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L’Etat inachevé. Les racines de la violence en Colombie.

Autor : Fernan GONZALEZ, Fabio ZAMBRANO

Por Pierre-Yves Guihéneuf

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Fernan GONZALEZ, Fabio ZAMBRANO

Fernan GONZALEZ, diplômé en Sciences politiques de l’Université de Los Andes (Bogota), est enseignant dans cette université et chercheurs en histoire politique au CINEP, Centre de recherches et d’éducation populaire de Bogota, institution indépendante qui réalise des actions au service de la paix en Colobie. Fabio ZAMBRANO, historien diplômé de l’Université de Paris I, est professeur à l’Université nationale de Colombie et chercheur au CINEP.

Avec les cartels des trafiquants de drogue, les commandos de la guérilla, les escadrons de la mort et les tueurs à gages qui négocient leurs services dans les rues de Medellín ou de Cali, la Colombie est connue comme un des symboles de la violence organisée. Au quotidien, c’est également un pays où le règlement des conflits par la violence est un phénomène banalisé. Au total, avec un taux d’homicides de plus de 75 pour 100 000 habitants, elle est loin devant les autres pays d’Amérique latine dont ce taux s’établi autour de 20 pour 100 000. Or, la Colombie est, en Amérique latine, le pays le plus anciennement indépendant et le plus constamment démocratique. Il n’est pas, loin s’en faut, le plus pauvre et le plus inégalitaire. Démocratie, indépendance et développement ne suffisent donc pas à garantir la paix des rapports sociaux. Quelles sont les manifestations et les causes de la violence en Colombie ? Cet ouvrage montre que celle-ci s’enracine dans l’histoire, dans les modes de gouvernance et dans la construction de l’espace public.

Les formes de la violence

Les origines se situent dans le champ politique. Depuis le XIXe siècle en particulier, les affrontements entre les partis politiques sont particulièrement sanglants. Aujourd’hui encore, la permanence de la guérilla provoque d’importantes pertes parmi les civils soupçonnés de collaborer avec le pouvoir. L’armée se rend responsable d’assassinats sélectifs parmi ceux qu’elle considère comme des proches des insurgés ou organise des massacres dans le but d’intimider la population. Journalistes, élus et magistrats ne sont pas épargnés. L’armée et la police ont fréquemment créé des groupes paramilitaires composés de civils et chargés de les épauler. Ces groupes ont souvent échappé au contrôle de ceux qui les avaient créés pour se mettre au service de propriétaires terriens ou de trafiquants de drogue. Incapables de se réinsérer lorsque leur mission prend fin, ces tueurs se mettent alors à leur compte, glissant vers le banditisme et contribuant largement à l’augmentation du taux de délinquance.

La violence a depuis longtemps quitté le champ politique qui l’a fait naître pour investir d’autres espaces de la société, comme la délinquance de droit commun. Le trafic de drogue lui a fourni un cadre propice et la guerre des cartels est responsable d’un grand nombre d’homicides. Ce trafic, tout comme l’extraction des émeraudes, créent dans la société des espaces de droit privé, desquels la police est exclue ou contrôlée, et dans lesquels règnent les milices à la solde des mafieux. Dans ces espaces d’exception, les stratégies de pouvoir et les codes d’honneur conditionnent les rapports sociaux.

Ailleurs, les collusions entre les trafiquants et les forces de l’ordre, l’impunité dont jouissent certains criminels et la corruption du système judiciaire contribuent à donner de l’Etat une image d’impuissance et à justifier la création, par ceux qui se considèrent comme « d’honnêtes citoyens » des milices d’autodéfense. L’un d’eux déclare ainsi : « L’Etat défend ses privilèges, mais qui défend la société ?  » . De là à glisser vers le « nettoyage social » , c’est-à-dire l’élimination physique de petits délinquants, il n’y a qu’un pas qu’ont franchi de nombreux groupes dans les années quatre-vingts, inspirés par une pratique probablement née au Brésil. Ces groupes revendiquent l’assassinat, souvent spectaculaire, de ceux qu’ils appellent « les déchets de la société » , incluant sous ce terme les gamins de la rue, les mendiants, les prostituées, les homosexuels, les consommateurs de drogue et tous ceux qui, à leurs yeux, perturbent l’ordre social ou heurtent la morale.

En gagnant de nouveaux espaces, la violence se banalise et apparaît comme une pratique efficace et légitime. Les conflits de voisinage, les disputes conjugales, les différends entre parents d’élèves et enseignants, les tensions entre patrons et ouvriers se soldent souvent par des agressions physiques et verbales et parfois par des homicides. Ce qu’on nomme ainsi la « justice privée » sert de substitut dans un contexte où il existe peu de règles pacifiques de gestion des conflits. La famille, au sein de laquelle se reproduisent les conduites autoritaires et l’exclusion de l’autre, joue désormais un grand rôle dans le maintien de cette culture de la violence. Les Colombiens, qui ne croient pas en l’utilité des institutions, s’investissent peu dans la vie publique et font taire leur aspirations. La peur des réactions de l’autre limite leur propension à faire état de leurs revendications.

Comment en est-on arrivé là ? Fernán Gonzáles, politologue, et Fabio Zambrano, historien, ont synthétisé dans cet ouvrage les nombreux documents de recherche du CINEP (Centre de recherche et d’éducation populaire de Bogota). Ils sont partis de l’hypothèse qui consiste à dire que si la violence fait en quelque sorte partie de la culture collective des Colombiens, c’est parce qu’elle s’alimente de transitions historiques mal négociées, de rivalités de pouvoir longtemps entretenues, du divorce existant entre les citoyens et les gouvernants et, finalement, de la construction inachevée de l’Etat en tant que régulateur des rapports sociaux. « Si la violence est considérée comme un mode normal de résolution des conflits qui naissent de la vie en société, c’est parce qu’aux yeux des Colombiens, il n’existe pas d’autres moyens légitimes et efficaces de le faire. Cela revient à dire que l’Etat, à qui incombe généralement cette tâche dans les sociétés démocratiques, ne fournit pas un espace à la mesure des besoins » .

La violence est donc l’expression d’une rupture entre l’Etat et la société, l’aboutissement d’une gestion collective déficiente dans la construction de l’espace public et lors de l’établissement des normes de régulation des conflits. La violence n’est donc pas consubstantielle à la culture colombienne, elle est un produit de l’histoire et le signe d’une absence de l’espace public. En se réappropriant leur histoire et en construisant un Etat en prise sur la société réelle, les Colombiens peuvent tenter de juguler la violence.

 

Les héritages historiques

 

Avant la colonisation espagnole, le territoire de l’actuelle Colombie n’était pas unifié mais habité de peuplades diversement organisées, dont aucune ne dominait une large fraction du territoire, contrairement à ce qu’on observait alors au Pérou ou au Mexique. Cet espace périphérique du grand empire Inca est conquis au début du XVIe siècle par les Espagnols qui savent profiter des conflits ethniques existants.

Les colons, aux prises avec des soulèvements indiens sporadiques, occupent d’abord des espaces réduits. Ces îlots de colonisation isolés les uns des autres se constituent en cités qui deviendront rapidement concurrentes en cherchant à marquer l’économie de leur influence et, pour les plus grandes d’entre elles, à s’imposer en tant que capitale. L’espace économique et politique de ce qui s’appelait alors le Vice Royaume de la Nouvelle Grenade se constitue progressivement sous forme éclatée, à la manière d’un archipel. Les guerres de résistance des Indiens s’estompent au cours du XVIIe siècle, réprimées dans le sang, et la période coloniale est dominée par cette rivalité des villes qui alimente elle-même, jusqu’au XIXe siècle, les luttes politiques partisanes.

L’Etat, quant à lui, occupe une place réduite, sauf dans les grands centres urbains où l’autorité de la couronne d’Espagne se manifeste à travers la justice, le maintien des hiérarchies sociales et l’exercice de la représentation politique. Ailleurs, les représentants de la puissance coloniale délèguent leur autorité aux caciques locaux et jouent de leurs rivalités pour imposer leur arbitrage. Les villes et leur territoire environnant constituent les bases de l’organisation en provinces. Peu à peu, les 22 provinces s’affirment comme des espaces politiques autonomes, rétifs à l’idée de coordination politique et en concurrence entre eux. La faible présence de l’Etat explique que la liberté dans l’accès à la terre, l’absence d’impôts et le manque de respect envers l’autorité publique s’imposent comme des normes constitutives de la société métisse.

Au début du XIXe siècle, l’affaiblissement du pouvoir colonial espagnol éveille les velléités d’indépendance de la part des élites locales. Ces dernières imaginent pouvoir prendre la place du pouvoir colonial sans remettre en cause la structure sociale et l’organisation politique du pays, mais les mots d’ordre de soulèvement lancées par elles déclenchent une violence collective contre tous les représentants de l’ordre établi. La Couronne, désireuse de trouver des alliés, notamment parmi ceux qui sont opprimés par les élites créoles, offre la liberté aux esclaves qui se rallieront à elle. Les chefs indépendantistes récompensent leurs officiers en leur attribuant les biens confisqués aux Espagnols. Progressivement, le conflit implique la plupart des groupes de population et libère les affrontements sociaux, élargissant les clivages et se transformant en guerre civile.

L’indépendance se bâtit sur une confusion qui pèsera lourdement sur la mise en place du projet démocratique. Alors que les élites préfigurant l’Etat moderne multiplient les références au peuple colombien, à la liberté et à la souveraineté populaire pour légitimer la mise en place du nouveau régime, la citoyenneté reste un concept vide de sens pour une large partie du pays, notamment pour les zones andines, dont la population est soumise au contrôle social et religieux, asservie par des liens de dépendance et de loyauté envers les propriétaires et les notables. La fracture existante entre le peuple fictif et le peuple réel provoque l’apparition sur la scène politique d’intermédiaires entre gouvernants et gouvernés : les petits notables locaux (caciques et caudillos) deviennent d’indispensables traducteurs entre deux univers, celui de l’Etat et de des dirigeants politiques d’une part, celui de la société traditionnelle d’autre part.

Ainsi se construit une démocratie sans peuple réel et se creuse un décalage entre le discours des classes politiques et la réalité du pays. Alors que le pays s’affirme comme attaché aux valeurs démocratiques, le vote est mobilisé à travers l’action des caciques et des caudillos, qui mobilisent leur clientèle politique dans des stratégies personnelles d’accès au pouvoir. Le contraste entre la modernité du discours et l’archaïsme de la société caractérise la vie politique colombienne jusqu’à nos jours.

Une fois disparus les vainqueurs des luttes d’indépendance, la vie politique est rythmée par les affrontements entre libéraux et conservateurs, qui mobilisent tout d’abord des cercles élitistes et urbains relativement réduits. Mais, au milieu du XIXe siècle, les libéraux au pouvoir fondent dans tout le pays des Sociétés démocratiques destinées à soutenir le gouvernement. Ces associations, qui comptent parfois plusieurs milliers de membres, deviennent rapidement une force politique majeure et seront armées par l’Etat pour faire face à une tentative de rébellion conservatrice. Les conservateurs, de leur côté, invoquent la religion pour mobiliser le peuple en leur faveur. Des conflits armés opposent les factions, les guerres civiles se succèdent. Les vaincus font l’objet de répressions qui les incitent à constituer des groupes armés autonomes, rassemblant parfois des Indiens révoltés, des esclaves en fuite et divers groupes marginalisés de la société. Le recours à la violence s’impose ainsi dans la vie politique, depuis les mobilisations qui secouent la capitale jusqu’aux conflits locaux qui divisent les villages, pendant toute la première moitié du XIXe siècle. Cette époque laissera chez les dirigeants politiques une « peur du peuple » née de leur regret d’avoir mobilisé les masses populaires dans leurs luttes pour le pouvoir. L’une de ses conséquences sera de consacrer un tournant dans la stratégie du parti libéral, qui s’éloigne de ses bases sociales et perd sa capacité à exprimer les intérêts des classes émergentes et des exclus. La polarisation de la société, qui se renforcera lors de périodes ultérieures, contribuera également à alimenter les mouvements insurrectionnels.

La violence politique perdure et, pour faire face au chaos, une Constitution autoritaire est mise en place en 1886 par une alliance entre libéraux, conservateurs et Eglise catholique, cherchant à promouvoir un ordre social animé par des valeurs morales et religieuses. Les libertés individuelles et collectives sont fortement réduites, la presse muselée, l’opposition interdite. Mais ce « rêve de l’ordre » cèdera lui-même devant les contestations internes suscitées par son intransigeance, les émeutes populaires et une crise économique qui plonge l’Etat au bord de la faillite. L’expérience se terminera par la Guerre des mille jours (1899-1901), non pas un conflit armé supplémentaire, mais une guerre civile de grande ampleur qui provoquera la création de nombreux fronts de guérilla. La violence des affrontements et de la répression créent des ressentiments et enclenchent des vendettas qui perdureront jusque dans les années trente. Cette période laissera des traces durables dans l’imaginaire collectif.

Le début du XXe siècle est marqué par des problèmes sociaux dus à une conjoncture économique difficile. Emeutes et répression marquent cette période, au cours de laquelle émerge l’idéal socialiste. Dans les années trente, le clergé se radicalise et s’engage dans les conflits politiques. Les institutions publiques locales et régionales, utilisées par les protagonistes pour défendre leurs intérêts, abandonnent leur image d’impartialité et perdent toute légitimité dans le règlement des conflits. Les responsables politiques exercent de fortes pressions sur l’appareil judiciaire, pour permettre l’impunité de leurs sympathisants. Les fraudes électorales se généralisent.

Tous ces éléments renforcent les rancoeurs et confinent l’Etat dans un rôle marginal. Déjà fort discret par le passé, celui-ci finit par jouer un rôle de figurant dans le développement économique et social du pays. A l’inverse du Mexique ou du Brésil, n’apparaissent en Colombie ni une nouvelle élite dirigeante, ni les classes moyennes qui naissent de la fonction publique, ni une armée placée au-dessus des partis. L’Etat ne parvient pas à s’imposer dans le règlement des conflits - notamment sociaux - ni à promouvoir une véritable participation populaire, tant les clivages, le paternalisme des notables et le clientélisme politique restent vivaces.

Dans l’immédiat après-guerre, la répression sanglante d’émeutes ouvrières déclenche des affrontements qui inaugureront une nouvelle période de guerre civile connue sous le nom de « la Violence » et qui culminera par l’assassinat de responsables politiques, par une « guerre sale » contre les opposants au régime et, finalement la création de milices paramilitaires et de fronts de guérilla. Pillages et vengeances se manifestent partout, gagnant progressivement tous les secteurs de la société. Cet épisode, qui provoquera la mort de quelques 300 000 personnes, ruinera l’unité nationale et rendra vide de sens toute référence à l’Etat. Il entérinera également l’impuissance des institutions qui régulent la sphère publique (l’Eglise, les partis, les organisations sociales…) et accroîtra les fractures entre les espaces nationaux, régionaux et locaux. Malgré leurs efforts, les militants politiques les plus éclairés ne réussiront pas à construire un espace public moderne dont les règles de fonctionnement seraient assurées par l’Etat. Les partis de gauche ne parviendront pas à canaliser le mécontentement des classes moyennes et populaires et l’Eglise catholique cessera de jouer son rôle dans le contrôle social.

Au début des années cinquante, le pays est plongé dans une crise sans précédent. C’est l’époque où se renforcent des groupes armés clandestins qui donneront naissance dans les années soixante aux principaux mouvements guérilleros : les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), le Mouvement du 19 Avril (M19) ou l’Armée de libération nationale (ELN), qui seront stimulés par le succès de la révolution cubaine.

 

La disparition de l’espace public

 

Ce contexte général de crise et de violence est renforcé par certaines conjonctures locales, ce qui donne naissance à des situations d’extrême violence. C’est le cas en particulier dans les zones rurales de colonisation mais surtout dans les régions minières d’extraction des émeraudes et les espaces urbains dominés par les trafiquants de drogue.

Dans ces espaces où l’Etat est quasiment absent et ne se manifeste que lors de la répression de troubles à l’ordre public de grande ampleur, l’organisation du pouvoir est basée sur les chefs locaux, voire les mafias. Leur logique est inspirée par leur intérêt économique et passe par l’établissement d’alliance ou l’élimination de concurrents. Les fortunes rapides permises par les trafics permettent de se dispenser de services publics et de protection sociale, voire même d’organiser ces services, de créer des emplois et d’assurer une certaine redistribution des richesses. Dans de telles situations, les chefs mafieux finissent par bénéficier, à l’instar du trafiquant de drogue Pablo Escobar, d’une popularité et d’une légitimité qui les place de fait dans le rôle d’hommes publics.

La logique des sans-grade est différente de celle de leurs chefs : motivés par la vengeance personnelle, contraint par un code de l’honneur exigeant, ces tueurs ne croient qu’à la justice exercée par eux-mêmes. Dans leur culture guerrière, la loyauté et la trahison structurent une vision manichéenne de la réalité. A la fin du XXe siècle, bouleversées par l’importance du trafic de drogue, des villes comme Medellin et Cali sont au bord du chaos.

Au cours des années, la violence a dépassé les affrontements politiques et le champ de la délinquance et des trafics, pour gagner tous les secteurs de la vie quotidienne. Les citoyens y ont fréquemment recours pour régler tout type de problème. Les cadres institutionnels à l’intérieur desquels pourraient se gérer les conflits ont été débordés et rendus inopérants à la fois à cause de leurs insuffisances dues aux héritages du passé et du fait de la brutalité des changements survenus au cours des trente dernières années du XXe siècle. Les partis, l’Eglise et les organisations sociales n’assurent plus l’indispensable médiation entre les citoyens et l’Etat. L’armée, la police et la justice sont considérées comme inefficaces ou manquant totalement d’impartialité. Dans ces conditions, que faire ?

 

Un Etat à construire

 

Le défi actuel concerne à la fois la société civile et l’Etat. L’Etat doit se moderniser, c’est-à-dire rechercher les moyens de son indépendance vis-à-vis des partis politiques, des groupes corporatifs et des intérêts privés. Il doit éradiquer la corruption et garantir l’efficacité de la justice et de la police. Il doit occuper certains espaces stratégiques qui, sans cela, sont investis par les mafias et les groupes privés. Ce n’est qu’à ces conditions qu’il pourra s’affirmer comme le garant et le symbole d’un espace public de gestion des conflits.

Tenter de juguler la violence en Colombie, ce n’est pas réclamer un Etat omnipotent ou autoritaire, mais appeler de ses voeux un Etat plus présent dans la vie économique et sociale du pays. Cela passe par un débat social, donc la mobilisation des autorités locales et des organisations sociales.

Repenser la place de l’Etat dans la société suppose une profonde évolution de la classe politique. Celle-ci doit retrouver sa mission de porte-parole de la société et en particulier des milieux défavorisés. Cela suppose de dépasser la « peur du peuple » héritée de l’histoire.

Les initiatives de l’Etat resteront vaines tant que sa légitimité ne sera pas renforcée. Sans l’accord des autorités locales, il ne peut rien faire. Par exemple, un accord de paix entre le gouvernement et la guérilla ne sert à rien si les conditions de réinsertion des insurgés ne sont pas prévues. Sans cela en effet, ceux-ci sombrent dans la marginalisation et d’autres formes de violence. Là est nécessaire la coopération des autorités locales, des secteurs économiques, des organisations sociales.

C’est pour cela que le rôle de la société civile est déterminant. C’est celle-ci qui peut donner à l’Etat la place qu’il doit occuper dans la régulation sociale. Cela passe par l’élaboration d’un consensus national sur la nécessité d’une paix civile.

 

Fernan GONZALEZ et Fabio ZAMBRANO. L’Etat inachevé. Les racines de la violence en Colombie. CINEP-CCFD-FPH. Editions Charles-Léopold Mayer, 1995, Dossier pour un débat n° 42, 132 p.

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