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Analyse

Les acteurs non étatiques dans les politiques de développement de l’UE

La gouvernance multi acteurs ou la reconnaissance des organisations de la société civile du Nord comme du Sud dans les politiques européennes

Par Maxime Montagner

février 2006

Dans le cadre de ses politiques de coopération au développement, la Commission Européenne entretient des relations étroites avec de nombreux acteurs issus de la société civile. Ces acteurs sont aussi bien des ONG européennes de développement que des « groupements de base » situés dans les Etats destinataires de l’aide. Cette fiche propose de définir quelques concepts et d’illustrer différents éléments de la gouvernance des politiques européennes de développement

Table des matières

Depuis le Traité de Rome de 1957, la Communauté européenne est compétente dans le domaine de la coopération au développement. Conjointement avec les Etats membres, la Commission européenne met en place des projets et des programmes de développement dans la plupart des pays du Sud. Par le passé, les politiques de développement de l’UE se résumaient souvent à des rencontres et à des accords de financement conclus entre les « exécutifs » européens ( la Commission et le Conseil des Ministres) et les gouvernements des pays tiers. Ces relations diplomatiques (de gouvernement à gouvernement) étaient peu transparentes et les projets qui en découlaient peu efficaces en terme de développement humain. Aujourd’hui, ce modèle de coopération bilatérale semble dépassé sous de nombreux aspects.

« Appropriation, société civile, renforcement des capacités, participation, bonne gouvernance » … Depuis une dizaine d’années, la Commission européenne utilise de nouveaux concepts dans ses communications et ses documents abordant les politiques européennes de développement. L’Accord de Cotonou (signé en 2000 et liant l’UE aux Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) emprunte également cette terminologie afin d’encourager, entre autre, l’« ouverture multi acteurs » des politiques de développement. Ce vocabulaire correspondrait à l’émergence d’un nouveau paradigme et d’une nouvelle façon de « faire du développement » .

Comme le rappelle Stephan Brüne, « le modèle d’un post-colonialisme centré sur l’Etat, base de la dite « culture de Lomé » , est considéré comme dépassé au moins depuis les changements radicaux intervenus au niveau mondial à la fin des années quatre-vingt et début des années quatre-vingt-dix » 1. En effet, d’une configuration où un Etat européen, souvent l’ancien pays colonisateur entretenait des relations privilégiées avec un Etat destinataire des politiques de coopération, nous serions passés à un cadre de gouvernance « multi acteurs » au sein duquel de nombreux acteurs étatiques, non étatiques mais aussi supra étatiques auraient un rôle à jouer.

Un des principaux éléments de la gouvernance multi acteurs d’une politique publique est la reconnaissance du rôle des « Acteurs Non Etatiques » (du Nord comme du Sud). Ces organisations sont envisagées comme des partenaires de mise en oeuvre des politiques (la Commission leur délègue de nombreux projets) mais également comme des partenaires dans le dialogue avec les institutions européennes (dans le processus de prise de décision politique).

Sans prétendre répondre à l’ensemble des problématiques liées à l’ouverture multi acteurs des politiques européennes de développement, nous tâcherons d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes. Dans quelle mesure la notion de gouvernance reconnaît un rôle aux organisations de la société civile dans les politiques de développement de l’UE ? Quels sont les différents types d’acteurs de la société civile envisagés par la Commission européenne? Comment se sont-ils structurés afin d’assurer leurs plaidoyers politiques à Bruxelles et au niveau des Délégations de la Commission dans les Etats tiers?

Dans un premier temps, il s’agit de revenir sur l’émergence de la notion de « gouvernance » qui a reconnu un rôle important aux organisations de la société civile. Nous tacherons ensuite de définir les différents concepts utilisés par la Commission pour qualifier les acteurs de la société civile engagés à l’échelle européenne. Enfin, nous aborderons les stratégies organisationnelles mises en place par ces acteurs afin d’influencer les processus décisionnels de l’UE.

La gouvernance : une notion, deux significations

Historiquement, la coopération bilatérale lie un pays du Nord avec des Etats en développement. Ainsi, la France finance depuis plusieurs décennies de nombreux projets de développement en Afrique de l’Ouest tandis que l’Espagne est davantage tournée vers les pays de l’Amérique latine. Selon ce schéma classique, les relations entre l’Etat donateur et l’Etat « bénéficiaire » restent bien souvent de l’unique ressort des diplomates et des gouvernements. Dans le choix des politiques à mettre en oeuvre et des projets à financer, les intérêts des élites européennes et des élites du Sud semblent primer sur les véritables besoins des populations.

Ces pratiques ont été en partie remises en cause après trente années de « politiques de développement » qui se sont révélées particulièrement infructueuses. Depuis une dizaine d’années, les relations de gouvernement à gouvernement tendent à s’effacer au profit d’une approche davantage centrée sur la gouvernance des politiques de développement et sur la bonne gouvernance des Etats destinataires.

La gouvernance, un concept utilisé pour aborder les différents acteurs du « policy making » européen.

L’UE étant un système politique atypique, les approches liées à l’étude de la gouvernance sont utiles pour éclairer les processus de policy-making européen et faire émerger les différents acteurs qui y participent : « En l’absence d’un pouvoir fort au sein de l’Union européenne, les formes décisionnelles sont fluides et peu hiérarchisées. Souvent saisies par la notion de réseaux d’action publique, ces formes se caractérisent par des configurations d’acteurs pluriels (comptant des fonctionnaires nationaux, des fonctionnaires de la Commission, des représentants des groupes d’intérêts…) qui ne se conforment pas à un modèle institutionnel unique mais tendent au contraire à se différencier par l’émergence progressive de règles du jeu internes à chaque secteur. » 2

Selon cette définition, les politiques et les actions publiques de l’UE liées au « développement » rassemblent un ensemble d’acteurs institutionnels et non gouvernementaux ( une « configuration d’acteurs pluriels » ). Au niveau des acteurs institutionnels tout d’abord, la Commission européenne, à travers différentes Directions Générales et grâce à ses Délégations dans les pays tiers, joue un rôle clé dans la formulation des politiques et dans la mise en œuvre des programmes de coopération. Le Conseil (dans sa formation « Affaires générales et relations extérieures » CAGRE) et le Parlement européen ( à travers la Commission du Développement) adoptent quant à eux la législation pertinente selon la procédure de la codécision.

En plus des acteurs institutionnels, la Commission entretient à Bruxelles un dialogue régulier avec des réseaux d’acteurs issus de la société civile, tant sur les questions générales que sectorielles, comme le commerce, les questions sociales, le cofinancement des ONG ou la coopération décentralisée. Ces acteurs, avant tout les ONG européennes de développement, sont envisagés comme des groupes d’intérêt ayant vocation à influencer les processus décisionnels internes à la Commission. Les institutions européennes encouragent le lobbying des ONG à Bruxelles en finançant différents réseaux d’ONG européennes ainsi que Concord : la structure qui fédère l’immense majorité des organisations européennes engagées dans le développement international.

Ici, le concept de gouvernance est utilisé avant tout pour décrire les procédures et les dispositifs que l’UE a développés afin d’entretenir des relations avec les ONG européennes engagés dans la coopération au développement.3

La bonne gouvernance ou la remise en cause de l’Etat en tant que partenaire exclusif des politiques de développement :

La notion de gouvernance est également utilisée par les institutions européennes afin d’encourager des réformes politiques internes dans les Etats bénéficiaires de l’aide publique au développement. Dans les années 60 et 70, les projets d’infrastructures ou l’aide directe aux gouvernements étaient les instruments privilégiés de la coopération au développement. Ensuite, pendant les années 80, les Etats du Sud étaient poussés à libéraliser leurs économies afin de s’insérer dans l’économie mondiale. Ces différentes approches ayant échouées, les bailleurs de fonds poussent désormais les pays en développement à respecter les critères de « bonne gouvernance » , critères envisagés comme un préalable au développement.

Pour atteindre le « niveau » de bonne gouvernance acceptable par les bailleurs, des réformes étatiques sont nécessaires. Ces réformes peuvent se résumer par la remise en cause du monopôle du pouvoir de l’Etat et de ses institutions. La bonne gouvernance implique que d’autres organisations, issues avant tout du secteur privé et de la société civile, s’engagent, parallèlement à l’Etat, dans les activités économiques et sociales. Dans sa communication « Gouvernance et développement » de 2003, la Commission avance que la bonne gouvernance est « tout à la fois une question de mobilisation, de représentation et d’autonomisation réelles de la société civile, et en particulier des pauvres, et une question de capacité réelle des institutions publiques et des administrations à définir et à proposer les politiques requises » . 4

La remise en cause de l’Etat en tant que partenaire exclusif des politiques de coopération de l’UE date vraisemblablement de la publication d’un livre vert en 1996 qui annonçait la fin de l’ère du post-colonialisme et avançait « la participation plus active des acteurs non gouvernementaux aux relations de coopération. » 5 A ce sujet, la Commission européenne est relativement suiviste puisqu’elle intègre totalement les discours des Institutions Financières Internationales ( FMI et Banque mondiale) qui, les premières, ont fait appel à un renforcement des différentes institutions de la gouvernance, en vue de mettre fin à la faillite de l’Etat post colonial.

La bonne gouvernance de l’Etat destinataire de l’aide est devenue une condition à la prolongation des projets financés par les bailleurs. L’Etat destinataire se voit obligé de « se rapprocher » des citoyens en faisant participer les organisations de la société civile à la prise de décision politique. De son côté, la Commission (au niveau des Délégations) s’engage à écouter non seulement les gouvernements des Etats destinataires mais également les organisations issues de la société civile de ces pays. De plus, dans plusieurs Etats ACP, le Fond Européen de Développement (FED) finance des programmes visant à « renforcer les capacités » des organisations de la société civile.

La notion de gouvernance est donc utilisée par la Commission pour qualifier deux processus différents : son fonctionnement interne ( le policy-making à Bruxelles) et le fonctionnement de l’Etat destinataire (qui doit respecter les critères de bonne gouvernance). Si ces deux processus sont différents, dans les deux cas, la notion de gouvernance appelle à une participation toujours plus large des acteurs issus de la société civile dans le processus de prise de décision ainsi que dans la mise en œuvre des politiques de développement.

Les acteurs issus de la société civile : une question de définition

Le vocabulaire utilisé par la Commission européenne, de « société civile » à « ONG » puis à « Acteurs Non Etatiques » n’est pas anodin. Derrière ces termes se cachent des visions différentes de ce qu’est la société civile, de sa composition, de ses rapports à l’Etat et au marché. Si l’UE reconnaît la place des acteurs issus de la société civile dans ses politiques et programmes de développement, il est important de bien saisir la signification des différents termes utilisés par la Commission. Il ne s’agit pas seulement de sémantique mais connaître les définitions des concepts permet de savoir quels acteurs sont inclus ou exclus des politiques européennes.

Initialement, la Commission a privilégié la notion d’ « organisations de la société civile » ou d’ « organisations non gouvernementales » . Depuis 2000 et l’Accord de Cotonou, ces expressions sont moins utilisées au profit de celle d’ « Acteurs Non Etatiques » . Il est important de rappeler que ces différentes notions s’appliquent aussi bien aux organisations européennes qu’aux organisations des pays en développement. En effet, depuis l’Accord de Cotonou, la Commission tend à envisager l’ensemble des acteurs de la société civile de la même manière, indépendamment de leur provenance géographique.

Les Organisations de la Société Civile :

La communication de la Commission « Développement et gouvernance » dresse une typologie des différentes organisations de la société civile : « La Commission collabore avec un large éventail d’acteurs de la société civile, comprenant des groupes et des agences de défense des droits de l’homme, des organisations de base, des associations féminines, des organisations de jeunesse, des organismes de protection de l’enfance, des mouvements écologistes, des organisations d’agriculteurs, des syndicats, des associations de consommateurs, des organisations religieuses, des structures d’appui au développement (ONG, établissements d’enseignement et de recherche), des associations culturelles et les médias.»

L’ensemble de ces organisations appartient à la sphère de la société civile dans le sens où elles ne relèvent ni de la sphère politique (l’Etat, les collectivités territoriales, les partis politiques), ni de la sphère économique (les entreprises du secteur privé ou les bureaux d’études). Les OSC, entendues au sens de la Commission, regroupent la totalité des groupements humains situés à un niveau proche de la population. Bien qu’elles oeuvrent dans des domaines différents, les OSC ont pour point commun de connaître les préoccupations et les demandes prioritaires des citoyens. Elles se reconnaissent souvent dans les valeurs suivantes : contre-pouvoir, bénévolat, action citoyenne, démocratie participative, action humanitaire, économie solidaire…

Les Organisations Non Gouvernementales :

Dans le secteur de la coopération au développement, un type d’organisations de la société civile semble se démarquer: les Organisations Non Gouvernementales ou ONG de développement. Ces organisations sont connues du grand public car elles sont de plus en plus présentes sur la scène médiatique internationale ( Oxfam, MSF, Handicap International, Enda…). Si elles proviennent la plupart du temps des pays du Nord, on assiste depuis quelques années à l’émergence de solides ONG au Sud. Les ONG sont davantage professionnelles que la plupart des OSC dans le sens où elles sont spécialisées dans un domaine précis lié au développement : sécurité alimentaire, développement durable, accès à l’eau…

Parce qu’elles sont souvent financées par la Commission qui leur « sous-traite » des projets de développement, ces organisations ont l’habitude des discours, des procédures et des cadres logiques des institutions européennes. Elles sont considérées comme des expertes des problématiques liées au développement et, dans ce sens, bien qu’elles soient à but non lucratif, elles peuvent se positionner sur des logiques proches du secteur privé à but lucratif. En effet, une ONG de développement nécessite des financements importants d’où l’importance du marketing et de l’acquisition de « parts de marché » . De l’amateurisme des années 70 et 80, les ONG se sont largement professionnalisées ces dernières années si bien que quelques commentateurs n’hésitent pas à parler du « charity-business » lorsqu’ils évoquent les relations entre les ONG de développement et les principaux bailleurs de fonds.

L’ensemble de ces facteurs fait qu’aujourd’hui, les ONG de développement sont devenues, de fait, les principaux interlocuteurs de la Commission européenne. Bien qu’elles trouvent racine dans la « société civile » , elles ne sont pas aussi ouvertes et aussi proches des citoyens que les « groupements de bases » car elles nécessitent des organigrammes précis et une certaine rationalité interne afin de s’assurer un avantage comparatif sur les autres ONG oeuvrant dans le même domaine, souvent envisagées comme des concurrentes potentielles.

Les Acteurs Non Etatiques :

Si les ONG européennes sont traditionnellement les organisations les plus proches des institutions, la Commission européenne utilise désormais un nouveau concept : celui d’« Acteur Non Etatique » . Les documents de la Commission tendent aujourd’hui à privilégier l’usage du terme d’ANE au détriment de celui d’OSC ou d’ONG.

Les « Acteurs Non Etatiques » apparaissent dans le texte de l’Accord de Cotonou où ils sont reconnus comme des acteurs à part entière du Partenariat ACP/UE. Cette notion est encore plus englobante que le terme d’OSC. A en juger par l’article 6 de l’Accord de Cotonou : « les acteurs non étatiques [comprennent] le secteur privé, les partenaires économiques et sociaux, y compris les organisations syndicales et la société civile sous toutes ses formes selon les caractéristiques nationales. La reconnaissance par les parties des acteurs non gouvernementaux dépend de la manière dont ils répondent aux besoins de la population, de leurs compétences spécifiques et du caractère démocratique et transparent de leur mode d’organisation et de gestion.».

Depuis 2000 environ et l’apparition des « ANE » dans le vocabulaire institutionnel, les ONG européennes sont mises en concurrence directe avec des organisations venues d’autres horizons. De fait, l’émergence des termes de « gouvernance » et d’ « Acteurs Non Etatiques » reconnaît deux nouveaux types d’acteurs non gouvernementaux : les organisations des pays du Sud et le secteur privé à but lucratif sous certaines conditions. Au même titre que les ONG européennes, ces organisations ont désormais vocation à être financées et écoutées par la Commission.

Les réseaux associatifs ou comment profiter de la fenêtre d’opportunité politique européenne.

Il parait évident que la plupart des acteurs non étatiques, qu’ils soient européens ou qu’ils proviennent des pays en voie de développement, sont dépourvus d’accès direct à la politique au niveau européen. Ils privilégient leurs actions sur le terrain et bien souvent, ils avouent ne pas très bien saisir le vocabulaire technique et les différentes procédures de la Commission européenne.

Si les possibilités de financement et de dialogue existent, les organisations ne possèdent pas toujours les ressources (humaines, techniques, financières…) nécessaires afin de profiter des opportunités offertes par l’UE. En effet, les ANE doivent constamment se tenir informés de l’actualité institutionnelle, doivent savoir présenter des dossiers de financement correspondant aux attentes de la Commission ou tout simplement, doivent être capables d’entrer en contact avec la Commission à Bruxelles ou avec les Délégations de la Commission situées dans les capitales des Etats tiers.

Pour faciliter leurs accès au financement et au policy-making européen, les ONG européennes de coopération au développement se sont structurées en réseaux nationaux à l’image de Coordination Sud (Solidarité Urgence Développement) en France qui regroupe une centaine d’organisations françaises ou de BOND au Royaume Uni qui rassemble quelques 280 ONG britanniques d’aide et d’éducation au développement.

Ces réseaux nationaux sont eux-mêmes regroupés à Bruxelles au sein de l’organisation Concord, la confédération européenne des ONG d’urgence et de développement. Concord a été créée en 2003, sur l’initiative de la Commission, afin de faciliter la consultation et le dialogue entre les institutions européennes et les ONG européennes de développement. L’activité principale de Concord est le plaidoyer politique auprès de la Commission. Le secrétariat de l’organisation propose des groupes de travail thématiques à ses membres, suit au jour le jour l’actualité institutionnelle européenne dans le domaine de la coopération au développement et travaille au renforcement de réseaux de la « société civile » en Europe et dans les pays en voie de développement.

Pour dialoguer avec la « société civile » engagée dans le domaine de la coopération au développement, la Commission s’adresse quasi-essentiellement à Concord qui est considérée comme une organisation légitime car elle regroupe la plupart des organisations de développement en Europe. La confédération a vocation à influencer le processus de policy-making européen. Concrètement, les représentants de Concord sont souvent invités à s’exprimer auprès des fonctionnaires de la Commission Européenne. De plus, ce « réseau de réseaux » recueille les revendications de ses membres afin de mettre au point des contributions politiques à transmettre à la Commission.

Dans les pays en développement, les acteurs non étatiques ont également compris que la création de réseaux peut faciliter le dialogue avec les bailleurs de fonds, et en premier lieu, avec la Commission européenne. De ce fait, dans la plupart des pays du Sud, des réseaux associatifs ainsi que des plateformes thématiques ont été mis sur pied ces dernières années. Pour ne prendre qu’un exemple, il existe plus trente réseaux associatifs thématiques au Niger (le Groupement des Aides Privées, la Coordination des ONG Associations féminines au Niger, le Réseau de l’Environnement pour un Développement Durable…). Ces réseaux sont eux-mêmes regroupés au sein de la CCOAD (Chambre de Concertation des ONG et Associations de Développement). Cette organisation nationale se veut être représentative de l’ensemble des intérêts des organisations de la société civile nigérienne engagées au niveau local. La CCOAD a été créée de toutes pièces afin de rationaliser le dialogue entre les différents bailleurs et le secteur associatif. Ainsi, lorsque la Délégation de la Commission veut « parler avec la société civile » , elle consulte quasi-essentiellement la Chambre de concertation ainsi que ses organisations membres.

Que ce soit en Europe ou dans les pays en voie de développement, les organisations de la société civile (bien souvent des ONG) ont su créer des structures ad hoc afin de faciliter leurs relations avec la Commission. Ces organisations situées à un niveau proche des institutions se nomment fédérations, plateformes, coordinations ou encore réseaux. Bien que leurs dénominations soient différentes, elles visent toutes à organiser le monde associatif et à servir de courroie de transmission de l’information entre les principaux bailleurs de fonds et l’ensemble du secteur de la société civile d’un pays voire d’un continent.

Conclusion

Depuis la reconnaissance du concept de gouvernance par la Commission, les ONG européennes de développement ne sont plus les acteurs privilégiés de la mise en oeuvre des politiques et du dialogue avec les institutions. Les récentes communications de la Commission et l’Accord de Cotonou envisagent désormais l’ensemble des « Acteurs Non Etatiques » comme de véritables acteurs du partenariat. Ce changement de vocabulaire n’est pas anodin mais reflète plutôt la volonté de la Commission d’envisager l’ensemble des acteurs non gouvernementaux sur un pied d’égalité, qu’ils soient européens ou issus des pays du Sud, qu’ils proviennent de la sphère de la société civile ou du secteur privé.

Cette évolution n’est pas sans conséquence sur les stratégies des différents protagonistes de la gouvernance européenne. Nous ne disposons pas encore du recul suffisant afin d’analyser les répercussions de cette ouverture multi acteurs sur l’efficacité des politiques de développement. Cependant, nous remarquons d’ores et déjà un mouvement généralisé de structuration des ANE, au Nord comme au Sud. Les différentes organisations créent des réseaux afin de peser davantage au sein du processus de policy-making européen.

Au final, l’Union Européenne constitue désormais une véritable « fenêtre d’opportunité politique » pour tout un ensemble d’acteurs qui peuvent être financés et consultés par la Commission européenne. Si cette ouverture politique est reconnue en droit, il reste à la concrétiser dans la pratique pour que la gouvernance multi acteurs des politiques européennes de développement soit effective en Europe comme dans la plupart des pays du Sud.

Notes

1Les accords de Lomé ( de I à IV) ont lié l’UE aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) pendant près de trente ans. Citation de BRUNE Stephan, L’Union européenne et les pays ACP. La convention de Cotonou – un premier bilan, Colloque CERI, IEP de Paris : « L’Union européenne, acteur international » , 20-21 juin 2002.

2LEQUESNE Christian, « Comment penser l’Union européenne ?  » in SMOUTS M.C., Les nouvelles relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 1998. Pour plus d’informations concernant le concept de gouvernance appliqué au système politique européen, lire la fiche introductive du dossier: «L’ Union Européenne, un espace de gouvernance en construction » .

3Voir la fiche d’analyse consacrée aux processus et aux dispositifs établis par l’UE afin d’écouter et de faire participer les organisations de la société civile.

4Commission européenne, Gouvernance et Développement, Communication de la commission au conseil, au parlement européen et au comité économique et social européen, COM(2003)615 Final, 20/10/2003, Bruxelles.

5Commission européenne, Livre vert sur les relations entre l’UE et les pays ACP à l’Aube du 21ème siècle, 20/11/1996, Bruxelles

Sites Internet Utiles :

La plateforme européenne des ONG de développement Concord www.concordeurope.org

Le Centre européen de gestion des politiques de développement www.ecdpm.org

L’acquis communautaire dans le domaine des politiques de développement

www.europa.eu.int/comm/development/body/legislation/introduction_en.htm

La DG Développement de la Commission européenne :

www.europa.eu.int/comm/dgs/development/index_fr.htm

 

Voir Aussi