles idées, inspirées de l’expérience européenne en matière de gouvernance sont apparues. À la légitimité du pouvoir par l’héritage ou le coup de force s’est substituée celle par les urnes, par les élections.

Ainsi le fait majoritaire s’est imposé comme base de tout régime démocratique, seul critère d’appréciation de la légitimité aujourd’hui. Il s’agit d’un filtre magique, d’un élixir que tout le monde doit boire quand bien même tout le monde ne digère pas de la même façon. Vouloir imposer à des peuples divers de culture et d’histoire une vision inspirée de l’expérience d’une seule partie du monde- l’occident, nous semble comporter des risques. Le risque que l’on se proclame démocrate sans réelle conviction, pour faire ou plutôt dire comme tout le monde. L’exercice de la vraie démocratie exige l’acquisition d’une culture politique qu’un grand nombre d’Africains ne possèdent pas aujourd’hui. Que vaut la démocratie à travers le vote majoritaire dans la plupart de nos Etats aujourd’hui quand on connaît le niveau de formation civique des électeurs ? Certes la majorité a toujours raison. De quelle majorité s’agit-il ? Celle formée d’électeurs conscients de leurs responsabilités ou d’électeurs qui vendent leurs voix pour quelques kilogrammes de sucre ou quelques boîtes de lait en poudre importé ? De quelle légitimité peut se prévaloir un dirigeant élu avec vingt pour cent des votants ? Voilà des questions et bien d’autres encore qu’il faut se poser quand on aborde le problème du choix des dirigeants dans l’Afrique d’aujourd’hui.

Les leçons du passé

L’histoire de nos royaumes et empires nous montre l’organisation politique précoloniale reposait sur un certain nombre de constantes. La première est que le dirigeant, depuis le village jusqu’au niveau central n’agissait pas seul. À titre d’exemple, le chef de village était le plus âgé du village. Dépositaire d’une expérience, d’une sagesse que lui conférait son âge, il était assisté des chefs de famille qui l’orientaient, ce qui constituait une garantie de la communauté contre tout abus. Les villages groupés formaient une province administrée par un représentant du roi ou l’empereur qui agissait dans le sens du respect des coutumes et traditions. Le pouvoir central gouvernait en prenant en compte les avis et recommandations des gouverneurs de province.

C’est dire que l’individu était présent, d’une manière ou d’une autre, mais à travers des mécanismes hérités de traditions cultuelles longuement éprouvées. Même le colonisateur s’entourait, dans bien des cas, de chefs indigènes influents parce que profondément ancrés dans les réalités socioculturelles de leur milieu. Cet organisateur politique dont les responsables tiraient leur légitimité de la tradition a été abandonné avec les indépendances. De nos jours, la légitimité par le droit d’aînesse ou par la naissance (hérédité) a fait place à la légitimité par le suffrage universel. La démocratie a donné à tous les citoyens le droit de dire directement leur mot dans le choix des dirigeants. Tout le monde est électeur et éligible.

Autrefois un dirigeant dont le comportementjurait avec les usages faits d’honnêteté et de probité était destitué ou tout simplement renversé. Aujourd’hui la loi donne à chacun, à travers la Loi fondamentale, la possibilité de devenir président de la république ou député, ou maire sans que les électeurs dont il a sollicité le suffrage sachent quelle est sa moralité et quelle est sa capacité physique et intellectuelle à assumer la fonction qu’il brigue. Les beaux discours ont remplacé les actes. Chaque prétendant au pouvoir y va de ses belles promesses ; Le peuple, à plus de 90 % analphabète, ne comprend rien au jeu du suffrage universel, émanation d’une culture politique qui n’a rien à voir avec sa propre culture. Des partis politiques se créent suivant des alliances d’intérêt, et parfois contre nature, sans programme de gouvernement et dans le seul but de procurer à leurs promoteurs une part du gâteau national. Le petit peuple n’y gagne rien et finit par ne plus se prêter au jeu des opportunistes de tout bord. Il n’est plus alors étonnant de voir nombre de citoyens vaquer tranquillement à leur affaires les jours d’élection, donc de bouder les urnes. Les quelques rares personnes qui vont accomplir « leur devoir civique » sont très souvent mues par des mobiles autres que patriotiques tels que le soutien à un parent dans l’espoir qu’il se souviendra en cas de victoire…; l’expression d’un sentiment de reconnaissance à un candidat qui aura fait oeuvre de générosité en octroyant quelque moyen matériel. Ajouter à ce tableau les agissements d’agents chargés d’assurer la transparence des élections et qui faussent les résultats en procédant au bourrage des urnes, à la falsification des bulletins et des résultats et vous serez alors en droit de vous demander de quelle légitimité peuvent de réclamer des dirigeants élus dans un tel contexte.

Le seul moyen de limiter les appétits des politiciens véreux, c’est une prise de conscience de la société civile qui doit accroître ses moyens de pression et promouvoir l’éducation civique. Elle doit user de méthodes pédagogiques appropriées pour mener les populations à connaître leurs droits, mais aussi à accomplir leurs devoirs. La démocratie, c’est la liberté, mais notre liberté s’arrête là où commence celle des autres. En aucun cas, démocratie ne doit signifier laisser-aller, laisser-faire, anarchie. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, il faut choisir des dirigeants capables de veiller à une saine application des lois. Cela suppose évidemment qu’ils se réclament d’une légitimité sur laquelle ils fondent leur autorité. Certes nous ne pourrons plus restaurer toutes les valeurs sur lesquelles nos empereurs et rois avaient fondé leur grandeur, mais il est plus que jamais nécessaire que dans les actes quotidiens, nos dirigeants se souviennent qu’ils sont là par et pour les citoyens. Ces citoyens, pour la plus grande majorité, vivent dans la tradition et ont du chef une idée héritée de leur passé : le chef constitue une unité culturelle, religieuse et corporelle : C’est comme un tas d’immondice sur lequel chacun vient déposer ses ordures, ou encore un arbre de bord de route dont chacun coupe les feuilles. Ces images signifient que le dirigeant doit être au service des autres dans leur diversité. Disponibilité et ouverture d’esprit grande capacité d’écoute, voilà ce que le peuple attend de ses responsables dont le comportement sert de modèle. « Chaque pintade regarde la nuque de celle qui la précède ». Chaque peuple calque son comportement sur celui de ses responsables.

Les valeurs et croyances héritées de nos ancêtres doivent être intégrées par nos dirigeants s’ils veulent être en phase avec le peuple. Le modèle tiré des classes d’âges où le responsable était choisi par ses pairs en raison de ses capacités et qualités personnelles doit nous inspirer dans l’instauration d’une véritable démocratie, la démocratie étant entendue comme un système représentatif, un processus de sélection pacifique des dirigeants. Elle ne peut en aucun cas être définie comme le pouvoir de tous, car un pouvoir qui appartient à tous n’appartient à personne et cela conduit à l’anarchie.

Nous devons nous approprier les systèmes de légitimation du pouvoir inspirés de notre passé et les adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui. Faute de l’avoir fait depuis les indépendances de nos pays, l’Afrique est devenue un champ de bataille, un terrain, d’instabilité politique où les tenants du pouvoir ne veulent pas que les choses changent alors que contrairement à leur mission première, ils ne prennent pas en compte les aspirations du plus grand nombre. La société civile, sans s’engager dans les batailles politiques partisanes, doit constituer un groupe de pression afin que les partis politiques qui aspirent au suffrage du plus grand nombre prennent une direction clairvoyante.

 

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