English Français Español

Expérience

Un nationalisme anticapitaliste

Le renouveau de l’État dans la gouvernance énergétique équatorienne

Par Guillaume Fontaine

février 2009

Cette fiche explique l’évolution de la gouvernance énergétique en Equateur depuis 2005. Cette année marque en effet un tournant dans la relation entre l’Etat et les entreprises multinationales, avec la nationalisation des bénéfices extraordinaires réalisés dans le secteur pétrolier depuis de début des années 2000. On analyse les effets de la politique nationaliste du gouvernement depuis lors, notamment pour la renégociation des contrats et pour les conflits environnementaux liés à l’exploitation de pétrole en Amazonie. L’évolution des mouvements écologiste et indigéniste est présentée comme un facteur clé dans l’institutionnalisation des arrangements issus de ces conflits, bien que ces mouvements aient une influence limitée sur la réforme institutionnelle et politique à l’œuvre depuis l’élection de Rafael Correa à la présidence de la République.

Table des matières

Introduction

Les années 1990 furent celles de l’ouverture aux capitaux privés internationaux, pour l’industrie pétrolière équatorienne. Producteur moyen à échelle régionale, l’Équateur souffrait à l’époque l’effet conjugué de la crise de la dette et la baisse des prix du pétrole sur les marchés mondiaux. Simultanément, la capacité d’organisation des populations locales comme des mouvements écologiste et autochtone s’accrut, à mesure que se multipliaient les conflits liés à l’exploitation pétrolière en Amazonie. La hausse soutenue des prix du pétrole depuis une dizaine d’années a sensiblement modifié cette situation, d’autant que son effet est amplifié par l’augmentation de la capacité de production nationale, depuis l’inauguration de l’oléoduc de pétroles lourds (OCP pour ses initiales en espagnol) en 2003. Dans ce contexte, le système de gouvernance énergétique équatorien repose sur trois éléments structurants : la variation des prix sur les marchés internationaux, l’existence d’importantes réserves de pétrole prouvées et probables dans le territoire national et la planification des relations avec les communautés locales.

L’article proposé ici analyse ces réformes à partir d’une problématique plus générale : quel est le rôle des acteurs privés dans la gouvernance énergétique équatorienne ? L’hypothèse centrale est que le rôle de ces acteurs s’efface devant la politique nationaliste des deux présidents qui ont succédé au gouvernement de Lucio Gutiérrez. Ainsi, en 2006, le président Palacio a prononcé la nullité du contrat qui liait l’État équatorien à Occidental Petroleum et inauguré la renégociation de la rente avec les entreprises privées, une politique assumée ensuite par le président Correa, qui doit conclure en 2009 avec la renégociation des contrats en vigueur dans l’ensemble du pays.

Dans une première partie, on retracera brièvement l’évolution de la gouvernance énergétique en Équateur depuis les années 1990. On présentera les chiffres clé de la production d’énergie primaire et de la consommation d’énergie secondaire. Ensuite, on mentionnera les principales réformes légales, qui régissent les activités pétrolières. Enfin, on analysera l’évolution des investissements étrangers.

Dans une deuxième partie, on s’intéressera aux effets sur la gouvernance du nationalisme, revenu en force depuis 2005. On présentera en premier lieu les implications de la nationalisation des bénéfices extraordinaires. Ensuite, on synthétisera le débat autour des nouvelles modalités contractuelles. Enfin, on décrira l’impact de ces deux types de réformes sur la rente pétrolière.

La troisième partie étudie l’influence grandissante des acteurs sociaux sur la gouvernance énergétique. On présentera tout d’abord les types de conflits environnementaux liés aux activités pétrolières en Amazonie. Ensuite on expliquera comment le mouvement écologiste équatorien s’est institutionnalisé au cours de la dernière décennie. Enfin, on s’interrogera sur la perspective ouverte par la déclaration de moratoire contre le projet d’exploitation des gisements pétrolifères dans la région orientale du pays.

Evolution récente de la gouvernance énergétique

Les chiffres clé de la gouvernance énergétique en Équateur

Toutes proportions gardée, l’Équateur est un pays pétrolier, au même titre que le Venezuela (Karl, 1997). En effet, les revenus issus de la vente de pétrole brut représentent environ la moitié des ventes à l’exportation et un tiers du budget de l’État. La rente pétrolière a considérablement augmenté durant la décennie 1998-2008, compte-tenu de l’accroissement régulier du prix du pétrole sur les marchés internationaux, ce qui souligne non seulement la forte dépendance externe mais aussi la vulnérabilité de l’économie interne.

L’Équateur occupe le 4e rang en Amérique Latine pour ses réserves prouvées de pétrole (environ 5 milliards de barils), derrière le Mexique, le Venezuela et le Brésil. Pourtant, il demeure un producteur d’énergie de niveau intermédiaire, à l’échelle de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, sa production d’énergie primaire atteignait 11,24 millions de tonnes d’équivalent pétrole (TEP), soit 2,12% de la production régionale (IEA, 2008). Cette production se compose pour l’essentiel de pétrole brut (84,23%), d’hydro-électricité (5,52%), de combustibles renouvelables et déchets (5,21%) et de gaz naturel (5,03%).

En dix ans, la part du pétrole et du gaz s’est sensiblement accrue (+5 points de pourcentage pour chacun de ces combustibles), au détriment des déchets et combustibles renouvelables (-9 points) et, dans une moindre mesure, alors que l’hydro-électricité restait stable (-0,75 point). (IEA, 1998-2008.) Cette tendance indique que l’Équateur dépend de façon croissante des hydrocarbures et, en particulier du pétrole, dont les effets sur le climat sont plus négatifs que ceux du gaz. Ce faisant, le pays évolue à contre-courant de la tendance régionale, puisque la part du pétrole dans la production d’énergie primaire de l’Amérique Latine et des Caraïbes est passée de 48,1% a 41,1%, entre 1996 et 2006.

L’Équateur est aussi un consommateur moyen d’énergie finale, à l’échelle régionale. En 2006, la consommation nationale représentait 8 millions de TEP, soit 1,94% du total régional. Celle-ci se composait exclusivement de produits pétroliers (85,39%), d’électricité (10,28%) et de combustibles renouvelables et déchets (4,33%).

L’évolution de la consommation est comparable avec celle de la production d’énergie primaire. En effet, les produits pétroliers ont accru de 12,58 points leur part dans le mix énergétique entre 1996 et 2006, tandis que celle de l’électricité demeurait stable (+1,26 point) et que celle des combustibles renouvelables et déchets diminuait notablement (-13,84 points). Cette évolution indique que l’impact relatif de la consommation d’énergie sur la couverture boisée s’est réduit, au prix d’un impact majeur sur les émissions de gaz à effet de serre. Elle s’explique en grande partie par la substitution du bois de chauffage par le gaz liquide, dans la consommation des ménages.

Le secteur des transports est le principal consommateur d’énergie finale, avec 4,2 millions de TEP en 2006, soit quatre fois plus que l’industrie (1,07 million de TEP) et deux fois plus que le secteur résidentiel, l’agriculture et les services réunis (2,09 millions de TEP). Dans tous les secteurs, la consommation de produits pétroliers est dominante : 100% pour les transports, 75% pour l’industrie et 56,6% pour les autres secteurs.

Entre 1996 et 2006, la consommation annuelle de produits pétroliers a presque doublé dans les transports (passant de 2,8 millions à 4,2 millions de TEP) et augmenté de 18,2% dans l’industrie (où elle est passée de 682.000 à 806.000 TEP). Dans les autres secteurs, elle demeure relativement stable (autour de 1,2 million de TEP). Cette tendance s’explique principalement par l’augmentation du transport routier, en général, et des véhicules individuels en circulation, en particulier.

Les principales réformes légales

L’ouverture du secteur pétrolier aux entreprises transnationales s’est amorcée en 1993, avec la Loi 44 sur les hydrocarbures (Campodónico, 1996: 162-172). Cette réforme permit aux entreprises privées d’être rémunérées en pétrole brut, selon un partage établi à la signature du contrat d’exploitation, et de disposer librement de la part qui leur revenait. En même temps, l’impôt sur les bénéfices fut réduit et le contrôle de change sur le rapatriement des capitaux fut rendu plus flexible.

Cette loi ouvrit aux capitaux privés les activités de l’upstream et autorisèrent la libre importation des produits pétroliers. Le prix de ces produits sur le marché national fut calculé dès lors sur les prix internationaux, même s’ils continuèrent d’être subventionnés par l’État et si les bénéfices réalisés sur le prix de la production continuèrent d’être plafonnés légalement. Trois autres réformes suivirent, entre décembre 1993 et août 1998, qui visaient à accroître la capacité de production nationale, ce qui entérina l’abandon de la stratégie conservatrice des années 1970 et 1980, lorsque l’Équateur était membre de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole 1(OPEP).

En 2000, une fois conclu le processus de dollarisation de l’économie équatorienne, le président intérimaire Gustavo Noboa (successeur de Jamil Mahuad, renversé le 21 janvier de la même année) signa le décret ordonnant la construction du deuxième oléoduc du pays, l’OCP (pour Oleoducto de Crudos Pesados). Cet ouvrage fut alors confié à un consortium privé, entraîné par l’entreprise argentine Techint, en association avec AGIP Oil (Italie), EnCana (Canada), qui vendit ensuite ses parts à Petroriental (Chine), Occidental Petroleum (États-Unis), Perenco (France), Petrobras (Brasil) et Repsol YPF (Espagne).

En 2006, le Congrès vota une réforme à la Loi sur les hydrocarbures qui modifia le partage des bénéfices entre l’État et les entreprises privées. La Loi 42-2006 permit ainsi de répartir à parité les bénéfices marginaux, en cas d’augmentation du prix du pétrole supérieur au prix de référence à la signature du contrat. La majorité des contrats en vigueur à cette époque furent signés dans les années 1990, quand le prix de référence du baril était de l’ordre de 15 dollars. Or, depuis plusieurs années, ce prix augmentait, permettant aux entreprises de réaliser d’importantes marges, alors que l’État continuait de percevoir un montant marginal.

Finalement, le gouvernement de Rafael Correa impulsa une nouvelle réforme, en 2007-2008. Dans un premier temps, un décret supérieur tenta d’imposer un nouveau partage des « bénéfices extraordinaires » entre l’État (99%) et les entreprises (1%). Dans un second temps, le gouvernement proposa une option alternative à ces dernières, en les obligeant à renégocier leurs contrats respectifs avec l’État, visant à réduire leur participation dans la production.

Dans le domaine de l’environnement et de la protection des droits de l’homme, la législation s’est considérablement renforcée au cours de la dernière décennie. La réforme constitutionnelle de 1998 reconnaissait déjà les droits collectifs et consacrait plusieurs articles à la protection de l’environnement, ainsi qu’à la consultation préalable des peuples indigènes et des communautés locales en général. La nouvelle Constitution (2008) renforce ces droits et obligations, en particulier en proclamant le droit de la nature (sic.) à être protégée et restaurée contre les activités humaines.

En ce qui concerne plus spécifiquement la régulation environnementale des activités pétrolières, l’Équateur s’est doté de trois grands instruments. En premier lieu, la Loi de gestion de l’environnement et le Règlement environnemental sur les activités d’hydrocarbures, furent adoptés entre 1999 et 2001, régissent les procédures liées notamment à l’élaboration des études d’impact et aux plans de gestion du même nom. D’autre part, il existe un Règlement de consultation et participation pour les activités d’hydrocarbures, adopté en 2002, qui est sensé exprimer les obligations et droits des entreprises à l’égard des peuples indigènes, conformément à la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), ratifiée par l’État équatorien en 1998. Cependant, ce règlement n’a connu qu’une application, lors de la consultation pour l’exploitation des blocs 20 et 29, en 2003, qui fut annulée pour vice de formes. Enfin, les instruments spécifiques ont été créés pour les espaces protégés, notamment à travers le statut de « zone intangible » attribué à une partie du parc national Yasuní et de la réserve animalière du Cuyabeno en 1999.

Ni le règlement de consultation et participation, ni la déclaration de zones intangibles n’ont pourtant empêché la superposition de nombreux blocs pétrolifères avec des espaces naturels protégés et des territoires ancestraux légalisés. Cela montre a fortiori les limites de la régulation de la gouvernance environnementale, face à l’importance stratégique des activités pétrolières pour l’Équateur.

L’évolution des investissements étrangers directs

Selon la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), les flux d’investissements étrangers directs (IED) vers l’Équateur ont atteint 678,5 millions de dollars en 2007, soit 0,66% du total régional et 6,17% de la région andine (CEPAL, 2007 : 78). L’Équateur reste donc un pays marginal pour les investissements étrangers, y compris en comparaison de ses voisins, le Pérou et la Colombie.

Entre 1998 et 2007, la moyenne annuelle des IED s’est située autour de 750 millions de dollars, avec un record de 1,33 milliard de dollars en 2001, durant la construction de l’OCP. Depuis 2004, ces flux diminuent, même si 2007 présente une nette remontée par rapport à l’année précédente (270,7 millions de dollars). Selon la Conférence des Nations Unies Sur le Commerce et le Développement (UNCTAD), le solde brut d’IED aurait même continué de baisser en 2007, pour se situer autour de 170 millions de dollars (UNCTAD, 2008).

Ce reflux d’investissements étrangers s’explique en partie par la politique énergétique nationaliste, inaugurée en 2005 par le président intérimaire Alfredo Palacio (successeur de Lucio Gutiérrez, renversé en avril de la même année) et poursuivie par le président Rafael Correa depuis son élection, en 2007.

Les stocks d’IED en Équateur, qui représentent 10,31 milliards de dollars (UNCTAD, Op. Cit.), proviennent principalement de l’Union Européenne (Espagne et France) et des États-Unis. Les autres pays d’Amérique Latine (en particulier la Colombie) occupent un rang marginal dans ce domaine. (CEPAL, 2007 : 81-82.)

Au terme de huit séries d’appels d’offres, 16 blocs pétrolifères sont entrés en activité. Le cadastre pétrolifère de l’Équateur recense cependant plus de 30 blocs, la plupart concentrés dans la région amazonienne, dont certains furent offerts lors d’une dixième série d’appels d’offres, déclarée déserte en 2002.

En 2005, la production nationale se concentrait entre six entreprises : Petroecuador, Occidental, Encana, Repsol-YPF, Agip et Perenco. Cependant, les réformes introduites depuis lors par les gouvernements d’Alfredo Palacio et Rafael Correa ont eu pour effet d’accroître notablement la participation de l’État au détriment des entreprises privées. Deux des cinq entreprises mentionnées (Occidental et Petrobras) ont quitté le pays faute de parvenir à un accord avec ces gouvernements sur les modalités de leur présence en Équateur. Une troisième (Encana) a vendu ses part à au consortium chinois Petroriental (filial équatorienne de l’entreprise nationale chinoise CNPC), qui a entamé une négociation sur la modalité contractuelle avec le gouvernement, à l’instar de Repsol-YPF et Agip Oil.

Les effets du néonationalisme pétrolier sur la gouvernance

La nationalisation des bénéfices extraordinaires

En 2005 un conflit légal éclata entre Occidental et l’État équatorien, au sujet de la dévolution de l’impôt sur la valeur ajoutée par l’entreprise états-unienne. Il se conclut en faveur de l’entreprise en mars 2006, après le rendu d’appel par le tribunal d’arbitrage international de Londres, qui obligea l’Équateur à reverser 75 millions de dollars au titre d’impôts déductibles à Occidental.

Deux mois plus tard, le gouvernement équatorien déclara la caducité du contrat, suite à la vente partielle des actifs d’Occidental à Encana, qui n’avait pas été approuvée par le Ministère de l’Énergie et des Mines. Dès lors, la totalité des actifs d’Occidental furent dévolus à l’État équatorien, qui créa une Commission de politique et contrôle, composée de représentants des ministères de l’Énergie, de l’Économie, de la Défense, de l’Environnement et des Relations Extérieures, et dotée d’une Unité temporaire d’administration et opérations dépendant de l’entreprise publique Petroproducción. Cette commission fut dissoute en mai 2008, au profit de l’entreprise Petroamazonas, créée quelques mois plus tôt et chargée de l’administration et des opérations des champs et gisements d’hydrocarbures pour Petroecuador et Petroproducción, qui en détiennent le capital.

Le conflit avec Occidental marque donc le début d’une nouvelle phase dans la gouvernance énergétique équatorienne, caractérisée par un renouveau du nationalisme pétrolier.

La négociation des nouveaux contrats

L’adoption de la Loi 42-2006, réformatrice de la Loi sur les hydrocarbures incita quelques les entreprises multinationales opérant en Équateur à porter plainte devant le Centre International d’Arbitrage des Différends Relatifs aux Investissements (CIADI), en 2008. C’est dans ce contexte que le Ministre du Pétrole, Galo Chiriboga, impulsa la renégociation des contrats avec ces entreprises, dans le but de revoir à la hausse la participation de l’État dans la production. Si les entreprises acceptaient de négocier leur contrat, la répartition des bénéfices extraordinaires serait alors de 70% pour l’État et 30% pour elles.

En quelques mois, les contrats des principaux blocs en exploitation furent ainsi révisés, sous la forme de « contrats de participation modifiés ». La première à conclure un accord, en mars 2008, fut Petroriental, pour les blocs 14 et 17. La part de l’État dans la production dans ces blocs passa respectivement de 25,4% à 57,4% et de 26,2% à 56,5%. De son côté, Repsol-YPF négocia une hausse de 17% à 36% de la part de l’État dans la production du bloc 16.

En revanche, City Oriente décida d’annuler son contrat pour le bloc 27, faute de parvenir à un accord. De la même manière, Petrobras abandonna le bloc 31, limitrophe avec les champs pétrolifères Ishpingo, Tiputini et Tambococha, qui font l’objet d’un moratoire depuis juin 2007. Pour le bloc 18, elle vendit ses parts au consortium conduit par Ecuador TLC (avec Teikoku Oil, Cayman et Petromanabi), qui négocia une hausse de 25,8% à 40%.

En février 2009, aucun accord n’avait été souscrit pour les blocs 7 et 21 (administrés par l’entreprise française Perenco). D’autre part, la situation restait incertaine en ce qui concerne les blocs 23 et 24, administrés par Burlington et CGC-San Jorge, où les activités d’exploration sont paralysées pour « force majeure », du fait d’un conflit qui oppose ces entreprises aux communautés quichua et shuar locales, ainsi qu’aux organisations écologistes et indigènes.

L’impact sur la rente pétrolière

L’importance des revenus du pétrole pour l’économie nationale est assez significative. En effet, en 2003, les exportations de pétrole et de produits dérivés du pétrole représentèrent 43% de la valeur totale des exportations ; la rente et les revenus au titre de l’exportation de dérivés représentèrent 33% du budget de l’État2. Outre qu’elles constituent la première source de revenus pour le pays, elles sont aussi la principale source de financement de la dette externe, qui atteignait 39% du PIB, avec 17,32 milliards de dollars en juillet 20073.

Entre 1998 et 2003, en Équateur, les revenus au titre de la rente pétrolière augmentèrent de 925,2 millions à 2,05 milliards de dollars, atteignant une moyenne annuelle de 1,46 milliards de dollars. La rente pétrolière unitaire (rapport entre la rente et le volume produit) atteignit 10,13 dollars par baril, soit en moyenne 51% de chaque baril exporté au prix du marché international à l’époque. (ESMAP, 2005 : 65). Cette rentabilité relativement élevée s’explique surtout par les coûts de production relativement bas en Équateur, en particulier parce que la principale entreprise du pays, Petroecuador, n’investit pas la part correspondant à l’amortissement de ses actifs, pour des raisons de restrictions budgétaires. (Idem : 63).

Les deux entités chargées de percevoir la rente (Petroecuador et la Banque Centrale) la reversent intégralement au ministère de l’Économie et des Finances, qui la redistribue en fonction d’un mécanisme complexe de pré attributions, entre le gouvernement central, des organismes parties, les collectivités territoriales, et les fonds de placement mentionnés plus haut. Ainsi, en 2006, le niveau de la rente atteignit 4,28 milliards de dollars. Plus de la moitié fut destinée au budget de l’État (53%). Le reste se répartit entre Petroecuador (10%) ; une vingtaine de parties (comme les Forces Armées, l’Institut d’écodéveloppement de la région amazonienne équatorienne (Ecorae) et les universités) ainsi que les pouvoirs locaux (conseils provinciaux et municipalités) (5%) ; et trois fonds communs de placement (32%).

Les fonds pétroliers géraient donc 1,96 milliard de dollars. Parmi eux, le Fonds équatorien d’investissement dans les secteurs énergétique et des hydrocarbures (FEISEH), alimenté exclusivement par les bénéfices du bloc 15, en représentait 36% et le Compte spécial de réactivation productive et sociale (CEREPS), alimenté par les bénéfices de l’OCP, en représentait 37% ; le reste des bénéfices nets générés par la vente de pétrole brut fut versé au Fonds de stabilisation pétrolière (27%).

L’un des problèmes majeurs liés à la distribution de la rente pétrolière surgit suite à la création du Fonds de stabilisation, d’investissement social et productif, et de réduction de l’endettement (FEIREP, pour ses initiales en espagnol), en 2003. Ce fonds fut créé avec les revenus de l’État provenant du transport de brut lourd par l’oléoduc OCP, dans un contexte de hausse accélérée des prix sur les marchés internationaux. En trois ans, il accumula 1,08 milliard de dollars, qui servirent à financer le paiement de la dette publique (70%), à stabiliser les revenus du Trésor Public (20%) et à financer l’éducation et la santé (10%). Or la création de ce fonds fut très critiquée, en partie pour le manque de transparence dans sa gestion. Le fait qu’il s’agisse d’un fonds commun de placement géré par la Banque Centrale permit au gouvernement de Lucio Gutiérrez de l’utiliser sans enregistrer ces dépenses dans le budget général de l’État. D’autre part, on critiqua la priorité donnée au « rachat » de la dette externe, en particulier parce qu’on observa un effet spéculatif sur les titre « Bonos globales », suite à la création du fonds.

Le FEIREPS fut liquidé en juillet 20054, puis remplacé par un compte spécial dénommé « Réactivation productive et sociale, du développement scientifique technologique et de la stabilisation fiscale » (CEREPS). Les revenus provenaient de la même source, mais la destination des dépenses changeait en faveur de l’investissement social, selon la distribution suivante : lignes de crédits et rachat de la dette (35%), Projets d’investissement social (30%), stabilisation des revenus pétroliers (20%), recherche scientifique (5%), amélioration du réseau routier (5%) et réparation écologique et sociale (sic.) (5%).

Finalement, sur recommandation de l’Assemblée Constituante, en avril 2008, les fonds alimentés par la rente pétrolière furent supprimés, à travers la Loi organique pour la récupération de l’usage des revenus pétroliers et la rationalisation administrative des processus d’endettement. Cette décision intervint après une série de discussions alimentées par le Secrétariat National de Planification et Développement (Senplades), autour des rigidités fiscales induites par les mécanismes de pré-assignation de la rente. Depuis lors, l’ensemble de ces revenus est administré directement par le Ministère de l’Économie et des Finances.

L’influence des acteurs sociaux sur la gouvernance énergétique

Les conflits environnementaux liés au pétrole

Les activités pétrolières en Équateur sont à l’origine d’un nombre incalculable de conflits sociaux, en particulier en Amazonie, où se concentre la majeure partie de la production et où les blocs pétrolifères se superposent souvent avec des territoires indigènes (légalisés ou non) et des espaces naturels protégés. On peut regrouper ces conflits en quatre grandes catégories : les conflits générés par la pollution, les conflits pour des demandes de compensations, les conflits en territoires indigènes et les conflits dans les espaces protégés.

Parmi les conflits liés à la pollution occasionnée par les activités pétrolières, le plus ancien et le plus médiatisé est celui qui oppose les habitants du nord de la région amazonienne à l’entreprise états-unienne Texaco, responsable des opérations dans cette zone, de 1967 à 1992. Ce conflit implique quelque 30.000 personnes, représentées par un groupe d’organisations non-gouvernementales et relayées par le Front de Défense de l’Amazonie (FDA) depuis une quinzaine d’années. Dans un premier temps, les parties s’affrontèrent devant les tribunaux aux États-Unis, mais en 2002 l’affaire fut renvoyée après appel devant la justice équatorienne. Depuis, il se poursuit devant le tribunal de Lago Agrio (chef-lieu de la province de Sucumbíos).

Outre le « cas Texaco », un grand nombre de conflits locaux oppose, pour des motifs similaires (contamination et impacts négatifs sur la santé des riverains), des centaines d’habitants de la région nord-amazonienne à l’entreprise nationale Petroecuador. Celle-ci est non-seulement l’héritière des installations et des gisements exploités par Texaco, depuis 1992, mais elle administre actuellement l’essentiel des champs pétrolifères du pays. Les conflits qui l’opposent aux communautés paysannes et indigènes locales sont, la plupart du temps, résolus de façon ponctuelle, soit par des accords d’indemnisations, soit par des mesures de compensation (travaux d’infrastructures, services à la communauté, etc.).

Depuis la construction de l’oléoduc OCP, entre 2000 et 2003, un deuxième type de conflits est apparu dans le nord de la région amazonienne, avec les mobilisations des organisations sociales et des élus locaux pour demander une plus grande participation à la rente pétrolière. Certes, les provinces amazoniennes percevaient déjà une partie de cette rente, notamment depuis l’adoption de la Loi No. 10, de 1992, par laquelle fut créé l’Institut pour le développement durable de la région amazonienne (Ecorae). Mais cette reconnaissance est jugée insuffisante par les acteurs locaux, organisés au sein d’une « Assemblée Bi-provinciale », qui fut à l’origine de plusieurs mouvements de grève et d’occupation d’installations pétrolières depuis 2001.

En particulier, à la suite du renversement de Lucio Gutiérrez, cette organisation a mené un long conflit contre les entreprises multinationales et le gouvernement Palacio (entre avril et août 2005), pour obtenir la construction d’un axe routier promis par le président déchu, ainsi que divers engagements de la part de l’État (priorisation de l’embauche de la main d’œuvre locale par le secteur pétrolier, électrification et raccordement des communes rurales au réseau d’eau potable, etc.). Ce mouvement associe des tactiques de mobilisation classique avec le lobbying politique et l’action directe. Il fut parfois durement réprimé, notamment en août 2005, quand fut décrété l’état d’urgence à la suite de l’occupation et d’une série d’actes de sabotage contre les installations de Petroecuador. Un nouveau conflit survenu en novembre 2007, lors duquel les habitants de la commune de Dayuma (Orellana) bloquèrent durant plusieurs jours la principale route d’accès à la région, s’est d’ailleurs conclu par l’intervention de l’armée et l’incarcération de Guadalupe LLori, Prefet d’Orellana élue sur la liste du mouvement d’obédience autochtone, Pachacutik-Nuevo País.

À la fois plus anciens et plus profonds, les conflits opposant les communautés et organisations autochtones aux entreprises multinationales pétrolières ont pour enjeu la défense de territoires ancestraux. Dès le milieu des années 1980, deux groupes ethniques – les huaorani et les quichua – se sont ainsi opposés à l’irruption de ces entreprises dans les provinces de Pastaza, Orellana et Napo. Plus tard, dans le sillage de la plainte déposée contre Texaco, ils furent rejoints par les cofán, les siona et secoya, ainsi que quelques groupes shuar, issus des provinces du sud amazonien. Dans ce cas particulier, les motifs de conflits sont doubles, puisque les intéressés protestent à la fois contre l’invasion de leur territoire et contre la pollution des rivières et des sols, du fait des nombreux accidents liés au transport de pétrole brut ou à la présence de nombreux réservoirs de résidus de pétrole ou d’eaux salines déchargées dans les stations de pompage.

A la fin des années 1990, ce type de conflits a pris une tournure plus radicale que par le passé, avec l’opposition des quichua à l’exploitation du bloc 23 et des shuar et achuar à l’exploitation du bloc 24, situés dans les provinces de Pastaza et Morona Santiago. Dans un cas comme dans l’autre, les autochtones en appellent aux droits constitutionnels à être consultés et à participer dans les processus de développement susceptibles de les affecter, physiquement ou culturellement. Pour marquer leur opposition à l’irruption des entreprises dans leurs territoires respectifs, ils ont recours à des tactiques de mobilisation, de juridisation et d’internationalisation de leurs demandes.

De la sorte, les shuar ont gagné une action de recours constitutionnel en 2000, au motif que l’entreprise CGC-San Jorge ne les avait pas consulté en bonne et due forme avant de procéder à l’exploration du bloc 24. Depuis, les activités dans la zone d’influence de ce bloc sont paralysée et l’entreprise a déposé un recours de suspension du contrat pour force majeure devant l’État équatorien.

Un peu au nord de ce conflit, les quichua de la commune de Sarayaku ont perdu leur action de recours constitutionnel mais sont parvenus, jusqu’à présent, à s’opposer aux travaux d’exploration de l’entreprise Burlington dans le bloc 23. Pour ce faire, ils ont eu notamment recours à la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme de l’Organisation des États Américains (CIDHOEA), qui a recommandé à l’État équatorien de prendre des mesures de précaution pour éviter les affrontements violents entre l’armée et les employés de l’entreprise pétrolière ou ses associées, d’une part, et la population locale de l’autre.

Ces conflits ont en commun d’associer des organisations indigènes à des groupes écologistes plus ou moins radicaux et des organisations de défense des droits de l’homme. Ils sont marqués par une forte polarisation et ont conduit à des divisions profondes au sein du mouvement indigène national, incarné par la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE). Ils rejoignent un quatrième type de conflits, liés à la défense des espaces protégés dans la région amazonienne.

Les instruments qui régulent la politique de conservation en Équateur condamnent explicitement l’exécution d’activités extractives dans ces espaces. Cependant, l’article 6 de la Loi de Gestion de l’Environnement de 1999 prévoit une exception pour les activités d’hydrocarbures, si celles-ci sont considérées d’intérêt national par l’État et moyennant l’élaboration et l’exécution de plans de gestion de l’environnement spéciaux. Cette ambigüité légale est notamment à l’origine de conflits contre l’exploitation pétrolière dans le parc national Yasuní et la réserve animalière Cuyabeno. La création, en 1999, d’un statut de « zones intangibles » pour une partie de ces deux aires n’a que partiellement résolu le problème. Jusqu’à ce jour, elles restent exposées à des risques de pollution et d’impacts sur la diversité biologique, qui contredisent les principes élémentaires de la conservation au niveau international.

L’institutionnalisation du mouvement écologiste

Deux décennies de conflits liés aux activités pétrolières ont influencé le mouvement écologiste équatorien dans une proportion sans égal dans d’autres pays. L’importance de ces activités pour l’économie nationale et l’exceptionnelle diversité biologique et culturelle qui caractérise la région amazonienne se conjuguent traditionnellement avec le déficit de gouvernabilité qui affecte le pays pour faire de la pollution, la déforestation et la colonisation agraire de territoires ancestraux un mélange explosif. Les problèmes de la gouvernance énergétique deviennent dès lors des problèmes de gouvernance démocratique, face auxquels le mouvement écologiste à joué un rôle historique à au moins deux titres.

D’une part, ce mouvement est responsable d’avoir alerté l’opinion publique, nationale et internationale, sur les risques environnementaux et sociaux associés aux activités pétrolières. Jusqu’au milieu des années 1980, ces effets étaient connus des seuls spécialistes en gestion de l’environnement. Les populations affectées n’avaient elles-mêmes qu’une connaissance imprécise des risques d’accidents industriels ou des effets secondaires de la pollution sur la santé et l’environnement. D’autre part, il est à l’origine des réformes institutionnelles et légales mises en œuvre depuis la fin des années 1990, en particulier après la réforme constitutionnelles de 1998.

Cette double influence sur la gouvernance environnementale est en fait le fruit de l’institutionnalisation du mouvement à trois niveaux. En premier lieu, le noyau dur du mouvement se compose d’ONG professionnalisées, rompues aux tactiques de lobbying, à la création d’opinion publique ainsi qu’au conseil technique. Au niveau de l’exécutif, la création du Ministère de l’Environnement par le président Abdala Bucarám, puis le fait qu’il hérite d’une grande partie des attributions du Ministère de l’Agriculture (notamment pour la politique forestière) sous le président Jamil Mahuad, ont permis aux écologistes de participer au cycle de politiques publiques en exerçant des responsabilités directes au sein de l’appareil étatique. Enfin, au niveau du législatif, le mouvement écologiste s’est affirmé comme un acteur clé des deux derniers processus de réformes constitutionnelles (1997-1998 et 2007-2008). Il a ainsi contribué à situer les préoccupations pour l’environnement au plus haut niveau dans la hiérarchie juridique.

Les limites de l’incidence politique des acteurs sociaux

Malgré d’importants progrès en termes d’organisation et de génération d’opinion publique, l’institutionnalisation du mouvement écologiste a ses limites, que l’on peut regrouper selon deux types.

En premier lieu, il est traversé par des lignes de fracture qui marquent la limite entre deux trois secteurs de la société équatorienne – indigènes, paysans et organisations non-gouvernementales – et deux grands types d’organisations écologistes – activistes et technocratiques. Certes, les préoccupations des secteurs sociaux pour les effets négatifs des activités pétrolières sont partagées et donnent lieu à des coalitions d’intérêts qui peuvent être efficaces au moment de protester contre ces effets. Mais il n’en demeure pas moins que la logique d’action de ces acteurs ne coïncide pas toujours, en particulier lorsqu’il s’agit d’impulser des réformes structurelles. En outre, ces secteurs n’ont pas la même perception des risques sociaux et environnementaux, ce qui fait obstacle à la formulation de propositions concrètes face aux entreprises du secteur pétrolier.

D’autre part, la ligne de division entre ONG activistes et technocratiques renvoie à deux conceptions différentes des conflits environnementaux. Si les premières ont tendance à radicaliser les conflits et à leur donner une dimension médiatique pour gagner en influence politique, les secondes s’appuient plutôt sur l’expertise scientifique et des tactiques de lobbying, en particulier au plan international. Il est vrai que ces modalités d’action sont souvent complémentaires, mais elles peuvent donner lieu à des divisions voire à des affrontements au sein du mouvement, comme l’ont montré les débats de la dernière assemblée constituante, marqués par l’influence du secteur activiste et des organisations indigènes anti-pétrolières, au prix d’une participation plus large des secteurs intéressés para la gouvernance énergétique.

Le deuxième type de limites a trait à l’influence réelle du mouvement écologiste sur les politiques publiques, en particulier sur la politique pétrolière. Certes, depuis le début des années 1970, la politique pétrolière a connu des ajustements, notamment sur le plan de la régulation – protection de l’environnement et des droits de l’homme – mais elle continue d’être au service du financement des politiques sociales et économiques (notamment pour le paiement de la dette externe), ce que les économistes appellent la « reprimarisation » de l’économie. Quelque soit l’orientation politique des gouvernements qui se sont succédés depuis la transition démocratique, à la fin des années 1970, tous ont cherché à accroître la production de pétrole pour financer les dépenses publiques.

L’initiative d’un moratoire sur les activités pétrolières en Amazonie orientale, connue comme « Initiative Yasuní-ITT » (sigle des champs pétrolifères Ishpingo, Tiputini et Tambococha, découverts dans les années 1990) fait à cet égard exception. En effet, le gouvernement Correa prétend renoncer à l’exploitation du plus important gisement du pays, en échange d’une contribution financière de la communauté internationale au titre de « paiement pour services environnementaux ». Ces services sont de deux ordres : d’une part, il s’agit de préserver la diversité biologique et culturelle qui caractérise la zone d’influence directe de ces champs, situés en-dessous des limites du parc national Yasuní ; d’autre part, il s’agit de « retirer » un volume substantiel de pétrole brut du marché mondial et, ainsi, d’éviter les émissions de gaz à effet de serre qui seraient associés à sa consommation.

Annoncée publiquement en juin 2007, cette initiative a rencontré un écho favorable dans l’opinion publique nationale et internationale. Toutefois, cet intérêt ne s’est pas concrétisé par un engagement ferme de la part des organismes financiers ni des pays industriels. Après avoir reporté à deux reprises le délai pour prendre une décision, le président Correa a décrété la prolongation indéfinie de ce moratoire, le 5 février 2009. Il est évidemment trop tôt pour mesurer l’effet de cette mesure, qui peut s’expliquer par trois facteurs : la pression du secteur écologiste, tant au sein du gouvernement que de la société civile ; l’agenda électoral, qui prévoit des élections présidentielles, législatives et locales en avril de cette année ; et la brusque baisse des cours du pétrole depuis septembre 2008, qui réduit à néant la rentabilité potentielle du pétrole lourd situé dans les champs ITT. Il reste que, dans les termes actuels, la décision de l’Exécutif semble davantage liée à un nouveau type de facteurs externes – le fonctionnement des marchés financiers et, parmi ces derniers, du marché des bons de carbone – qu’à la volonté d’assumer les risques politiques d’exploiter ou non ces gisements, voire à la formulation d’une politique de développement alternative à celle qui s’appuie, depuis près de quatre décennies, sur les cycles d’abondance et de crise du marché pétrolier.

Conclusion 

Les chiffres clé de la gouvernance énergétique en Equateur indiquent une forte dépendance extérieure de ce pays, à la fois pour les revenus de l’exportation de pétrole et pour les investissements directs étrangers. Cette double-dépendance explique pourquoi, dans le contexte de crise économique qui a marqué les années 1980-1990, le secteur des hydrocarbures fut ouvert aux capitaux étrangers. L’importance des entreprises multinationales s’est toutefois réduite à partir de 2005, suite à une série de mesure nationalistes visant en particulier à élever la participation de l’Etat dans la rente pétrolière au nom de la souveraineté nationale.

Ce nationalisme pétrolier a des conséquences pour la résolution des conflits environnementaux liés à l’exploitation pétrolière en Amazonie. En effet, d’une part il minimise la responsabilité des entreprises multinationales dans la gestion de l’environnement et les relations communautaires ; de l’autre, il accroît l’importance des dépenses publiques pour le développement. L’écologisme équatorien, qui s’est beaucoup développé autour des conflits environnementaux liés au pétrole, est ainsi entré dans une nouvelle phase d’institutionnalisation, notamment avec la présence de plusieurs dirigeants notoires au sein de l’Assemblée constituante convoquée en 2008 et du premier gouvernement Correa. Il n’en demeure pas moins que ce mouvement reste divisé et qu’il exerce une influence limitée sur l’agenda politique et les réformes institutionnelles en cours, au-delà de la proposition de moratoire sur l’exploitation des champs pétrolifères Ishpingo, Tiputini et Tambococha.

Notes

1: Membre fondateur de l’OPEP, l’Équateur s’est retiré de ce cartel en 1992 et l’a réintégré en 2007.

2: Ministerio de Energía y Minas del Ecuador (2004), “Sector energético ecuatoriano”. Quito: República del Ecuador. Brochure.

3: BCE (Banco Central del Ecuador) (2007 a), “Boletín de estadísticas mensuales”, 1867.

4: Mediante la Ley orgánica reformatoria a la Ley orgánica de responsabilidad, estabilizacion y transparencia fiscal.

Bibliographie

  • Campodónico Humberto (1996), El ajuste petrolero: políticas empresariales en América latina de cara al 2000, Lima, Desco, 356 p.

  • CEPAL (Comisión Económica para América Latina y el Caribe) (2008), La inversión extranjera en América Latina y el Caribe 2007, Santiago : Naciones Unidas, 352 p.

  • ESMAP (Programa de asistencia a la gestión del sector de energía), 2005, Estudio comparativo sobre la distribution de la renta petrolera en Bolivia, Colombia, Ecuador y Perú, Washington D. C., Banco Mundial.

  • IEA (International Energy Agency) (1998-2008), Energy Balances of Non-OECD Countries, Paris : OECD-IEA, 490 p.

  • Karl Terry L. (1997). The Paradow of plenty: oil booms and petro-states, Berkeley: UCA Press.

  • UNCTAD (United Nations Conference on Trade and Development) (2008), World Investment Report 2008. Transnational Corporations and the Infrastructure Challenge, New York-Geneva : United Nations.

 

Voir Aussi