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Introduction - Parcours international de propositions et de débat sur la gouvernance / Perspectives d’Afrique centrale

Libro : Parcours international de propositions et de débat sur la gouvernance

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La question de la légitimité est fondamentale pour un État. C’est elle qui lui permet d’être reconnu par sa population, qui adhère et se soumet alors volontairement à son autorité et accepte la régulation sociale qu’il produit. Mais les ressorts de cette légitimité sont complexes. De multiples sources de légitimité du pouvoir sont en jeu et interagissent de manière spécifique selon les contextes.

Pour essayer de comprendre cette complexité, il convient de repartir des sociétés et de leurs contextes, au sein desquels existe une diversité de régulations (religieuse, traditionnelle, économique etc.). Dans leur vie quotidienne, les acteurs (individus, organisations de la société civile, entreprises etc.) s’inscrivent dans ces régulations en fonction de leurs intérêts matériels et symboliques. Ils sont ainsi traversés par une pluralité d’appartenances qui influencent leur conception du monde et du vivre-ensemble, et qui orientent leur rapport au pouvoir et aux institutions publiques.

La légitimation de l’État passe par une mobilisation de ces multiples appartenances. Elle ne repose donc pas sur un unique pilier mais émane au contraire d’une diversité de sources portées par les acteurs de la société. La prise en compte de ces différentes sources permet à l’État de produire une régulation sociale partagée et acceptée par un large spectre d’acteurs. Elle est une condition essentielle de l’efficacité et de la légitimité des politiques publiques.

C’est pour mieux comprendre, concrètement, cette diversité de sources de légitimité, leurs interactions et leur rapport à l’État dans des contextes variés, que l’IRG a initié un projet de rencontres pluri-acteurs : Le Parcours de débat et de propositions sur la gouvernance.

Le Parcours

Coordonné par l’IRG et soutenu par le ministère français des Affaires étrangères et la Fondation Charles-Léopold Mayer, le Parcours de débat et de propositions sur la gouvernance a pour objectif d’aller interroger les sources de légitimité du pouvoir dans les différentes régions du monde afin de mieux comprendre la particularité des contextes dans lesquels elles s’inscrivent.

Les différentes étapes du Parcours ont fait ressortir la diversité des situations. Ainsi, lors du colloque de Bamako, la « tradition » et la « modernité » sont apparues comme deux sources importantes de légitimité, en tension l’une avec l’autre. En Afrique australe, à Polokwane et Pretoria, c’est la constitution qui est ressortie comme étant un pilier fort de la légitimité de l’État. En Afrique de l’Est, la rencontre d’Arusha a mis en lumière le poids de l’enjeu sécuritaire dans la légitimation du pouvoir. En Amérique andine, la légitimité des États de la zone se construit désormais en intégrant les communautés indigènes dans leurs particularités. Dans cette logique, l’enjeu de la rencontre de Yaoundé était d’analyser les sources de légitimité à l’œuvre dans la sous-région d’Afrique centrale.

Rencontre de Yaoundé

À l’image des précédentes étapes du Parcours, le colloque de Yaoundé a été pensé comme un espace de dialogue à quatre dimensions. Premièrement, une dimension interculturelle car une réflexion, fût-elle menée sur une région particulière, doit s’enrichir d’un croisement des imaginaires et des représentations. Deuxièmement, un débat sur la gouvernance implique une participation de l’ensemble des parties prenantes (pouvoirs publics, société civile, secteur privé) : la dimension pluri-acteurs est donc primordiale. Troisièmement, la question de la légitimité du pouvoir se trouve au carrefour des champs sociaux, économiques, politiques, culturels, anthropologiques, ou encore juridiques, et requiert donc une dimension interdisciplinaire afin de développer une perspective d’analyse plus large. Enfin, la légitimité du pouvoir ne peut être pensée à une seule échelle territoriale et les débats se devaient donc de prendre en compte les différents niveaux de gouvernance — leurs relations, interactions et articulations.

En accord avec cette méthodologie à quatre dimensions, la rencontre de Yaoundé a réuni une grande diversité d’acteurs les 22, 23 et 24 novembre 2010 : responsables politiques et administratifs nationaux ou internationaux, chercheurs, chefs coutumiers, responsables religieux, syndicats, ONG etc. Ces personnes étaient issues de quatre pays d’Afrique centrale (Cameroun, Gabon, République démocratique du Congo et Tchad), mais aussi d’Afrique de l’Ouest (Mali et Sénégal), d’Afrique australe (Afrique du Sud), d’Europe (Allemagne et France) et du continent américain (Colombie et États-Unis).

La rencontre s’est déroulée sur trois jours, selon la même logique que les rencontres précédentes. Les débats ont ainsi été organisés autour de trois axes de questionnement : (i) l’identification et l’analyse des différentes sources de légitimité du pouvoir à l’œuvre dans la région (par exemple : la légalité, la normativité internationale, la tradition, ou encore la religion) ; (ii) l’analyse de la nature des interactions entre ces différentes sources de légitimité. Ces interactions se font-elles sur le registre de la cohabitation, de l’ajustement, de la substitution, de l’instrumentalisation ou de la confrontation ? La gestion de la question foncière a servi de cas d’étude pour comprendre et illustrer de manière concrète comment ces différentes sources de légitimité étaient mobilisées et interagissaient dans le cadre d’un enjeu précis ; (iii) l’analyse des processus constitutionnels et de la manière dont ils prennent, ou non, en compte la pluralité des sources de légitimité. Dans quelle mesure les constitutions contribuent-elles à la construction d’une régulation sociale partagée et inclusive, base d’un véritable contrat social ?

Les points clefs du débat

Parmi la pluralité de sources de légitimité du pouvoir qui prévaut en Afrique centrale, quatre ont été mises en avant par les participants de la rencontre de Yaoundé et seront développées dans la première partie de ces actes : le religieux, la tradition, l’ethnicité et la reconnaissance internationale.

La seconde partie traitera des interactions entre sources de légitimité à travers le cas concret de la gestion des conflits fonciers dans la sous-préfecture du district d’Efoulan au Cameroun. La visite de terrain organisée sur cette question a permis d’illustrer et de mettre en avant le « syncrétisme juridique inopérant » — entre religions, traditions et droit étatique — souligné par les participants lors des débats.

Enfin, la troisième partie de ces actes s’intéressera à la constitution et au constitutionnalisme. Au fil des rencontres, la constitution s’est révélée être un objet particulier en termes de légitimité puisqu’elle est à la fois une source de légitimité mais aussi la traduction juridique d’une régulation politique et sociale, et donc de l’intégration plus ou moins inclusive de différentes sources de légitimité. En d’autres termes, la constitution est la base légale sur laquelle l’État construit son fonctionnement et son action publique mais aussi le reflet d’un projet de vivre-ensemble, d’un contrat social. Les échanges lors de la rencontre de Yaoundé ont notamment souligné l’importance que la constitution soit plus inclusive de la diversité d’une société.