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Chapitre d’ouvrage

Former à la gouvernance : un défi interculturel et interdisciplinaire

Par Claire Launay-Gama, Michel Sauquet, Juliette Decoster

Ouvrage(s) : Chroniques de la gouvernance 2009-2010

Mot-clés :

Table des matières

Peut-on « enseigner » la gouvernance ? L’art de mettre les acteurs de la sphère publique – dans toute leur diversité – en situation de dialogue et de co-construction des régulations est-il affaire de formation, ou affaire d’expérience et de sensibilité politique ?

Tout dépend de ce que l’on entend par formation : transmission d’une culture théorique ou échange d’expériences ? Exercice conceptuel ou analyse de témoignages ? Formation initiale ou formation permanente ?

Dans tous les cas, le type de formation reçue pèse lourdement parmi les éléments explicatifs des modes de faire et de raisonner des « responsables des affaires publiques », au sens très large que l’on peut donner à cette dernière expression : responsables administratifs et politiques, cadres associatifs et syndicaux, leaders divers de la société civile, cadres d’entreprise en prise avec les questions territoriales ou internationales, etc. , c’est à dire tous ceux qui, aujourd’hui, ont à voir avec cet art de la gouvernance qui requiert leur participation à la prise de décision publique. Inévitablement, tous sont conditionnés très durablement non seulement par leur expérience de vie et par les structures sociales dans lesquels ils ont fait leurs premiers pas – par cet habitus au sens que lui donne Pierre Bourdieu – mais aussi par les dispositifs d’enseignement par lesquels ils sont passés. Le type de gouvernance est donc étroitement lié, d’un pays à l’autre, au type de formation initiale reçue par ses protagonistes, et aussi aux opportunités de formation permanente en cours de carrière et de confrontation de pratiques qu’ils ont pu avoir et qu’ils entretiennent au-delà de cette formation initiale.

Car le monde change beaucoup plus vite que les structures mentales. S’agissant des hommes politiques, Michel Rocard observait un jour qu’ils n’ont plus guère le temps de réfléchir et fonctionnent avec des systèmes de pensée qui ont été ceux de leur formation initiale, laquelle remonte souvent à plus de 25 ans. On pourrait dire la même chose sans doute de bien des cadres d’entreprise ou leaders de la société civile qui, même confrontés à l’évolution de la société et par elle ballotée, y adaptent davantage leurs pratiques à court terme que leurs réflexes mentaux et leurs méthodes de travail.

L’action publique a elle-même évolué plus vite que la formation de ses acteurs. Elle n’est plus du domaine réservé de l’État ni des fonctionnaires mais appartient désormais à un ensemble d’acteurs plus vaste et à leurs institutions. La formation des « professionnels de l’action publique » doit non seulement prendre en compte l’expérience et le savoir-faire de ces derniers mais également tenir compte des réalités en matière de gestion publique. Un rapport de la Commission Judiciaire de l’Assemblée Constituante qui s’est réunie en 2006 en Bolivie mentionne par exemple que 60% des conflits sont traités par la justice communautaire andine quand seulement 40% sont résolus par la justice étatique. Cela en dit long sur la nécessaire prise en compte d’autres modes de gestion publique.