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Analyse

Conclusion, Il était une fois trois institutions dans une forêt…

Une analyse des futurs défis concernant les indicateurs de gouvernance

10 mars 2008

Table des matières

Imaginons un groupe de trois personnes envoyé dans une forêt inconnue pour une expédition nocturne. Afin de ne pas s’égarer, chacun est équipé d’une lampe de poche. Le lendemain, les trois personnes se retrouvent pour partager leurs expériences respectives. Elles se rendent rapidement compte que chacune a perçu la forêt de manière très différente, en fonction des éléments qu’elle a choisis d’éclairer avec sa lampe de poche. Bien sûr, les trois personnes ont toutes cherché à avoir un aperçu global de la forêt en balayant, de manière un peu superficielle, les arbres alentours du faisceau de leur lampe.

Cependant, trois sujets de discorde émergent peu à peu entre les trois personnes. Le premier, évident, a trait au fait qu’aucun ne comprend véritablement pourquoi ses deux collègues ont accordé tant d’importance à certains éléments « insignifiants » de la forêt. En effet, chacun, guidé par son intérêt personnel, s’est attardé sur des détails que les autres ont à peine remarqués. Second sujet de discorde, le comportement de chacun en vue de comprendre l’environnement dans lequel il a évolué. Alors que les uns choisissent plutôt de questionner les habitués de la forêt pour recueillir leurs perceptions de l’environnement, d’autres auront tendance à vouloir découvrir la forêt par eux‐mêmes, à travers leur propre regard. Enfin, le dernier point de friction se situe au niveau des actions à entreprendre en vue de réparer les dégâts subis par une partie de la forêt. A nouveau, deux tendances s’opposent. Certains retourneront dans la forêt et resteront sur place afin d’aider la nature à se reconstruire d’elle‐même alors que d’autres feront appel à des naturalistes pour qu’ils reconstruisent la forêt d’une certaine manière, considérée comme optimale.

Pourtant, sans renier les raisons pour lesquelles ils se sont plus intéressés à certains aspects de la forêt, tous s’accordent pour dire qu’en assemblant leurs trois lampes ils auraient eu une perception plus complète de l’environnement dans lequel ils ont été plongés.

Imaginons à présent que ces trois personnes soient la Banque mondiale, la Commission européenne et le PNUD et que les lampes de poches représentent les indicateurs de gouvernance. Que faut‐il retenir de cette fable ?

Premièrement que les indicateurs ne sont que des outils, des guides destinés à éclairer une situation à un moment précis. Seule la vision d’ensemble qu’ils procurent lorsqu’ils sont considérés en commun peut prétendre refléter la réalité. La mission première des indicateurs doit être de créer un dialogue, d’une part entre les différentes institutions de coopération au développement et, d’autre part, entre les bailleurs et les pays bénéficiaires. Leur rôle n’est pas de définir l’objectif de l’aide à proprement parler mais de faciliter son atteinte. La direction donnée à l’aide provient de l’institution qui utilise et interprète les indicateurs et correspond aux espaces politiques sur lesquels cette dernière est engagée. Les indicateurs de gouvernance, en tant qu’entités concrètes, constituent un point d’entrée pour le débat sur la conception de la gouvernance. Matérialisée, la gouvernance devient discutable et ses différentes compréhensions comparables. La deuxième chose à retenir ici est qu’un indicateur n’a de pertinence que s’il est utilisé par le plus grand nombre. Pour ce faire, la transparence des méthodes de construction et l’accessibilité des résultats constituent un pré requis. De cette manière uniquement, un indicateur pourra créer le dialogue et bénéficier aux bailleurs sur le plan de l’effectivité de l’aide et aux pays en développement afin de les guider dans leurs réformes. Troisièmement, pour reproduire une photographie aussi précise et fiable que possible d’une situation donnée, un indicateur se doit d’être diversifié dans sa construction et « honnête » quant à son utilisation. Concernant le premier point, l’importance porte d’une part sur un mélange équilibré entre perceptions externes et internes et, d’autre part, sur une diversification des éléments mesurés (politiques, économiques, sociaux, etc.) Pour ce qui est de son « honnêteté », un indicateur de gouvernance doit se monter clair sur les limites inhérentes au concept même d’indicateur, c’est‐à‐dire qu’il ne représente qu’une vision de la réalité et non la réalité elle‐même.

Finalement, à la question « existe‐t‐il plusieurs bonnes gouvernances ? », il est évident que la réponse est oui. Chaque institution de coopération au développement oriente « le faisceau de sa lampe de poche » sur les éléments auxquels elle accorde de l’importance et qui font partie intégrante de sa définition. Cependant, les recherches concernant la gouvernance n’en sont qu’à leurs débuts. Il semble donc normal que chaque institution défende ses propres valeurs du développement. Depuis quelques années une tendance à l’harmonisation se fait pourtant sentir. Le « contenu » de la gouvernance devient de plus en plus clair (bien que pas forcément plus consensuel) et la volonté d’intégration des différentes dimensions de la gouvernance dans les stratégies de coopération au développement augmente. Cette harmonisation des indicateurs mènera à terme à une plus grande coopération entre bailleurs et receveurs. Les nombreuses critiques concernant les indicateurs de gouvernance doivent d’ailleurs être perçues non comme un reniement du principe même de l’indicateur mais plus en tant qu’incitation à la discussion, dans le but d’augmenter la coordination et la coopération entre les acteurs de l’aide au développement.

 

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