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CRISE DES MODÈLES DOMINANTS DE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE

By Pascal Delisle

Book : La gouvernance en révolution(s) - Chroniques de la gouvernance 2012

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La crise budgétaire, économique et politique en Europe et le « Printemps arabe », dans la diversité de ses causes et de ses manifestations, constituent assurément deux ruptures majeures en ce début de décennie. La première met en question le modèle de gouvernance européenne actuel, fruit de tant de compromis et d’hésitations au fil des années et des révisions successives des traités. Le « Printemps arabe » confirme, s’il en était besoin, l’existence des aspirations démocratiques et la vitalité des sociétés arabes, certes complexes et conflictuelles, mais en tout cas bien loin de l’inertie qui leur était prêtée par tant d’experts et commentateurs.

S’il est trop tôt pour savoir si les dynamiques créées par ces deux crises permettront d’y apporter des solutions durables, elles illustrent, en cette époque marquée par la multiplication des « indignations » citoyennes, sinon le retour du politique, du moins le besoin de refondation de nombreux arrangements politiques existants, y compris dans les sociétés démocratiques dites « avancées ».

Il ne s’agit pas du politique vu dans sa pure dimension formelle, électorale et institutionnelle, comme il a été rappelé dans l’édition précédente de cet ouvrage par Pierre Rosanvallon, mais bien du politique conçu comme mode d’appréhension collective de la complexité économique, technique et sociale des défis auxquels les sociétés sont confrontées, et comme instrument de leur résolution. Qu’il s’agisse de l’implosion de pays entiers sous les effets directs et indirects du trafic de drogue, des errements de la finance internationale, de l’essoufflement du processus européen ou du défi de la prise en compte du pluralisme normatif dans les processus constitutionnels et politiques, rares sont les réponses qui peuvent faire l’économie d’une redéfinition des règles du jeu collectif, d’une mise à plat des rôles respectifs des États, des acteurs collectifs non étatiques et des populations, et ce, aux différentes échelles géographiques concernées.

Cet ouvrage, quatrième de la série, propose un temps d’arrêt et d’analyse sur ces révolutions, révoltes et « transformations silencieuses » de la gouvernance. Il rend par ailleurs compte de l’engagement de l’IRG, avec ses partenaires, dans l’analyse de ces enjeux, pour mieux relever les défis attachés à une gouvernance qui respecte la pluralité des acteurs impliqués et de leurs cultures respectives.

La première partie de cet ouvrage donne aux acteurs de terrain, observateurs et chercheurs un espace de réflexion, de partage d’expériences et de propositions sur les transformations à l’œuvre dans le monde, sur les crises des modèles dominants de gouvernance démocratique et sur la difficulté des États à y faire face, au moment même où de nouveaux acteurs sociaux et les individus eux-mêmes, s’appuyant sur les nouvelles technologies, proposent des éléments de réponse face aux dysfonctionnements de nos sociétés.

La crise des modèles dominants de gouvernance démocratique y est présentée tout d’abord à la faveur de la crise budgétaire et économique en Europe, progressivement apparue comme crise de la gouvernance européenne. Face à cette crise, les solutions techniques, certes indispensables, doivent procéder d’une vision et bénéficier d’une légitimation politique actuellement insuffisantes, nous dit Daniel Cohn-Bendit. Il s’agit bien de créer cet espace public européen qui manque aujourd’hui et de construire la légitimité des réponses européennes face à des discours politiques nationaux périmés. Pierre Vimont, secrétaire exécutif du Service européen pour l’action extérieure, souligne

aussi à quel point la complexité du monde et de ses déséquilibres est un défi face auquel les dirigeants semblent souvent démunis, contribuant au sentiment d’angoisse et de désorientation des populations.

Si l’Europe, indépendamment des succès et difficultés de la gestion de l’existant, manque aujourd’hui de projet fédérateur, c’est à cette panne du projet européen qu’un nouveau débat public devrait s’attaquer.

Alors que l’Europe peine à se relancer, de la Turquie au monde arabe, en passant par la Chine et l’Amérique latine, nombreuses sont les transformations silencieuses ou les révoltes ouvertes qui changent la donne de la gouvernance au niveau mondial, au sein de chaque zone comme entre elles. Ahmet Insel, Georges Corm, Silvio Caccia Bava et

Qin Hui nous donnent leurs éclairages respectifs sur les causes et les conséquences probables de ces mutations : une Turquie renforcée, qui redéfinit sa relation à l’Europe et au monde en offrant sinon un modèle, du moins une inspiration aux régimes arabes post-dictatoriaux en tant que république laïque dirigée par un gouvernement s’inscrivant dans la mouvance non pas kémaliste, mais bien islamiste ; un monde arabe

qui, en dépit de sa grande diversité, trouve dans ce nouveau cycle de révolutions des éléments d’unité dans les mouvements de protestation « du Maroc jusqu’à Oman » ; une Amérique latine largement prospère et démocratique, ayant majoritairement tourné la page du néolibéralisme pendant la décennie précédente, au point que Silvio Caccia Bava y trouverait rétrospectivement les éléments d’un premier printemps, latino-américain, qui aurait précédé le printemps arabe ; une Chine, enfin, dont l’impact du « miracle » économique sur la scène politique internationale ne pourrait être sous-estimé, mais qui, dans le même temps, serait chaque jour plus profondément façonnée par ce même système international auquel elle appartient désormais.

Acteurs incontournables de la gouvernance, les États sont aujourd’hui dans une situation difficile : parfois impuissants face à des phénomènes demandant des réponses régionales ou globales, parfois affaiblis par des dynamiques internes de corruption ou d’inertie.

Susan George, William Bourdon, Jean-Marc de Boni et Catherine Gaudard offrent leurs analyses respectives de cette question dans le rapport des États à la finance. Pour Susan George, l’indignation face à la toute-puissance de la finance est le point de départ d’un renversement nécessaire de la tutelle entre finance et démocratie, renversement qui seul peut redonner sa légitimité au jeu démocratique et éviter que

les citoyens désorientés ne succombent aux sirènes politiques du populisme d’extrême droite. Pour William Bourdon, il s’agit avant tout, dans le monde arabe, de reconstruire un État de droit, un État légitime et démocratique garant de l’intérêt général, après trop d’exemples de confusion entre responsabilités publiques et intérêts privés, après trop de collusion entre « grands criminels de sang et ceux en col blanc ». Si les dynamiques endogènes aux pays arabes sont porteuses d’espoir à cet égard, il s’agit aussi de les soutenir à l’échelle internationale en faisant notamment en sorte que les biens mal acquis par les « prédateurs financiers » puissent être saisis à l’étranger, question sur laquelle l’évolution du droit international, et de la jurisprudence française récente en particulier, est désormais prometteuse. Jean-Marc de Boni souhaite, pour sa part, retisser le lien entre gouvernance de l’argent et citoyenneté en proposant, à l’image de la pratique de certains établissements financiers aujourd’hui minoritaires, que les banques cessent d’utiliser les fonds de leurs déposants pour des projets ou objectifs auxquels ces mêmes déposants s’opposeraient s’ils en avaient le pouvoir et s’ils en étaient informés ; il s’agit, en d’autres termes, de redéfinir et d’expliciter le contrat de gouvernance des fonds déposés, le rendement financier des placements cessant d’être le critère premier du contrat implicite entre déposants et dirigeants bancaires. Catherine Gaudard s’attaque, pour sa part, au quid pro quo de l’aide internationale au développement. Entre le discours quantitatif soulignant les engagements répétés – et en partie non tenus – des pays développés en faveur de l’aide au développement et la critique croissante de l’efficacité intrinsèque de cette même aide au développement, s’ouvre un espace d’analyse qualitative sur les conditions d’efficacité de l’aide au développement, notamment à la lumière des processus démocratiques endogènes sans lesquels l’aide extérieure risque de renforcer les travers économiques et sociaux préexistants.

Un autre défi attend l’État, même démocratique et potentiellement efficace sur son territoire, nous disent Michel Gandilhon et Jean-Philippe Ganascia : la capacité intrinsèque de l’État à faire face à certains défis sécuritaires dont nombre de paramètres sont en dehors de son champ de contrôle national. On pense bien sûr à l’économie de la drogue dont les moyens massifs, la capacité de corruption et de coercition réussissent à faire plier des États comme le Mexique. Son principal espoir, à l’instar de la Colombie vingt ans plus tôt, serait-il de déplacer le problème vers d’autres pays, en l’absence d’une solution internationale radicalement nouvelle, comme osent désormais le proposer quelques voix latino-américaines reconnues ? Plus généralement, nous dit Jean-Philippe Ganascia, il est temps de reconnaître qu’il ne saurait y avoir de développement sans une « sécurité globale, des individus comme des institutions » ; c’est l’ambition du concept de la « réforme du secteur de sécurité » qui, comme priorité des stratégies intégrales de développement, se voit reprise à leur compte non sans difficulté par les autorités de pays tels que la France, dans la mesure notamment où elle implique un nombre d’acteurs privés de la sécurité qui ne sont pas à ce jour appréhendés de façon adéquate par le droit des États.

Comment et sur quels principes reconstruire une gouvernance démocratique ? Les éléments de réponse apportés par les contributeurs suivants permettent de porter des premiers jalons.

Tout d’abord, rappelle Stéphane Hessel, « père » du mouvement des Indignés, toute gouvernance doit procéder d’objectifs indiscutables, en l’occurrence, selon lui, des valeurs de la charte des Nations unies, et en particulier de la valeur de « dignité humaine opposée au déni des droits de l’homme et de la liberté ». C’est en cela que l’indignation est aujourd’hui si aiguë, au moment où « l’injustice dans la répartition des ressources entre les différentes composantes de la société » atteint des sommets. Cette indignation, symbolisée par la figure du manifestant, « personnalité de l’année 2011» selon le magazine américain Time, relie aujourd’hui, comme l’explique Nicolas Haeringer, un ensemble en apparence hétéroclite de mouvements autour d’un imaginaire partagé et de cadres d’interprétation convergents. Comment la Chine réagit-elle à ces mouvements et en particulier au printemps arabe ? Chen Lichuan montre comment les dirigeants chinois, loin d’ignorer les semonces du printemps arabe, ont conscience de la « poudrière » que constitue le niveau des inégalités et des injustices sociales en Chine et comprennent que la stabilité de la Chine – et la « non-révolution de Jasmin » – à l’avenir ne pourra que passer par une approche plus sociale et plus équitable du développement économique domestique.

Si l’impact des outils de communication modernes (SMS, Internet, réseaux sociaux, etc.) a pu être documenté dans le cas des grands bouleversements récents, la question plus large de la révolution numérique comme porteuse de nouveaux espaces de gouvernance démocratique est aujourd’hui posée. Benoît Thieulin et Henri Lastenouse expliquent en quoi l’émergence d’Internet comme espace du débat public, de mobilisation et d’organisation politiques est en train de transformer les conditions d’exercice de nos démocraties et d’ouvrir de nouveaux espaces au service d’une gouvernance démocratique refondée, à condition, bien sûr, que les excès possibles en ce domaine restent contenus et que, comme le souhaitent les tenants de cette approche, la « main invisible de la Toile Internet » puisse pleinement s’exprimer. Joan Tilouine et Olivier de Gandt indiquent, pour leur part, que ces mêmes outils – réseaux sociaux, transparence et participation – sont en train d’être mobilisés par les propres États dans le cadre de ce qu’ils appellent gouvernement 2.0, et notamment par l’administration – et la diplomatie – nord-américaine de Barack Obama. Il s’agit d’une diplomatie consciente de l’importance de cultiver et d’interagir, au-delà des cercles diplomatiques et officiels habituels, avec ces partenaires d’influence stratégiques que sont aujourd’hui aussi les acteurs non étatiques. Dans ce contexte, qu’en est-il de l’élection ? Est-elle un vestige ou bien un vecteur de la gouvernance démocratique ? Exigées par les peuples arabes dans la rue comme mode de sélection des dirigeants politiques, les élections apparaissent comme un élément nécessaire mais non suffisant d’une gouvernance démocratique. Suhas Palshikar nous montre comment, dans le cas de l’Inde, les élections, introduites en 1952, se sont peu à peu enracinées dans la logique politique nationale au cours des six dernières décennies et ont acquis aujourd’hui une large acceptabilité et légitimité auprès des populations, au point d’être perçues comme la seule façon légitime de disputer le pouvoir. Le cas de la Belgique témoigne, pour sa part, sous la plume de Charles-Ferdinand Nothomb, que les élections ne suffisent pas nécessairement à résoudre des blocages politiques intimement liés à l’histoire et à la sociologie politique et culturelle d’un pays ; il révèle en même temps que cet échec apparent de l’aval du processus électoral n’est pas nécessairement synonyme de chaos, particulièrement dans un pays aux pouvoirs largement décentralisés et à la tradition forte de gouvernement intérimaire en charge des affaires courantes. L’Égypte, qui a connu fin 2011 son premier épisode électoral post-révolution, ouvrant le chemin à un processus constitutionnel, est aujourd’hui face à de nouveaux défis, les mouvements sortis gagnants de ce premier test électoral ne reflétant pas, comme l’histoire l’a souvent montré ailleurs dans des situations comparables, les valeurs de l’« avant-garde révolutionnaire urbaine », nous dit Sarah Ben Néfissa. Il s’agira d’apprivoiser la dynamique électorale dans le temps.

La seconde partie de cet ouvrage propose, à travers une présentation des travaux menés par l’IRG autour des enjeux centraux de la gouvernance, de mieux comprendre comment l’Institut appréhende et répond à la ou aux révolutions de la gouvernance. Chaque chapitre s’ouvre sur une contribution des membres de l’équipe de l’IRG. Ils proposent un état des lieux de la méthode, des activités, des travaux, des partenariats et des avancées de la réflexion de l’Institut. Ce bilan est ouvert par les perspectives proposées dans les articles d’auteurs et d’experts travaillant sur les thématiques des programmes de l’Institut. Il s’agit ici de présenter, notamment en réponse aux nombreuses questions soulevées dans la première partie, un certain nombre d’analyses, de propositions et de résultats développés dans le cadre d’une approche intégrant la diversité des acteurs, des cultures, des disciplines et des échelles de gouvernance.

De l’Afrique à l’Amérique latine, la question de la source des pouvoirs et des grands principes d’organisation de la vie sociale et politique des nations trouve son fondement juridique dans les processus constitutionnels. Les Constitutions, et en amont les processus constitutionnels, représentent ainsi le lieu par excellence d’affirmation des valeurs d’une société, de mise en avant, le cas échéant, de la pluralité des cultures nationales et de leur légitimité. Les juridictions internationales et, dans le cas américain, la Cour interaméricaine des droits de l’homme jouent également un rôle important à ce propos.

Rodrigo Uprimny, Mamoudou Gazibo, Ghislain Otis et Aurélie Laurent,puis Koffi Afande brossent chacun à leur tour le portrait d’une réalité en mouvement.

En Amérique latine, tout d’abord, où les processus constitutionnels des deux dernières décennies ont produit des innovations majeures dans la reconnaissance de la diversité des sources du droit, dans l’élargissement de la protection des droits individuels et dans l’affirmation de droits collectifs (droits sociaux, droit à l’environnement, etc.). Cette pensée constitutionnelle progressiste, confortée notamment par la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, a notamment permis dans un certain nombre de pays la reconnaissance constitutionnelle des systèmes normatifs et juridiques des peuples indigènes.

En Afrique, ensuite, où, pour Mamoudou Gazibo, l’exemple du processus constitutionnel nigérien souligne lui aussi la préoccupation de reconnaître la légitimité de systèmes de valeurs et de droits traditionnels non plus en marge du système légal formel, mais désormais au sein du système juridique sanctionné par la Constitution.

Le défi, tel que formalisé par Koffi Afande, est complexe mais conceptuellement clair : le pluralisme juridique s’entend comme la méthode visant à permettre l’élaboration et la coexistence d’une pluralité d’ordres juridiques et semble en cela s’opposer à l’universalisme ; comment élaborer alors, à partir de ce que nous pouvons considérer comme nous étant commun, l’égalité entre les hommes et l’existence d’attributs universels de l’individu, une relation pacifiée entre ces deux approches juridiques que l’on pourrait nommer pluralisme juridique à tendance universaliste, ou « pluniversalisme » opérationnel ?

En conclusion de cette série de contributions, Richard Rechtman, psychanalyste et anthropologue, rebondit de façon stimulante sur les concepts de gouvernance et de légitimité en replaçant la question complexe de l’individu et de sa pensée dans son contexte social.

L’État n’a pas le monopole de la production du bien public ; de façon croissante, les populations participent non seulement à la formulation des besoins, mais aussi à la production de ces biens publics au travers de divers mécanismes de participation. Les recherches et les expériences mises en avant dans cette section permettent d’étayer des intuitions à ce propos et de dessiner des perspectives d’évolution dans la conduite de l’action publique.

C’est en effet le message que Nicholas Benequista et John Gaventa nous proposent sur la base d’une étude de grande ampleur sur la participation citoyenne au service des objectifs locaux, nationaux et internationaux de développement : non seulement l’engagement des citoyens, une fois ceux-ci organisés et confiants dans leur force, améliore les performances de développement de la société, mais il a aussi un effet salutaire sur le fonctionnement de l’État et le respect des droits de l’homme.

Élisabeth Ungar et Luz Angela Ramirez présentent, pour leur part, une expérience innovante de « contrôle social » en Colombie par lequel les citoyens, dans le cadre de la loi et avec le soutien d’un « fonds de contrôle social », participent au suivi de programmes publics, notamment au niveau des programmes gouvernementaux de lutte contre la pauvreté et d’accès aux services publics. Participant localement à la lutte pour la transparence et contre la corruption, et créant de nouveaux espaces de dialogue, ces initiatives ont, malgré quelques résistances, non seulement contribué à renforcer une culture de la responsabilisation, mais aussi très directement amélioré les performances des programmes concernés.

Christian Andréo revient, quant à lui, sur les expériences de démocratie participative mises en œuvre ces dernières années en France par l’administration de la santé, expériences qui soulignent à nouveau à quel point les processus participatifs ont la capacité d’améliorer le fonctionnement des services publics.

L’époque où l’État avait le monopole de l’initiative et de la mise en œuvre des politiques publiques est révolue. L’État refondé est un État en interaction avec la société, non seulement parce que cela correspond à une évolution profonde de nos sociétés, mais aussi plus simplement parce que cela est devenu aujourd’hui la condition de l’efficacité de l’action de l’État.

Tel est le message central des trois contributions proposées.

Face à la complexité des questions en jeu et à la multiplicité des acteurs impliqués par certaines politiques publiques, la division entre la puissance publique et les acteurs privés mérite d’être revisitée, nous disent Raoul Blindenbacher et Bidjan Nashat, au travers du concept de spirale d’apprentissage gouvernemental. En associant les principales parties prenantes dès le stade de formulation du projet puis en aval, différents cas d’étude montrent les bénéfices de cette approche en termes d’effectivité de la gouvernance.

Thomas Bryer rebondit sur la question de la participation citoyenne à l’administration du pays dans le cas des États-Unis où le président Obama a souhaité mettre en place un « gouvernement ouvert », plus participatif et plus collaboratif. Au-delà de la plus grande transparence introduite par l’administration Obama, Thomas Bryer analyse le degré de mise en œuvre des processus de participation et de collaboration, en mettant en garde contre l’éclatement d’une bulle démocratique si ces mécanismes ne faisaient pas suffisamment l’objet d’appropriation durable de la part des parties prenantes.

Enfin, Bob Bonwitt et Pauline Greco reviennent sur l’expérience européenne de soutien aux réformes de la gouvernance et de l’administration publique des pays des Balkans et d’Europe centrale et orientale.

Ils soulignent l’importance d’un véritable dialogue entre les parties prenantes, en termes tant du rythme des réformes que des priorités sectorielles au moment de mettre en œuvre ce soutien aux réformes ; conclusions importantes s’il en est pour l’action à venir de l’Union européenne dans les pays arabes.

On l’aura vu, les questions de gouvernance sont aujourd’hui autant des questions de fond que des questions de méthodes. Il faut sans cesse affiner notre grammaire du monde pour comprendre l’enchevêtrement des problèmes et des solutions au travers des échelles géographiques, au travers de leurs dimensions sociales, politiques, économiques et

identitaires. La gouvernance n’est plus l’apanage exclusif de la puissance publique, fût-elle particulièrement efficace : il s’agit de définir sans cesse des méthodes de concertation et de participation adaptées à la nature et à la géographie des questions posées.

L’ambition de cet ouvrage est notamment de proposer un ensemble de contributions d’acteurs de la gouvernance d’origines diverses, offrant un éclairage en regards croisés aux problématiques les plus saillantes de notre temps. Il s’agit également de présenter des pistes d’analyse et d’approches fruits des actions entreprises par l’IRG avec ses partenaires.

Je tiens à remercier tous les contributeurs à ces chroniques de la gouvernance et vous souhaite, avec tout le conseil et l’équipe de l’IRG, une stimulante lecture.