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Capítulos

Se parler, se faire entendre, dialoguer: les nouveaux espaces de la communication entre les citoyens et les institutions/ Bruxelles et le citoyen: une communication laborieuse

Por Pierre Calame

Libro : Chroniques de la gouvernance 2007

Contenido

Comme a pu l’affirmer le Premier ministre britannique Clement Attlee, la « démocratie, ça veut dire gouvernement par la discussion, mais ça n’est efficace que si vous pouvez empêcher le peuple de parler ». Étrange conception d’un mode de gouvernement fondé sur les notions de débat et de souveraineté populaire, qui ne pourrait fonctionner qu’en présence d’un peuple de muets. Est-ce cette conception de la démocratie qu’ont rejeté les électeurs français et néerlandais quand, en repoussant le projet de constitution, ils ont plongé les institutions européennes dans une crise sans précédent ? Dans les commentaires de ces résultats on a vu ressortir le mythe de l’« élection tumultuaire » : les électeurs français et néerlandais auraient voté de façon impulsive, sacrifiant la construction européenne sur l’autel de considérations nationales. Pourtant, on peut se demander si d’autres « non » ne seraient pas sortis des urnes, si l’on avait soumis le projet de constitution à l’approbation populaire dans d’autres pays. Là où la ratification s’est faite par voie parlementaire, le « oui » a toujours été assuré : à une élite bruxellisée, bien informée des enjeux européens, semble s’opposer une large population qui, sans être forcément eurosceptique, se pose des questions sans trouver les réponses. On peut en effet se demander si cette défiance du citoyen ne portait pas la marque du fossé qui s’est creusé au fil des ans entre les institutions européennes et la réalité d’une citoyenneté européenne instaurée par le traité de Maastricht, mais jamais réellement vécue : les citoyens ont peut-être voté en fonction de considérations nationales, mais pouvaient-ils faire autrement, en l’absence d’un véritable espace public européen ? Le Livre blanc de la Commission pour une politique de communication de l’Union européenne, publié en février 2006, est au cœur de cette rubrique : il exprime toute la difficulté de communiquer pour des institutions trop longtemps restées sourdes. Il pose néanmoins d’intéressantes questions relatives aux conditions d’une citoyenneté effectivement vécue par tous, qui soit de nature à dépasser la crise de la démocratie représentative moderne, sur le plan européen mais pas seulement.