Chapitre d’ouvrage
La gestion des biens communs, enjeu majeur de la gouvernance mondiale: nucléaire, casques bleus et batailles de l’eau/Quels modes de gestion pour une ressource naturelle particulière, l’eau?
Par Lola Galán, Yi Wang, Franck Galland
Ouvrage(s) : Chroniques de la gouvernance 2007
Table des matières
Nulle vie sans eau : c’est sur ce critère que les physiciens et les biologistes évaluent la capacité d’une planète à abriter de « petits hommes verts ». Indispensable à toute activité humaine, l’eau est une ressource vitale. Dans le même temps, l’eau est peut-être aussi la chose du monde la moins bien partagée entre les hommes : si la Chine représente plus de 20 % de la population mondiale, elle ne dispose que de 7 % des ressources en eau, qui plus est inégalement réparties entre le nord et le sud du pays. Pour bien des populations, le stress hydrique est la règle, compromettant le développement durable : une personne sur quatre reste privée d’eau potable. Mais n’est-ce pas dans ce paradoxe que réside l’une des caractéristiques des biens collectifs, à la fois rares et indispensables? Le propre de ces biens, n’est-il pas de créer une situation d’interdépendance pour ainsi dire vitale entre ceux qui le possèdent en abondance et ceux qui en sont dépourvus, appelant à une gestion collective respectueuse des besoins élémentaires de chacun ? Voilà qui n’est pas sans rappeler une définition classique de la gouvernance. Pourtant, une analyse même superficielle des faits nous montre que l’émergence de mécanismes de gestion collective se fait largement attendre : les égoïsmes restent la règle. Dans bien des cas, l’interdépendance est synonyme de domination : ne parle-t-on pas d’une géopolitique de l’eau, comme si l’or bleu était une ressource exclusive, une arme stratégique ? Cet état de faits ne doit pas nous interdire de penser : l’accès à l’eau reste un droit. Sa gestion est affaire de citoyenneté, de civisme et de civilité : elle pose la question du « vivre ensemble aujourd’hui et demain », et ne saurait être pensée sans l’existence d’une « chose publique », quelle qu’en soit l’échelle, universelle, nationale, ou locale. L’eau n’est peut-être pas la chose du monde la mieux partagée : c’est le cas de la Raison. Comment dès lors organiser la responsabilité collective de la gestion de cette ressource indispensable ?