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Participation de la population dans la politique de logement
Autogestion et autoproduction. Article issu du site www.rinoceros.org
August 1994L’exemple d’un projet d’Institut du logement dans l’Etat du Falcon au Venezuela permet une réflexion plus large sur le partage des initiatives et des responsabilités en la matière dans un contexte urbain particulier, celui des barrios.
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Nous sommes dans l’Etat du Falcon, au Venezuela : La région est confrontée à de graves problèmes de logement liés à une croissance anarchique des grandes villes. Les terrains, publics ou privés, sont régulièrement envahis par les populations rurales émigrées qui ne possèdent rien. De là naissent les quartiers défavorisés ou « barrios », sans aucun cadastre, dépourvus des services de base.
Pourquoi cette situation ? La croissance de la population, mais aussi le manque d’imagination des organismes publics pour affronter ces problèmes, car ce n’est pas en construisant de nouveaux barrios similaires aux précédents que le problème de logement sera résolu; cen’est pas seulement la quantité qui fait défaut, mais c’est aussi et surtout la qualité de l’habitat, et sur ce point, l’Etat devrait s’efforcer de traiter le problème à sa racine plutôt que de mettre en place des programmes ponctuels chers et inefficaces.
Le projet actuel est à l’origine du Gouverneur de l’Etat, dont la première démarche a été de mettre en place l’Institut du Logement de l’Etat de Falcon. Cet Institut ne sera pas un simple exécutant de la politique sociale en matière de logements, mais sa fonction sera de coordonner, de planifier et de promouvoir une solution pour le problème de l’habitat, avec une méthode plus globale et intégrale que les services publiques n’ont pu le faire jusqu’à présent.
La méthodologie du travail se base sur la participation des habitants par l’autogestion et l’autoconstruction et sur la formation d’une équipe multidisciplinaire intégrant tous les acteurs concernés par le projet : les représentants de l’Etat - l’Institut de Logement-, les Municipalités, les Institutions financières, les Communautés organisées et les habitants des barrios, qu’ils bénéficicent ou non du travail.
Le projet, très structuré, incombe à chacun un rôle précis :
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L’Institut de Logement de l’Etat de Falcon coordonne tout le système et apporte des ressources financières (budget régional et autres sources). Il a l’obligation de distribuer les ressources dans les institutions financières, d’établir les conditions d’action et les priorités, d’approuver ou non les demandes, d’assurer l’assistance technique, d’affecter les matériaux de construction et de contrôler le travail.
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Les Municipalités font le lien entre les communautés organisées et l’Institution de Logement. Elles ont l’obligation de réaliser des études sur la propriété des te rrains urbanisables selon le plan local, de mettre en vente les parcelles aux personnes déja propriétaires d’une maison ou de celles qui en pojettent la construction, de faire des recommandations à l’Institut et de consacrer 5% de son budget à ce projet.
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Les Institutions financières reçoivent les fonds versés par les Institutions de l’Etat et peuvent ainsi faire des investissements stratégiques et rentables. Ils ont l’obligation de produire des intérêts, de récupérer les crédits à long terme et d’assurer des fonds de garantie.
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Les communautés organisées font le lien entre les Municipalités, les Institutions et les bénéficiaires du projet; elles contrôlent les actions à entreprendre dans leurs quartiers. Elles ont pour rôle de recenser au sein du barrio les différents besoins, de contrôler l’exécution des programmes prévus et la participation des bénéficiaires aux constructions et enfin de transmettre les enquêtes socio-économiques à l’Institut.
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Les bénéficiaires sont dans cette action les acteurs les plus importants puisqu’ils sont les plus directement concernés par le projet de logement. Ils ont l’obligation de participer, avec leur noyau familial, aux formations et à la construction de leur habitat et de celui des autres, d’apporter des ressources dans les cas d’autogestion, de payer leurs prêts dans les délais et de contribuer à la construction des services communaux.
Pour qu’un tel projet fonctionne, il est indispensable que chaque acteur y trouve son compte, et il semble que ce défi soit tout à fait surmontable tant pour les entités publiques que pour les habitants des barrios, car les avantages sont nombreux : amélioration de la qualité de l’habitat; meilleure application des ressources et fluidité de la comptabilité; relations plus saines entre les différents intervenants; amélioration qualitative et quantitative de la politique de logement et de l’action de chacun des participants à ce travail; abaissement du coût de production de l’habitat; obtention de ressources de la part d’instituts financiers et des Municipalités; réinvestissement du capital de l’Institut Régional; acquisition d’une formation professionnelle pour les habitants des barrios; enfin, emplacement définitif des maisons.
La remise en question de la politique de l’Etat en matière de logement est un thème d’actualité qui aboutit souvent aux mêmes critiques : la ponctualité de projets mal fondés et non suivis, dont les objectifs sont plus de maquiller les problèmes que de les traiter dans leur profondeur. Egalement, le manque de concertation et de coordination entre les acteurs politiques et les populations des quartiers défavorisés - pourtant les personnes les plus à-même d’orienter efficacement les démarches- caractérise les actions gouvernementales. Or ce projet, semble-t-il, arrive à dépasser l’« urgence politique » en proposant un travail structuré, solide, fondé sur la coopération et impliquant sans exception tous les acteurs liés au problème de logement, depuis les habitants jusqu’aux hommes politiques. C’est bien là le point fort : arriver à converger vers les mêmes intérêts et à établir un débat qui traite du même thème, avec des objectifs semblables.
Il faut espérer que ce projet, encore en phase expérimentale, prenne réellement forme mais qu’aussi sa description, qui provient de l’administration de l’Etat de Falcon ne soit trop subjective, cachant une réalité qui, finalement, donne peu la parole aux habitants des barrios.