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Le lobbying, fléau ou mutation de la démocratie ?

On peut dire sans exagérer que la question du lobbying constitue le point aveugle de la théorie de la démocratie. L’insuffisance de la réflexion académique en la matière témoigne d’un certain embarras que les universitaires ne sont pas les seuls à éprouver ; l’hésitation, ou plutôt l’oscillation permanente entre deux positions apparemment contradictoires mais dont chacune semble fondée, est visible aussi dans le traitement médiatique de cette question, ainsi que chez les hommes politiques et les citoyens eux-mêmes. D’un côté, chaque jour nous apporte une preuve supplémentaire de la persistance et de l’impact d’une certaine représentation collective : celle de la « démocratie confisquée », du souverain détourné par les « manipulateurs » et leurs mécanismes d’influence qui échappent au contrôle démocratique. De l’autre, chacun semble prêt à reconnaître que la présence accrue des groupes de lobbying témoigne d’une mutation qui ne se laisse pas réduire à une simple « déchéance » de la vie démocratique ; bien souvent, il s’agit de la multiplication de sources d’information et de surfaces de contact avec les plus concernés par les décisions à venir. Comment distinguer les lobbyistes de ceux qui font du « plaidoyer », par exemple, autrement que d’une façon très normative qui consisterait à dire que les seconds poursuivent des objectifs plus « nobles » que les premiers ? Et si l’on n’arrive pas établir une différence nette, faut-il en déduire que le problème ne se pose pas ? Ni l’un ni l’autre ne paraît entièrement convaincant. Nous sommes en présence d’une mutation de la gouvernance qui défie nos catégories de pensée traditionnelles ; à ce problème, le présent dossier ne prétend pas tant apporter une solution que de montrer sa complexité.