English Français Español

Entretien

La bonne gouvernance au Maroc : l’action du PNUD

Un entretien avec Myrième Zniber-Sefrioui

Par Zineb Gaouane, Madeleine Elie

Table des matières

Myrième Zniber-Serfioui est conseillère au Programme Gouvernance et Développement humain du bureau du PNUD au Maroc.

Q-Quelles sont les activités du PNUD au Maroc et dans le Maghreb ?

Le PNUD est présent dans 166 pays en développement. Au Maghreb, outre les représentations nationales, il existe un bureau régional pour les Etats arabes qui fait pendant à ceux des autres grandes régions : Amérique latine, Europe, Asie et Afrique. Le PNUD dispose également de centres d’expertise régionaux (au Liban, en Egypte, etc.) et de réseaux spécialisés sur différentes questions d’actualité : la gouvernance, l’environ-nement, la pauvreté, etc.

Là où il est présent, le PNUD mène un programme de coopération avec l’Etat, dans son acception large : les gouvernements bien entendu, mais également le Parlement, la Cour des comptes, la Cour suprême, etc.

Le programme du PNUD en faveur de la gouvernance au Maroc a démarré à la fin des années 90. La gouvernance était à l’époque une notion nouvelle qui a été difficile à expliquer et à faire accepter.

Nous avons opté pour un programme-cadre incluant toutes les institutions démocratiques souhaitant travailler avec nous : le Parlement, la Cour des comptes, la Cour suprême – qui nous a demandé par la suite de l’accompagner dans sa profonde réforme – le ministère des Affaires étrangères et celui de la Planification. Nous avons également participé à la réforme de l’administration publique et accompagné l’Etat marocain dans l’élaboration d’un programme national de gouvernance.

Ce dernier programme n’a pas eu le succès escompté, bien que nous soyons parvenus à réunir les principaux partenaires autour d’une table ronde ministérielle.

En revanche, les autres programmes ont bien avancé. Nous avons ainsi soutenu une réforme structurelle de fond de la Chambre des Représentants, aujour-d’hui aboutie. Dans sa seconde phase, le programme sensibilise les députés aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Il s’agit d’aider la Chambre des représentants à mieux contrôler l’action du gouvernement en matière d’atteinte des OMD d’ici 2015.

La seconde phase de ce programme concerne les liens avec les programmes d’appui à la gouvernance locale et au développement décentralisé. L’objectif est que les débats entre les députés sur certaines questions essentielles comme l’éducation ou la santé, se tiennent aussi à l’échelle locale. Les députés seraient ainsi amenés à retourner dans leur région débattre avec leurs électeurs, au lieu de ne le faire qu’à la Chambre, entre parlementaires. Ce programme est évidemment très difficile à concrétiser.

En revanche, les programmes d’informatisation fonctionnent très bien : par exemple, la création de sites web ou la réalisation d’un schéma directeur d’informatisation font avancer les efforts d’amélioration de la gouvernance à pas de géant. Cela contraint les institutions à la transparence, à l’ouverture vers l’extérieur et à une plus grande efficacité.

Le programme de réforme de la Cour des comptes a également obtenu de bons résultats. La première phase a permis de renforcer les compétences des magistrats. Il les a formés à un audit de gestion et non plus de contrôle, les a préparés à la création des cours des comptes régionales dans le cadre de la décentralisation et enfin au contrôle des budgets des collectivités locales.

Les principales difficultés sont liées aux mutations des cadres. Les responsables changeant régulièrement, nous devons continuer à assurer une communication permanente auprès de ces structures. Nous avons ainsi dû faire preuve d’une communication opiniâtre pour convaincre la Cour d’adopter un schéma directeur d’informatisation. Ils en sont maintenant enchantés. Ils vont notamment pouvoir travailler en réseau avec les cours des comptes régionales.

Un autre progrès important a été accompli sur le fonctionnement démocratique de la Cour des Comptes. Son rapport annuel, autrefois présenté uniquement au Roi, est désormais publié au Bulletin officiel. Cela paraît marginal, mais il s’agit en réalité un pas énorme dans l’amélioration de la gouvernance participative. La publication de ces chiffres produit en effet un impact énorme.

Nous intervenons surtout pour renforcer les compétences, informatiser et favoriser l’ouverture sur l’extérieur : l’utilisation d’autres expériences nationales dans les domaines concernés (les best practices, françaises, chinoises, latino-américaines, etc.) servent d’exemples à suivre ou à ne pas reproduire pour les organisations en cours de réforme.

Q-Comment se déroule la sensibilisation des députés aux OMD ?

Nous organisons des séminaires nationaux pour lesquels nous faisons appel à un expert et nous ciblons un public spécifique : les femmes parlementaires par exemple, ou bien la Commission du développement social, etc Ces séminaires nationaux sont complétés par des ateliers-débat organisés à l’échelle locale avec les députés.

Q-Les autorités font-elles appel à vous en fonction de leurs besoins ?

Le PNUD répond à un mandat et se base sur les priorités nationales. Au Maroc ces priorités sont l’INDH (l’Initiative nationale pour le développement humain), lancée par le roi en 2005 et autour de laquelle se sont regroupés un grand nombre de ministères et de bailleurs de fonds. Cette initiative décentralisée, de proximité, tournée vers les communes les plus pauvres, correspond tout à fait à notre démarche. Sur cette base, nous avons spécifié un projet à réaliser.

Q-Le PNUD disposant d’un budget modeste, c’est une autre organisation qui finance la réforme ?

Exactement. Par exemple, la Cour suprême a engagé, un programme de près de 5 millions de dollars pour mener à bien une réforme de fond. Le PNUD a versé 200 000 dollars et le reste a été pris en charge par la Cour. Le PNUD dispose d’un budget extrêmement restreint, aussi sommes-nous fiers que les nationaux s’approprient réellement les projets qu’ils financent et qu’ils réalisent eux-mêmes, avec notre soutien.

Q-Comment s’articulent entre eux les programmes des différentes organisations travaillant sur la gouvernance au Maroc : le PNUD, la Banque mondiale et l’Union Européenne notamment ?

Ils ne s’articulent pas beaucoup à vrai dire. Le programme multidonateurs de gouvernance, le GOLD, mobilise de nombreux partenaires, et nous espérons obtenir la collaboration de l’Union européenne. Le GOLD est devenu la clef de voûte des activités du PNUD sur la gouvernance au Maroc.

Q-Comment se répartissent les postes occupés par des cadres nationaux et internationaux au PNUD au Maroc ?

Le représentant résident du PNUD, qui est le coordonnateur du système des Nations Unies dans le pays, et son adjoint, qui assure la fonction de « directeur du PNUD » sont des cadres internationaux. Tous les autres postes sont occupés par des cadres nationaux.

Dans certains pays, le poste d’adjoint est aussi occupé par un cadre national.

Q-Constatez-vous une évolution de la politique de recrutement de cadres nationaux au PNUD ?

Le mandat du PNUD est de renforcer les compétences nationales. Il est donc normal, qu’à tous les niveaux, il fasse appel aux ressources humaines du pays.

Ce recours prioritaire aux compétences nationales devient une tendance générale. Les programmes de coopération mobilisaient autrefois de nombreux experts techniques internationaux permanents. Avec le temps, l’existence de ressources humaines nationales disposant des compétences requises a permis de diminuer considérablement le recours à une assistance technique étrangère.

Pour le programme GOLD, nous avons néanmoins fait appel à un expert international, spécialisé dans ce type de programme (il a mené avec succès un programme de ce type à Cuba).

 

Voir Aussi