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Quelles alternatives pour les musulmans à la mondialisation néo-libérale ?

Une fiche de lecture de l’ouvrage : La mondialisation – Résistances musulmanes de Tariq Ramadan

Author : Tariq Ramadan

By Stefanie Widmer

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Tariq Ramadan

Tariq Ramadan (né en 1962) a fait ses études à l’Université de Genève puis au Caire. Doyen au Collège de Genève, il a fondé et présidé l’association pour la promotion de la « pédagogie de la solidarité ». Il est professeur d’islamologie au Classic Department de l’Université de Notre Dame (USA, Indiana) et professeur au Kroc Institute (Religion, conflits et Promotion de la Paix). Il est également professeur d’islamologie et Senior Research Fellow à l’université d’Oxford (St Antony’s College) et à la Lokahi Foundation (Londres). Enfin, il préside l’organisation (groupe de réflexion et d’action) European Muslim Network (EMN) à Bruxelles.

La mondialisation – Résistances musulmanes, Tariq Ramadan, Éditions Tawhid, 2003.

La mondialisation est liée à l’économie néo-libérale. Pour comprendre l’ordre mondial, il faut analyser les institutions qui dictent les règles du jeu : l’OMC (Organisation mondiale du commerce), le FMI (Fonds monétaire international), la Banque Mondiale, quelques multinationales au pouvoir immense ainsi que les banques et les marchés financiers.

Certains penseurs musulmans considèrent que la pensée islamique est incompatible avec la logique du système néo-libéral. La situation est paradoxale. En effet, il n’existe pas aujourd’hui de modèle économique islamique spécifique. Le monde musulman a-t-il les moyens de proposer une alternative ?

Les pays qui possédaient il y a trente ans les moyens de créer cette alternative ont choisi à l’époque de se lancer dans la course pour « gagner plus et plus vite ». Dans les années soixante-dix, le monde islamique a produit des institutions économiques cohérentes avec le système global. Les pays exportateurs de pétrole disposent alors d’immenses sommes d’argent qu’ils doivent investir. Au même moment, les pays du Sud ont besoin de devises, notamment pour acheter du pétrole. Une situation d’équilibre aurait pu s’instaurer : les surplus des premiers auraient pu être prêtés aux seconds. Mais cela n’a pas été le cas, et les banques occidentales ont joué le rôle d’intermédiaire. Les pays en développement sont ainsi entrés dans le cycle de l’endettement.

Les pays membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) auraient pu aider les pays du Sud s’ils avaient été pour eux des fournisseurs d’énergie mais aussi de capitaux. Si la loi islamique avait été respectée, les emprunteurs auraient pu obtenir des taux d’intérêts inférieurs.

Cet exemple montre que l’Occident n’est pas l’unique responsable du malaise actuel du monde musulman. Or, les pays musulmans pourraient gérer la mondialisation en accord avec les préconisations de l’islam, afin de créer un monde plus juste. Les régulations économiques dictées par les institutions internationales et les multinationales sont très critiquables. Mais on ne peut se contenter du discours de déresponsabilisation et de victimisation devenu dominant dans le monde musulman. Son immobilité et sa régression s’expliquent aussi par cette attitude défensive.

Aucun pays du monde arabe n’est parvenu à une prospérité comparable à celles des pays occidentaux. Aussi la majorité des musulmans éprouvent-ils un sentiment d’infériorité qu’ils essaient de justifier par leur altérité. Ce comportement les empêche de renouer avec la dimension universelle des principes fondamentaux de l’islam, qui permettrait d’établir des ponts avec les autres civilisations, cultures, religions ou philosophies, et de mettre en avant les valeurs fondamentales communes, dans le respect des différences.

Il est indispensable que les musulmans reconnaissent que l’Occident n’est ni monolithique ni diabolique. Ce qui n’empêche en rien, au contraire, de rester critiques sur les stratégies imposées par le Nord.

Les musulmans qui vivent dans les pays occidentaux ont un rôle-clef à jouer. Ils doivent nouer des partenariats avec ceux qui, en Occident, appellent à changer le monde.

Il est important que le monde arabo-musulman s’intéresse aussi aux situations internationales qui ne le concernent pas directement. Il faudrait élaborer une vision globale et identifier les partenaires potentiels. Les mouvements internationaux citoyens récents exigent des réformes qui sont, pour la plupart, en total accord avec l’éthique musulmane. Il faut chercher à mieux se connaître, à se comprendre et à dégager des domaines d’actions communs. Les intellectuels, les chercheurs, les théologiens et les hommes de terrain (travailleurs sociaux, spécialistes du développement ou responsables d’ONG) ont besoin de se rapprocher pour affronter ensemble la misère et l’exploitation.

« Ces dominations sont sans états d’âme et oppressent et tuent quotidiennement des enfants, des femmes, des hommes sous une terreur et avec une violence inouïs (…) ».

Tout en restant polémique, Tariq Ramadan se démarque des discours politiquement corrects, ce qui donne un attrait et une puissance de persuasion importante à son ouvrage.

 

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