Interview

Un lien social détruit, c’est une démocratie en péril

(Re)créer du lien social doit passer par l’intégration des personnes exclues en favorisant un meilleur accès aux services de base, tout en s’inspirant des expériences de coopération décentralisée.

Janine Planer: Adjointe au Maire de Bouguenais.Chargée de la Coordination Vie sociale et Coopération Internationale.

By Estelle Mairesse

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Breve presentación del entrevistado y del contexto de su gobierno local:

Population : 15 627 habitants (recensement de 1999)

Extension : 3 150 hectares

Situation : commune du département de Loire-Atlantique et de la région Pays de la Loire, située dans la première couronne nantaise au sud de la Loire. Bouguenais est l’une des 24 communes qui composent la Communauté Urbaine de Nantes Métropole (depuis le 1er janvier 2001)

Principales activités économiques : les quelque 600 entreprises, dont le fleuron industriel et technologique de l’agglomération nantaise, Airbus France, ainsi que les PME, artisans et commerçants contribuent aussi au dynamisme du tissu économique de la commune. L’aéroport Nantes Atlantique implanté sur son territoire permet de dynamiser la commune.

Janine Planer, affiliée au Parti Socialiste, est la 6e Adjointe au Maire de Bouguenais, une commune d’environ 17 000 habitants située au Sud-Est de Nantes, en bord de Loire. Cette élue est déléguée au jumelage et à la coopération internationale et est chargée de la coordination du secteur social. Elle est également Présidente du groupe pays Sénégal de Cites Unies France. Quant à la ville de Bouguenais, elle est engagée dans cinq partenariats : un jumelage tripartite avec la ville de Ballou, au Sénégal, et Ginsheim-Gustavburg en Allemagne, une coopération avec la ville de Siria en Roumanie depuis environ 20 ans ; une autre avec El Tuma la Dalia au Nicaragua ; et une dernière récemment initiée avec Anabta en Palestine.

Preguntas y respuestas :

Selon vous, par ordre de priorité, quels sont les trois principaux défis de la cohésion sociale au sein de votre ville et/ ou gouvernement local ? Et pourquoi ?

Je ne vois pas de gros problèmes au niveau de la vie sociale de Bouguenais. Certes, nous avons une population à revenus modestes (50 % des habitants ne paient pas d’impôts sur le revenu) mais la ville s’investit beaucoup sur le plan social. Néanmoins, il ne faut pas se leurrer. Bien que des efforts soutenus soient réalisés en matière de politique sociale, l’exclusion est aussi une de nos réalités quotidiennes, même si elle est moins accentuée que dans d’autres pays, et les populations les plus pauvres n’ont pas toujours accès aux services de base. C’est donc en direction de cette catégorie marginalisée que nous devons redoubler d’effort.

Lors des différentes conférences qui ont eu lieu lors de cette première journée du Forum, il a beaucoup été question de cohésion sociale. Certes, elle est importante, mais pour nous, ce qui importe en premier lieu et qui est finalement le socle de la cohésion sociale, c’est le lien social.

L’exclusion sociale n’est que la conséquence de cette absence de liens sociaux entre les individus. C’est pourquoi, dans notre commune, nous travaillons en étroite relation avec les citoyens par la mise en place de services et actions qui créent du lien social, notamment une forte incitation à la participation citoyenne. Des groupes de travail, par exemple sur la création de domiciles spécialisés pour personnes âgées et handicapés physiques, ont d’ailleurs été mis en place. Le tissu associatif est très actif et associé aux activités et aux réflexions menées, notamment en ce qui concerne les questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Mais ces relations doivent avant tout être tissées entre les habitants. Pour cela, il faut favoriser la mixité sociale en combattant les idées reçues. A Bouguenais, nous agissons au niveau de l’habitat, en tentant de mélanger logements sociaux et accession à la propriété, par exemple.

Enfin, une autre conséquence de ces difficultés est le problème de l’emploi et de la précarisation. Il est de notre ressort de maintenir les services publics qui sont sous la responsabilité de la commune.

Pour maintenir son cadre de vie agréable, la commune a mis l’accent depuis longtemps sur l’offre d’une multitude de services à la population, que ce soit pour la petite enfance et la jeunesse en général ou les personnes âgées. La politique menée vise à permettre l’accès pour tous aux services de base. La mairie tente de rendre la culture et les loisirs accessibles à tous en mettant notamment en place le système du quotient familial qui tient compte des ressources de la famille. La privatisation des services signifierait la remise en cause des services de base, donc de la cohésion sociale, dans la mesure où elle marginaliserait une partie de la population incapable financièrement de subvenir à ses besoins les plus essentiels (eau, énergies, éducation, transports). Les services à la personne doivent rester du ressort du domaine public (ou mixte). Il en va aussi de la préservation de la démocratie.

Selon vous, comment la coopération décentralisée et le dialogue bi-régional entre l’Union Européenne et l’Amérique latine-Caraïbes peuvent (ou pourraient) concourir à la résolution des problèmes que vous avez mentionnés ?

La coopération est pour moi synonyme de lutte mais aussi d’équilibre pour plus de justice sociale au niveau de la commune. Pour parvenir à une cohérence, il est aussi nécessaire de lutter au niveau international. Notre coopération avec l’Allemagne en 1987 signifiait et signifie toujours une Europe solidaire vis-à-vis des pays du Sud. Nos partenariats sont animés de cette même volonté politique d’appui au développement. Tous nos projets sont axés sur l’éducation, notamment la lutte contre l’analphabétisme, qui est un vecteur de cohésion sociale et qui est l’un de nos axes forts. Ces projets permettent le travail avec tous les partenaires socio-institutionnels, que ce soit l’association, les pouvoirs publics en général ou les citoyens. Dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté, ces coopérations représentent une ouverture aux problèmes que rencontrent les autres pays et permettent ainsi de « relativiser » les situations que l’on rencontre chez soi pour se forger un esprit critique. L’échange d’expériences est quant à lui très enrichissant. Si je ne devais citer qu’un exemple, ce serait celui des actions d’éducation populaire menées par CESESMA (Centro de Servicios Educativos en Salud y Medio Ambiente) auprès des jeunes au Nicaragua. Il serait d’intéressant de voir quelles méthodes adoptent les animateurs nicaraguayens, quelles ouvertures ces projets pourraient nous apporter. Nous pourrions nous appuyer sur l’expérience de cette association pour lutter contre l’exclusion de certains jeunes, ici à Bouguenais.

Sur la question de l’immigration, nous n’avons pas beaucoup de populations immigrées sur notre territoire. Néanmoins, nous pouvons compter sur les expériences menées par d’autres collectivités ; expériences qui pourraient apporter des solutions en favorisant une meilleure connaissance des origines de chacun, ce qui permettrait de « reconnaître ces personnes dans ce qu’elles sont, avec leurs racines ».

Dans les collectivités où existe une présence forte de population immigrée c’est aussi souvent l’opportunité pour celles-ci d’appuyer des projets de développement initiés par les ressortissants de pays d’origine. Cela peut être en même temps, un moyen de lutter contre l’exclusion de cette population. Il n’en reste pas moins que les graves problèmes sociaux qui existent dans les banlieues des grandes villes et qui touchent particulièrement les jeunes français issus de l’immigration rejoignent ce que j’ai développé plus haut, à savoir le manque de mixité sociale, des services publics de base quasiment inexistants, qui conduisent nécessairement au sentiment d’exclusion et favorisent la ghettoïsation.

 

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