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Analyse

La définition socio-politique du ’barrio’ urbain

Diagnostic sur la réhabilitation des quartiers défavorisés - le cas du Vénézuéla- Fiche DPH rédigée pour le site : www.rinoceros.org

Par Lydia Nicollet

Une tentative de définition socio-politique du « barrio » est un préalable pour comprendre les politiques publiques telles qu’elles sont définies et appliquées dans ce contexte urbain particulier.

Fiche rédigée à partir d’une note de HURTADO SALAZAR, Samuel, Inst. de Recherches Economiques et Sociales, Univ. centrale du Venezuela, 1991.

Table des matières

L’objet de la réhabilitation des « barrios » est accompagné d’une idéologie qui tend à une vision dualiste divisant la société en deux groupes : les exclus et les personnes intégrées participant à la construction de la société.

La notion de « barrio » non seulement évoque l’exclusion, la ségrégation, la détérioration, le non accepté et non acceptable, mais en plus s’oppose à celle d’urbanisation, de société urbaine.

Il existe en fait toute une théorie sociale qui définit à priori le barrio, à partir de laquelle se fonde l’action politique en matière de développement urbain et dont dépend le comportement de la société et des habitants des quartiers défavorisés. Il est important de connaître ces mécanismes de pensée et d’action pour enfin pouvoir réhabiliter les barrios avec méthodologie.

  • Très souvent, le terme barrio est assimilé à celui de village (ou de « zone populaire », sans doute parce qu’il est formé, à l’origine, de ruraux. Mais ces notions font tout de suite référence à une classe sociale pauvre et à partir de là s’installe une relation stratégique entre l’Etat, les agents sociaux et les populations des barrios. De leur côté, les habitants considèrent ces quartiers comme les limites de l’espace qui leur revient dans une zone urbaine; et l’Etat et les institutions sociales considèrent le barrio comme un lieu idéal pour y étendre leur domination sur la société. En fait, le barrio représente un espace stratégique social où tous les acteurs d’une société sont présents : l’individu, la famille, le groupe de quartier, l’Etat et les institutions sociales. Mais ces relations « tactiques » sont essentiellement dues à la tendance générale de la classe dominante à imposer l’idée que les barrios constituent une unité homogène où la dynamique et les processus solidaires restent internes.

  • Les politiques étatiques s’orientent vers le système populiste qui caractérise les processus de modernisation et d’urbanisation latino-américain. L’Etat accorde au peuple les ressources de la redistribution sociale dans l’objectif de le démobiliser dans sa lutte contre les grands problèmes de la société et contre l’Etat lui-même; et le barrio urbain, un des lieux stratégiques de la surpolitisation, est étouffé par l’intervention de l’Etat de sorte que la marge d’action des habitants est très limitée. En somme, la dynamique sociale des quartiers défavorisés ne dépend pas seulement de la structure socio-économique, mais aussi et surtout des politiques de l’Etat qui, du fait du chômage et du manque de productivité de ces barrios, ne manque pas de raisons pour imposer son intervention.

  • L’intervention de l’Etat dans les barrios n’a pas lieu au niveau du marché mais des redistributions de services publics. Elle ne se répercute pas sur le dynamisme économique, instaure en fait un système de réciprocité. En somme, l’Etat traite le secteur populaire urbain presque à l’égal d’un secteur public, de sorte que chacun a des devoirs et obligations envers l’autre : l’Etat a le devoir de satisfaire les revendications des habitants, lesquels doivent, sous la pression de l’Etat, se mobiliser et s’organiser de leur côté pour recevoir cette aide. En même temps, l’Etat institutionalise le mouvement populaire pour que celui-ci participe à des programmes sociaux, lesquels ne sont jamais en continuité avec les programmes des gouvernements précédents. Les ressources accordées par l’Etat prennent la forme de dons ou de cadeaux en réponse aux pétitions, et le système de réciprocité est préservé. Les secteurs populaires doivent accepter leurs conditions de vie, les logements précaires, que l’Etat considère, ou plutôt présente comme une zone urbaine; mais dans la réalité ce dernier ne reconnaît pas ces quartiers comme véritablement urbains et donc planifiés, car il s’octroie le droit de déloger les personnes et par là même n’assume pas la logique des prestations sociales. Finalement, le barrio reste totalement dépendant de l’Etat.

La représentativité des organisations populaires est donc établie au sein de l’Etat, qui contrôle les acteurs des barrios et la structure des organisations et utilise en sa faveur le système de redistributions sociales qu’il a mis en place; il filtre tout le collectif public et par conséquent tout le marché privé ou public interne au barrio pour l’orienter à son avantage. Il règne donc une véritable hétérogénéité interne dans tous les domaines : économique, idéologique, politique, culturel,…

Sur le plan socio-politique, l’unique stratégie possible pour que l’articulation société-Etat soit un succès aux yeux du gouvernement réside dans l’organisation partidiste. Ainsi, si l’Assemblée de Voisins veut obtenir une donation de l’Etat, elle doit passer par le Comité Politique du barrio. De la même manière, si le Comité aspire à une aide des institutions sociales ou de l’Etat, il va inventer une Assemblée de Voisins afin de canaliser la représentativité du quartier et rendre effective une intervention « partisane »; cette Assemblée aura donc le rôle contradictoire de voiler la véritable représentativité des habitants des barrios.

Il faut bien comprendre que le barrio est hétérogène dans son fonctionnement interne - les intérêts de chacun sont différents- et dans ses relations avec l’extérieur - où les intérêts d’ordre social, économique ou politique se mélangent indistinctement. En d’autres termes, le barrio ne correspond pas simplement à une forme de logement, avec ses rues, murs et escaliers; c’est, plus qu’un simple quartier urbain, une société à part entière, la preuve en est que les institutions y sont des acteurs sociaux par excellence; pour bien comprendre comment se structure cette organisation populaire, il est important de s’imprégner des relations symboliques et morales des institutions comme la famille, l’amitié et le voisinage.

En conclusion, il est nécessaire, pour assumer la réhabilitation des barrios, de bien déchiffrer et de gérer à contre-courant l’idéologie préconçue sur les barrios que les classes dominantes ont instaurée. Ce nouveau mode de pensée est indispensable pour qu’enfin cesse d’exister cette « honte des barrios » et pour que l’Etat, plutôt que de s’obstiner à vouloir les cacher, s’en occupe plus activement. En outre, cette surpolitisation sociale, qui définit presque à elle seule les relations Etat-barrio, doit disparaître pour laisser place à une nouvelle structure économique et sociale, à des relations de redistribution et de réciprocité d’un autre ordre, mais aussi à un changement culturel. Cette société doit se débarasser de cette idéologie populiste qu’elle a intériorisé et qui est nourrie, depuis le début, par l’Etat; c’est à travers une nouvelle structure sociale que les habitant des barrios pourront mettre en place une société civile pour enfin réhabiliter idéologiquement et politiquement leur environnement proche.

 

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