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Análisis

La découverte d’importants gisements de gaz naturel dans les années 1980 a placé le Pérou au rang de producteur moyen d’hydrocarbures en Amérique Latine. Après une période d’incertitude, liée à des conflits sociaux où des organisations autochtones et des ONG écologistes s’opposèrent ouvertement à l’exploitation de ces gisements, les trois présidents qui ont succédé au gouvernement autoritaire d’Alberto Fujimori, en 2000, ont multiplié les séries d’appels d’offres pour l’exploration et l’exploitation de nouveaux « blocs » pétrolifères. Le système actuel de gouvernance énergétique repose sur trois éléments structurants : l’afflux des investissements étrangers directs (IED) dans le secteur minier, l’existence d’infrastructures de transport pour le gaz naturel et le gaz liquide et la planification des relations avec les communautés locales.

L’article proposé ici, analyse ces trois éléments à partir d’une problématique plus générale : quel est le rôle des acteurs privés dans la gouvernance énergétique péruvienne ? L’hypothèse centrale est que ces acteurs jouent un rôle stratégique mais non hégémonique dans le développement du secteur des hydrocarbures au Pérou. En effet, si importante soit-elle, leur participation sous forme d’investissements et de technologies est soumise à des contraintes transnationales et locales, qui orientent de plus en plus leur gestion. Ainsi, ils doivent non seulement se plier au cadre régulateur imposé par l’État, mais aussi obéir à de nouvelles règles imposées par les organismes financiers internationaux, tels que la Banque Interaméricaine de Développement, et répondre aux demandes sociales exprimées par des acteurs locaux appuyés par des réseaux nationaux et transnationaux d’influence politique.

Dans une première partie, on rappellera les développements récents (depuis 2000) de la gouvernance énergétique au Pérou et des IED dans le secteur minier et des hydrocarbures. Ensuite on montrera comment ce nouveau modèle est devenu possible grâce à l’exploitation du plus important gisement de gaz découvert à ce jour, connu comme le « projet Camisea ». Finalement, on s’attachera à montrer comment évoluent les relations entre le secteur pétrolier et la communauté nationale, dans le sens d’une influence croissante des acteurs sociaux dans la gouvernance énergétique.

Contenido

Introduction

La découverte d’importants gisements de gaz naturel dans les années 1980 a placé le Pérou au rang de producteur moyen d’hydrocarbures en Amérique Latine. Après une période d’incertitude, liée à des conflits sociaux où des organisations autochtones et des ONG écologistes s’opposèrent ouvertement à l’exploitation de ces gisements, les trois présidents qui ont succédé au gouvernement autoritaire d’Alberto Fujimori, en 2000, ont multiplié les séries d’appels d’offres pour l’exploration et l’exploitation de nouveaux « blocs » pétrolifères. Le système actuel de gouvernance énergétique repose sur trois éléments structurants : l’afflux des investissements étrangers directs (IED) dans le secteur minier, l’existence d’infrastructures de transport pour le gaz naturel et le gaz liquide et la planification des relations avec les communautés locales.

L’article proposé ici, analyse ces trois éléments à partir d’une problématique plus générale : quel est le rôle des acteurs privés dans la gouvernance énergétique péruvienne ? L’hypothèse centrale est que ces acteurs jouent un rôle stratégique mais non hégémonique dans le développement du secteur des hydrocarbures au Pérou. En effet, si importante soit-elle, leur participation sous forme d’investissements et de technologies est soumise à des contraintes transnationales et locales, qui orientent de plus en plus leur gestion. Ainsi, ils doivent non seulement se plier au cadre régulateur imposé par l’État, mais aussi obéir à de nouvelles règles imposées par les organismes financiers internationaux, tels que la Banque Interaméricaine de Développement, et répondre aux demandes sociales exprimées par des acteurs locaux appuyés par des réseaux nationaux et transnationaux d’influence politique.

Dans une première partie, on rappellera les développements contemporains de la gouvernance énergétique au Pérou. On indiquera la tendance de la matrice énergétique du pays, en soulignant les aspects notables pour le développement durable. Ensuite on mentionnera pour mémoire les principales réformes légales qui sont intervenues depuis deux décennies. Enfin, on analysera l’évolution récente des investissements étrangers directs, en s’attardant plus particulièrement sur le secteur des hydrocarbures.

Dans une deuxième partie, on présentera les changements que représente le démarrage du projet de gaz Camisea pour la gouvernance énergétique péruvienne. On rappellera de manière succincte pourquoi ce projet a connu un report de près de 20 ans avant d’entrer en exploitation. On présentera ensuite les principaux aspects conflictuels qui lui furent associés jusqu’en 2000. Enfin, on s’intéressera au rôle particulier joué par la Banque Interaméricaine de Développement à partir de 2002.

Dans une troisième partie, on s’attachera à caractériser l’influence des acteurs sociaux dans la gouvernance énergétique. On présentera tout d’abord les principales innovations institutionnelles opérées avec le lancement du projet Camisea. On s’intéressera ensuite au rôle des réseaux et des acteurs locaux dans le suivi des impacts socio-environnementaux liés aux activités d’hydrocarbures. Finalement, on évoquera les premières retombées économiques et les problèmes que rencontrent encore les acteurs du développement au Pérou jusqu’à ce jour.

Evolution de la gouvernance énergétique au Pérou depuis 2000

Les chiffres clé de la gouvernance énergétique

Le Pérou est un producteur moyen d’énergie, à l’échelle de l’Amérique Latine et des Caraïbes1 Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, en 2006, sa production d’énergie primaire atteignait 13,53 millions de tonnes d’équivalent pétrole (TEP), soit 2,55% de la production régionale (AIE, 2008). Cette production repose principalement sur le pétrole brut (50,25%), les combustibles renouvelables et les déchets (17,46%), l’hydro-électricité (13,66%) et le gaz naturel (12,35%), le charbon et l’énergie solaire ou géothermique en représentant quelque 6,27%.

En dix ans, la part du pétrole et des combustibles renouvelables et déchets dans ce « mix énergétique » a baissé respectivement de 4 et 12 points de pourcentage, au profit du gaz (+7 points) et de l’hydro-électricité (+5,5 points). Cette évolution montre que le Pérou tend à développer la production d’énergie à partir de sources exerçant un effet moindre sur les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation.

De la même manière, ce pays est un consommateur moyen d’énergie finale à l’échelle de l’Amérique Latine et des Caraïbes. En 2006, la consommation nationale représentait 11,74 millions de TEP, soit 2,86% du total régional (AIE, 2008). Cette consommation se compose principalement de produits pétroliers (56,90%), de combustibles renouvelables et déchets (18,42%) et d’électricité (17,86 %), le charbon et le gaz ne représentant que 6,36% du total.

En 10 ans, la part des combustibles renouvelables et des déchets s’est réduite de plus de 14,4 points de pourcentage, surtout au profit de l’électricité (+7,7 points) et, dans une moindre mesure, des produits pétroliers et du charbon (+2 points chacun). Cette tendance indique notamment que la consommation d’énergie finale exerce une pression moindre sur les ressources forestières et la biomasse.

Le secteur des transports est le principal consommateur d’énergie finale, avec 3,9 millions de TEP en 2006, devant l’industrie (3,36 millions de TEP) et le secteur résidentiel (2,66 millions de TEP), le reste étant réparti entre l’agriculture et les services (1,82 millions de TEP). Les produits pétroliers représentent la quasi-totalité de la consommation d’énergie pour ce secteur, contre 45% de la consommation de l’industrie et 23,21% des autres secteurs.

Depuis 10 ans, la consommation de produits pétroliers augmente régulièrement dans le secteur des transports (de 3,34 millions à 3,90 millions de TEP) et, dans une moindre mesure, de l’industrie (où elle est passée de 1,25 million à 1,52 million de TEP). A cela s’ajoute l’utilisation du gaz naturel depuis 2005 (environ 250.000 TEP, puis 277.000 l’année suivante) dans ces deux secteurs. Cette tendance s’explique en particulier par l’augmentation du transport routier et, surtout, des véhicules personnels, tandis que l’exploitation du gisement gazier de Camisea n’affecte pas encore la consommation domestique.

Les principales réformes légales

La dérégulation du secteur des hydrocarbures commença en 1993, avec la Loi 26.221, qui permit l’accès des entreprises privées aux activités de raffinage et de commercialisation (downstream), tout en annonçant l’ouverture des activités d’exploration et d’exploitation (upstream) aux investissements étrangers. Entre 1992 et 1996, l’entreprise nationale Petroperú fut restructurée et l’État créa Perupetro. Tandis que la première perdait le monopole de ces activités et devenait une simple opératrice associée aux entreprises multinationales, la seconde fut chargée de promouvoir les appels d’offres pour de nouvelles licitations.

L’ouverture du secteur aux investissements étrangers directs s’accéléra en 2000, avec la Loi 27.377 dite d’actualisation de la Loi sur les Hydrocarbures, qui allongea les délais de la phase d’exploration. En 2002, la Loi 27.624 établit le remboursement de l’impôt général sur les ventes (IGV) aux entreprises réalisant des opérations d’exploration. Suivit une série de réformes visant à réduire le taux de royalties compris entre 15% et 35% à une fourchette de 5% à 20%, notamment pour inciter les entreprises multinationales à explorer les champs dits « marginaux ». (Campodónico, 2007 : 69.)

Dans le secteur du gaz, la principale réforme légale fut introduite dans la perspective de l’exploration et l’exploitation du lot 88, localisé dans le Bas Urubamba, en 2000. Cette réforme intervint peu après la signature du « Mémoire de politiques économiques et financières du Pérou 1999-2002 », entre le gouvernement d’Alberto Fujimori et le Fonds Monétaire International (FMI). Ce mémoire précéda de quelques mois l’intensification de la politique d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz dans le pays. Il annonça en particulier le lancement du « projet Camisea », avec la création de deux contrats distincts pour les activités d’upstream et downstream, en mai 1999 puis en février 2000.

En 2003, un décret suprême réforma l’obligation pour les entreprises responsables de l’exploitation du lot 88 de garantir l’approvisionnement du marché interne pour une période de 20 ans. Cette décision fut ratifiée par la Loi 28.552 de 2005, qui ne faisait mention d’aucune période minimale d’approvisionnement. Enfin, en 2005, le contrat d’exploitation fut modifié pour autoriser l’exportation du gaz de Camisea. (Campodónico, idem.)

Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, d’importantes réformes légales furent entreprises dans le domaine de l’environnement et de la protection des droits de l’homme. En 1997, la Loi 28.611 dite « Loi générale de l’environnement » dérogea et remplaça le « Code de l’environnement et des ressources naturelles », pour réguler l’utilisation des ressources naturelles renouvelables et non-renouvelables (notamment minières). La même année furent promulguée la Loi organique pour l’utilisation durable des ressources naturelles, qui introduisit le concept de zonification écologique et économique, et la Loi des espaces naturels protégés, qui établit trois classes d’aires selon leur administration (nationales, régionales et privées).

Dès 2001, la Loi 27.446 dite « Loi du système national d’évaluation d’impact environnemental » introduisit l’obligation de présenter une étude d’impact détaillée, en préalable à tout type d’activité extractive. D’autre part, le règlement à la Loi des aires protégées établit que les activités d’hydrocarbures étaient soumises à des procédures spécifiques incluant la coordination entre le ministère de l’énergie et des mines et l’institut national des ressources naturelles (ce dernier ayant à charge, notamment, la définition des termes de référence pour les études d’impact).

En 2006, un décret suprême dérogea et remplaça le Règlement pour la protection environnementale des activités d’hydrocarbures, précisant en particulier les normes pour l’élaboration des études d’impact. Un autre décret suprême approuva le « Texte unique de procédures administratives du Ministère de l’Énergie et des Mines », qui consigne les obligations pour l’approbation de ces études.

Finalement, en 2008, fut approuvé le Règlement de participation citoyenne pour la réalisation des activités énergétiques.

L’importance des investissements étrangers directs

Selon la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), les flux d’investissements étrangers directs (IED) vers le Pérou ont atteint 5,34 milliards de dollars (USD) en 2007, soit 5,21% du total régional et 36,68% des IED reçus par les pays andins2 (CEPAL, 2007 : 78). Le Pérou est ainsi le deuxième récepteur andin d’IED, derrière la Colombie, qui capte quelque 9,02 milliards de dollars.

Entre 1998 et 2007, ces flux annuels ont triplé, alors qu’ils n’augmentaient que de 30% pour l’ensemble de l’Amérique Latine et des Caraïbes. La part du Pérou dans les IED reçus par les pays andins est ainsi passée de 15% à 34%, contre 57% pour la Colombie. Cette évolution s’est effectuée pour l’essentiel au détriment du Venezuela, qui représentait quelque 44% de la sous-région en 1998 mais produit des flux négatifs depuis 2006.

Les stocks d’IED au Pérou, qui atteignaient 24,74 milliards de dollars en 2007, sont d’origines géographiques diverses. De fait, l’ensemble des IED provenant d’Amérique Latine ne dépasse pas 16% des stocks. C’est beaucoup moins que les investissements espagnols (qui en représentent 28%) ou états-uniens (19%), mais un peu plus que les investissements sud-africains (9%). Enfin, l’énergie et le secteur minier captent respectivement 10% et 20% de ces stocks d’IED, face à 18% pour l’industrie, 16% pour la finance et 23% pour les communications. (OCDE, 2008 : 16.)

L’afflux d’investissements étrangers dans le secteur énergétique s’explique en partie par les réformes de privatisation lancées dans les années 1990. Ces réformes ont créé des conditions attractives pour la prise de participation dans le capital des entreprises nationales par les multinationales. Cependant, cette évolution s’est surtout accélérée depuis 2003, avec la multiplication des contrats privés pour l’exploration et l’exploitation de pétrole et gaz naturel, d’une part, ainsi qu’avec le développement des investissements privés dans le traitement et le transport de gaz, d’autre part.

Entre 1994 et 1999, c’est-à-dire entre la privatisation de Petroperú et le lancement du projet Camisea, quelque 34 contrats avaient été signés pour l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures, sur une aire totale de 14 millions d’hectares. Or, pour la seule période 2005-2007, Perupetro signa quelque 31 contrats du même genre (UNCTAD, 2007 : 57). En novembre 2008, plus de 50 sociétés multinationales – provenant d’Amérique du Nord et du Sud, d’Asie, d’Afrique et d’Europe – se partageaient 19 contrats d’exploitation et 61 contrats d’exploration au Pérou3. (Cf. Carte 1.)

On peut y voir un effet de la politique du gouvernement d’Alan García, mais il faut aussi prendre en compte le décollage de la production nationale de gaz, depuis l’inauguration du gazoduc de Malvinas à Lima, en août 2004.

Carte 1 : Cadastre pétrolifère du Pérou

Source : Ministère de l’Énergie et des Mines du Pérou (01/2009).

Les effets d’entraînement du projet Camisea sur la gouvernance énergétique

Le projet de gaz Camisea

L’importance du gisement de gaz de Camisea – 8,1 billions de pieds cube4, soit plus des deux tiers des réserves prouvées de gaz du pays, fin 2006 – fut connue dès le début des années 1980. Mais avant d’entrer dans sa phase d’exploitation, le « projet Camisea » dut attendre près de 20 ans. Deux types de problèmes expliquent ce délai : d’une part le conflit qui opposa l’entreprise Shell, alors opératrice du lot 88 et le premier gouvernement d’Alan García puis celui d’Alberto Fujimori ; de l’autre, les conflits sociaux qu’il généra entre l’État et les organisations écologistes et indigénistes.

La découverte des gisements de gaz dans la région ouvrit une première phase de négociations entre Shell et le gouvernement d’Alan García. Faute de parvenir à un accord sur la modalité contractuelle, Shell abandonna cependant le projet en quittant le pays, en 1988. Ce n’est qu’en 1996, que le gouvernement d’Alberto Fujimori le relança, en accordant une licence de 40 ans à un consortium formé par Shell et Mobil. Cependant, Shell y renonça une nouvelle fois en 1998, à cause d’un nouveau différend avec le gouvernement sur le prix du gaz destiné à l’électricité, le droit d’exportation vers le Brésil et l’intégration verticale interdite par la loi anti-trust péruvienne. Ainsi, l’entreprise néerlandaise perdit définitivement les quelque 400 millions de dollars qu’elle avait investis durant la phase d’exploration, depuis 1981. (Wise, 2007 : 317-318.)

Ce n’est qu’en 2000, dans le contexte d’agitation politique qui précéda la chute d’Alberto Fujimori (survenue en novembre 2000), que furent signés les deux contrats qui annonçaient l’entrée en phase de production du projet. En février, un premier contrat confia pour 40 ans l’exploitation du gaz naturel et des liquides associés à un consortium privé, dirigé par Pluspetrol Perú Corporation S.A. (Argentine) et intégré par Hunt Oil (États-Unis), SK Corporation (Corée du Sud) et Tecpetrol del Perú (filiale de Techint, Argentine). En octobre, un second contrat confia pour 33 ans le transport du gaz naturel et des liquides de gaz entre Camisea et Lima, ainsi que la distribution du gaz à Lima et Callao au consortium privé TGP (Transportadora de Gas Peruana S.A.), intégré par Tecgas N.V. (filiale de Techint), Pluspetrol, Hunt Oil, SK Corporation, Sonatrach (Algérie) et Graña y Montero.

Les conflits environnementaux

Les conflits environnementaux, liés à l’exploitation du pétrole en Amazonie péruvienne, se concentraient surtout dans les départements de Loreto, Amazonas et Madre de Dios. Mais la perspective du « projet Camisea » et les impacts socio-écologiques que celui-ci pourrait occasionner, ne laissèrent pas d’inquiéter les mouvements indigène et écologiste.

Confrontée à l’opposition de mouvements comparables au Nigéria (avec les Ogoni) et en Mer du Nord (avec Greenpeace), Shell dut faire face à l’opposition croissante d’ONG internationales telles que Oxfam América, Friends of the Earth et Amazon Watch, ainsi qu’à la principale organisation indigène du pays, l’AIDESEP (Asociación interétnica de desarrollo de la selva peruana). Le premier contact de Shell avec les communautés de la vallée de l’Urubamba s’était, il est vrai, avéré fatal pour les indigènes isolés, causant une épidémie de grippe mortelle. Cette tragédie déclencha d’ailleurs une campagne de protestations, qui conduisit en particulier à la création de la réserve territoriale kugapakori et nahua (RTKN), en 1990.

Jusqu’à la première rupture, en 1988, les négociations menées entre l’entreprise et le gouvernement péruvien n’associèrent que marginalement les acteurs locaux et les organisations non-gouvernementales. Ces derniers réclamaient pourtant un accès à l’information contenue dans les études d’impact et le plan de gestion environnementaux. Les plus radicaux, qui organisèrent une campagne internationale de lobbying visant les investisseurs privés, obtinrent le retrait d’Exim Bank du projet Camisea, en août 2003. Les plus pragmatiques négocièrent avec l’État le droit d’être associés aux bénéfices et de donner leur avis pour réduire les effets potentiellement négatifs du projet.

Dans un deuxième temps, tant le gouvernement que l’entreprise s’ouvrirent davantage à ce secteur. La stratégie d’action sociale de Shell se basait alors sur la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et prétendait faire du projet Camisea un cas exemplaire de consultation auprès des communautés autochtones et des organisations écologistes. Tandis que l’État renforçait, sous la pression des acteurs sociaux, la législation environnementale et la protection des droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne les activités hydrocarbures et l’administration des territoires indigènes, l’entreprise mettait en avant de nouvelles procédures de contrôle de l’environnement et de restriction des contacts avec les populations locales.

Durant cette période, on voit s’opérer une division des tâches entre les ONG nationales et internationales, les organisations indigènes et les pouvoirs locaux. Peu à peu s’impose une logique de négociation, entraînée par les secteurs les plus pragmatiques de la société civile.

Du côté des organisations indigènes, la CONAP (Confederación de nacionalidades amazónicas del Perú) s’efforce de négocier avec l’État et les entreprises des contreparties financières et sociales pour les communautés de l’aire d’influence directe du projet Camisea. Elle relaie au niveau national les organisations locales telles que la CECONAMA (Central de comunidades nativas matsiguenka “Juan Santos Atahualpa”) et la FECONAYY (Federación de comunidades nativas yine yane). A l’occasion, elle appuie les communautés affiliées à l’organisation rivale, AIDESEP, et regroupées au niveau local au sein du COMARU (Consejo Matsiguenka del río Urubamba).

Du côté des organisations écologistes, la SPDA (Sociedad peruana de derecho ambiental) joue un double rôle d’expert et de facilitateur des discussions. Cette ONG anime un groupe de la société civile qui s’efforce d’exercer une influence politique sur la planification du projet Camisea, notamment à travers le dialogue avec la Banque Interaméricaine de Développement. Tandis que d’autres ONG plus activistes font vainement pression pour annuler le projet, ce groupe assume une position de « partenaire rival » avec le gouvernement et les entreprises.

De fait, c’est surtout après la signature des contrats, en 2000, que ce conflit prit une tournure plus constructive, avec rôle actif de la Banque Interaméricaine du Développement (BID).

Le rôle de la Banque Interaméricaine de Développement

Depuis 1998, le programme ESMAP (Energy Sector Management Assistance Program) de la Banque Mondiale recommandait aux agences multilatérales de s’impliquer dans le suivi du projet Camisea (Wise, Op. Cit. : 325). La BID s’y intéressait déjà particulièrement et accorda un prêt conditionné de 5 millions de dollars en 2002 pour compléter la légalisation des terres situées autour des champs de gaz de Camisea et financer un programme d’ingénierie institutionnelle, sur lequel nous reviendrons plus tard.

En 2004, la Banque accorda un nouveau prêt de 75 millions de dollars pour 14 ans au consortium associé aux activités de downstream, sous deux conditions. D’une part, elle créa une responsabilité partagée entre les deux consortia, pour la gestion de l’environnement et la responsabilité sociale. D’autre part, elle sollicita la création d’un fonds de placement pour le développement, dénommé « Fonds Camisea », alimenté par 7,5% des royalties générées par le projet de gaz. Ce fonds ne vit pas le jour sous sa modalité initiale, mais en décembre 2004, le Congrès en reprit l’idée à travers la Loi 28.451, créant le Fonds de développement socio-économique de Camisea (FOCAM). La principale différence, avec l’idée originale défendue par la BID, est que le FOCAM serait administré par le gouvernement et non par une institution financière indépendante.

En outre, l’implication des communautés indigènes dans le projet Camisea était notamment cohérente avec les principes exposés par la BID, dans sa « Stratégie pour le Développement Indigène5. C’est la raison pour laquelle, au-delà de ces deux prêts conditionnels, le rôle de la BID s’affirma à travers une participation constante dans les grandes phases de la négociation entre le gouvernement péruvien, les entreprises et la société civile. La Banque devint à la fois la cible du lobbying des ONG et la médiatrice des tensions entre les différents ministères impliqués dans le projet Camisea. Elle veillait aussi à la mise en place de réformes institutionnelles et à la participation des communautés locales dans les processus de dialogue, ainsi que le suivi des opérations des deux consortia sur le plan environnemental et social.

L’influence croissante des acteurs sociaux dans la gouvernance

Les innovations institutionnelles

Pour que les intérêts de la société péruvienne dans son ensemble soient pris en compte par le secteur des hydrocarbures, il fallait procéder à une série de réformes, dont le projet Camisea n’a marqué que le début.

Parmi les innovations institutionnelles opérées après la signature des contrats, en 2000, pour l’exploitation du gaz de Camisea, la première fut la création du GTCI (Groupe technique de coopération interinstitutionnelle) et de la Défense de Camisea, en 2002. Le premier, qui fonctionne sous l’égide du Ministère de l’Énergie et des Mines, a pour mission de coordonner l’action de 12 institutions publiques6. C’est notamment cette plate-forme qui organisa la consultation préalable auprès des acteurs locaux et diffusa l’information nécessaire au sujet du projet. Entre 2002 et 2006, il organisa ainsi plus d’une centaine de réunions décentralisées, dans toute la zone d’influence du projet Camisea. Il met également tous les documents techniques produits par les entreprises et l’État – notamment les études d’impact environnemental, les rapports d’expertise et les projets d’investissements – sur un site web d’accès libre7.

La Défense de Camisea est pour sa part chargée de résoudre les conflits liés à ce projet et de reporter les abus ou manquements dans l’exécution des opérations, que ce soit dans les activités de l’upstream ou du downstream. Cette mission fut confiée au centre de résolution des conflits de l’Université Catholique du Pérou. Malgré la vocation éminemment fonctionnaliste de cet instrument, il constitue une innovation intéressante pour la prévention de conflits liés au projet et a permis de traiter de nombreuses demandes d’ordre social ou plaintes liées à l’environnement, avant que les effets pervers des activités d’hydrocarbures prennent une tournure dramatique et ne génèrent des conflits plus durs.

Enfin, une troisième innovation institutionnelle liée au projet Camisea vint compléter ces instruments : le programme de suivi environnemental communautaire (PMAC), qui associe jusqu’à ce jour, les communautés avec les équipes techniques des opérateurs. Fortement encouragé par la BID, ce programme a, certes, connu des débuts difficiles liés au fait qu’il était financé par l’entreprise Pluspetrol. D’aucuns soupçonnaient en effet que l’entreprise puisse altérer les résultats des expertises ou restreindre l’accès aux zones d’activités, de sorte que le PMAC se serait converti en une sorte de mécanisme de validation a priori du plan de gestion environnementale et sociale du lot 88.

Or il n’en est rien, puisque les techniciens formés par l’ONG responsable de sa coordination, Pro Naturaleza, se recrutent au sein de toutes les communautés affectées par le projet et ont gagné en légitimité au fil des années. Le PMAC a produit de nombreuses études socio-environnementales qui vinrent compléter les instruments plus classiques, tels que les études d’impact ou les rapports de suivi et de contrôle élaborés par des entreprises spécialisées en gestion de l’environnement. Il a d’ailleurs été étendu à d’autres lots d’exploration et d’exploitation de gaz, ce qui démontre, a fortiori la crédibilité de ses méthodes.

Le rôle des réseaux et des acteurs locaux

Certes, les risques d’accident causés par les activités d’hydrocarbures ne sauraient être réduits à zéro. Mais c’est sur ce point que les réseaux d’influence politique ont un rôle clé à jouer, tant pour en limiter la portée en exerçant une vigilance constante sur les sites d’exploitation et de transport, que pour en informer l’opinion publique et obliger les parties prenantes à en assumer les responsabilités. Durant la phase qui précéda le lancement du projet Camisea, des réseaux se sont formés autour des deux organisations indigènes AIDESEP et CONAP, des ONG nationales, comme la SPDA, ou locales, comme le CIPA (Centro de investigación y promoción de la Amazonía), ou encore des organisations internationales, telles qu’Oxfam América. Ces réseaux ont permis aux acteurs locaux d’avoir accès à une information jusqu’alors d’accès restreint, voire de débattre avec l’État et les entreprises grâce à des rapports indépendants.

Ainsi, en avril 2002, une ancienne responsable de WWF-Bolivie, Patricia Caffrey, remit un rapport dans lequel elle formulait des réserves sur la rigueur des normes environnementales et sociales utilisées dans l’étude d’impact pour le projet Camisea. Un an plus tard, un ex conseiller pour l’environnement auprès de la Banque Mondial, Robert Goodland, suggéra de réaliser une évaluation indépendante avant de procéder au financement public du projet. C’est d’ailleurs de cet expert que vint l’idée de créer un fonds de placement pour la conservation de la biodiversité et l’amélioration de la qualité de vie des populations locales. Après la publication par la BID d’un rapport sur les impacts socio-environnementaux du projet Camisea, le groupe coordonné par la SPDA demanda et obtint le report de la décision de la Banque, sous prétexte d’un complément d’information.

Cette profusion d’expertises, dont on ne livre ici que quelques exemples, indique que la relation entre les acteurs sociaux, les entreprises d’hydrocarbures et l’État suivent une évolution positive pour la gouvernance. Il reste que, les communautés indigènes doivent à présent faire face à des risques sociaux particulièrement préoccupants, auxquels les réseaux d’incidence politique ne peuvent pas grand-chose. Il s’agit, notamment, de la pénétration de la colonisation agraire, qui pourrait trouver un vecteur à travers la construction d’une voie carrossable appelée des vœux d’une partie de la population d’Echarate. A cet égard, les communautés, les organisations sociales ni les ONG ne sont parvenues à un consensus, pour ou contre ce projet d’aménagement du territoire déjà envisagé de longue date par les pouvoirs locaux. Mais dans l’immédiat, c’est surtout la menace du changement social accéléré, qui plane sur les autochtones, et les effets pervers associés au développement non-contrôlé : consumérisme dépendant du marché, alcoolisme et désarticulation familiale, etc.

Face à ces enjeux, le seul acteur susceptible d’apporter des solutions viables à court terme est le Comité de gestion pour le développement durable du Bas Urubamba (CGBU). Ce dernier rassemble actuellement les membres de 22 communautés autochtones, 6 établissements de colons, 3 organisations professionnelles, 2 ONG et 5 organismes gouvernementaux. Il est présidé en alternance par les 3 organisations indigènes de base, mentionnées plus haut : COMARU, CECONAMA et FECONAYY. Dans son plan stratégique pour la période 2001-2005, on trouve déjà trace de ces préoccupations, à travers les quatre programmes qui structurent son action : renforcement du comité et des organisations de base, promotion de la production et de la gestion des ressources naturelles, infrastructures et amélioration des services sociaux. Ces axes structurent à leur tour le plan de développement régional pour la période 2002-2006, pour un budget prévisionnel estimé à 8,16 millions de dollars.

Les résultats économiques et les problèmes liés au développement

Les revenus fiscaux du Pérou, causés par le secteur des hydrocarbures avaient commencé à s’accroître de façon significative en 2003. Entre 2000 et 2006, ils sont passés de 35 millions à 296 millions de dollars, représentant actuellement 5 à 7% des revenus de l’État. On peut comparer ces revenus avec ceux du secteur minier, qui ont augmenté de 70 millions à 1,8 milliards de dollars au cours de la même période. (UNCTAD, Op. Cit. : 137.)

A cela s’ajoutent les royalties, qui connaissent une forte augmentation depuis l’entrée en activité des lots adjacents au lot 88. Pour le seul district de Echarate, qui rassemble environ 18.000 habitants et abrite les principaux gisements de gaz du complexe Camisea, la participation à la rente en 2007 s’est élevée à 121 millions de soles (44 millions de dollars) (Propuesta Ciudadana, 2008). La loi dite du « Canon de gaz » stipule que 30% de ces revenus doivent être consacrés au financement de projets productifs des communautés de la zone d’extraction du gaz. Or la capacité de dépense de ces revenus se heurte à deux types de problèmes.

D’une part, la définition des limites de la zone d’extraction dépend de la municipalité d’Echarate, ce qui peut conduire à marginaliser les communautés locales au moment de planifier les dépenses publiques financées à ce titre. D’autre part, la capacité de dépense de ces communautés demeure limitée par des facteurs culturels et techniques. En effet, jusqu’à l’irruption de l’industrie des hydrocarbures dans cette région, elles vivaient relativement en marge de l’économie de marché, voire de l’économie monétisée. En outre, elles manquent de personnels qualifiés et d’experts en développement, ce qui limite leur capacité de propositions au profit des acteurs exogènes et des fonctionnaires des pouvoirs locaux.

Conclusion

Inaugurée dans les années 1990, l’ouverture du secteur des hydrocarbures aux investissements directs étrangers, s’est prolongée dans la décennie suivante, lorsque le gouvernement péruvien a lancé l’exploitation des gisements de gaz de la région amazonienne. Pour un producteur moyen de pétrole et de gaz, tel que le Pérou, ces réformes étaient indispensables pour financer des grands travaux d’exploration et la construction d’infrastructures de transport et de raffinage. Elles ont notamment permis à ce pays de renverser la tendance à la dépendance externe, grâce à l’exploitation du gisements de gaz naturel de Camisea.

Toutefois, la libéralisation du secteur et les risques environnementaux générés par ce mégaprojet se sont accompagnés de conflits sociaux dont la résolution impliquait des changements structurels dans le système de gouvernance énergétique. Ces changements sont intervenus au lendemain de la chute du gouvernement autoritaire d’Alberto Fujimori, dans le contexte de l’exploitation des gisements de gaz naturel de Camisea. Dans ce processus, la Banque Interaméricaine du Développement a joué un rôle déterminant, en répondant à diverses mécanismes d’incidence politique mis en branle par les acteurs sociaux, en particulier les organisations écologistes et indigénistes.

Bibliographie

  • AIE (Agence Internationale de l’Énergie) (1998-2008), Energy Balances of Non-OECD Countries. Paris: OECD-IEA, 490 p.

  • Campodónico Humberto (2007 b), “Gestión mixta y privada en la industria de hidrocarburos”. Serie “Recursos Naturales e Infraestructura”, 122. Santiago: CEPAL.

  • CEPAL (Comisión Económica para América Latina y el Caribe) (2008), La inversión extranjera en América Latina y el Caribe 2007. Santiago: Naciones Unidas, 352 p.

  • OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Économique) (2008), OECD Investment Policy Reviews: Peru. Paris: OECD, 77 p.

  • Propuesta Ciudadana, 2008, “Vigilancia de las industrias extractivas”, 13, 17 p. Lima: Grupo Propuesta Ciudadana.

  • UNCTAD (United Nations Conference on Trade and Development) (2007), World Investment Report: Transnational Corporations, Extractive Industries and Development. New York-Geneva: United Nations 290 p.

  • Wise Carol (2006), “Peru”, in: S. Weintraub, A. Hester, V. R. Prado (Ed.) (2006), Energy Cooperation in the Western Hemisphere : Benefits and Impediments. Washington D.C.: Center for Strategic and International Studies, 302-335.

Notas de pie de página

1: Les statistiques varient sensiblement selon les sources. Ainsi, en 2005, la production de pétrole aurait atteint 27,54 millions de barils selon l’Organisation Latino Américaine de l’Énergie (OLADE, 2006), 40,51 millions de barils selon British Petroleum (BP, 2008) et 69,89 millions de barils selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE, 2008). Par souci de cohésion, dans la présente note de synthèse, nous citerons de préférence les données de l’AIE, publiées dans l’annuaire statistique énergétique des pays non-membres de l’OCDE.

2: Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie.

3: Ministère de l’Énergie et des Mines (2008), “Relación de contratos de explotación y exploración vigentes al 05.11.2008”. Disponible [février 2009] à l’url: www.minem.gob.pe/archivos/dgh/publicaciones/directorio_contratistas.pdf

4: A cette époque, les réserves prouvées de gaz natural s’élevaient à 11,82 billions de pieds cube (1012 p3). Cf. Ministerio de Energía y Minas (2007), “Capítulo 3. Reservas”, in : Anuario estadístico de hidrocarburos 2007. Disponible [02/2009] à l’url : www.minem.gob.pe/hidrocarburos/pub_anuario_2007.asp Sur les réserves prouvées de Camisea, Cf. Ministerio de Energía y Minas (2007), “Capítulo 6. Miscelaneo”, in: Anuario estadístico de hidrocarburos 2001. Disponible [02/2009] à l’url: www.minem.gob.pe/archivos/dgh/publicaciones/anuario2001/capitulo_6.pdf

5: Ce document de politique proclame l’engagement de la Banque afin de : “[…] Fortalecer la gobernabilidad económica de los pueblos indígenas en términos del manejo de recursos públicos y del manejo administrativo y técnico de empresas y emprendimientos indígenas en forma transparente, incluyendo reinversión y distribución de las utilidades de esas actividades, así como el monitoreo y la sostenibilidad de estos proyectos […] Promover y fortalecer la capacidad institucional de los pueblos indígenas (particularmente sus organizaciones propias con base comunitaria), estados y otros actores relevantes para responder a las demandas indígenas, con énfasis en potenciar las capacidades locales e indígenas de planificación, gestión y articulación así como en buscar apoyo externo adicional (ONG, fundaciones, empresas privadas, otros grupos indígenas y otros) cuando sean necesarios y socioculturalmente pertinentes […] Fortalecer la capacidad de los pueblos indígenas para el diálogo y la negociación con los Estados, empresas privadas y otros intermediarios (ONG, agentes financieros y otros). Para estos efectos, es necesario fortalecer la capacidad de los pueblos indígenas para planificar su propio desarrollo y diseñar, presentar y ejecutar proyectos.” (BID, 2006 b: 37.)

6: En 2008, ces institutions étaient : l’Organisme superviseur des investissements pour l’énergie et les mines (OSINERMIN), de la Commission nationale des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (CONAPA), du Conseil national de l’environnement (CONAM), de la Défense du peuple, de l’Institut national du développement (INADE), de la direction générale de capitaineries et garde-côtes de la Marine (DICAPI), de l’Institut national de culture (INC), ainsi que des Ministère de l’Agriculture, de la Santé et des Transports.

7: www.gtci-camisea.com.pe/

 

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