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Etat, gouvernement, démocratie: approfondissement d’une relation, réinvention d’une institution/ Quelle dose d’Etat dans les recettes de la « bonne gouvernance »?
By Mohamed Larbi Bouguerra, Djifa Ahado, Gisèle Belem, Bonnie Campbell
Book : Chroniques de la gouvernance 2007
Table of content
Suite au constat d’échec des politiques d’ajustement structurel au début des années 1990, on a vu une nouvelle notion prendre de la consistance dans la rhétorique des institutions financières internationales : la « bonne gouvernance ». Ce faisant, on pointait du doigt un certain nombre de dysfonctionnements internes aux administrations locales empêchant une allocation efficace des ressources. On préconisait un programme de réformes précises – parmi lesquelles la privatisation ou l’assouplissement des réglementations – destinées à alléger le poids de l’État dans l’économie nationale. La notion de « bonne gouvernance », apparemment neutre, porte une conception particulière de l’État : celle d’un État minimaliste, pour ne pas dire absent. On ne peut nier les effets pervers de la corruption et des lourdeurs administratives dans l’allocation des ressources. Pourtant, on peut interroger l’efficacité de réformes consistant à faire de l’État une coquille vide dépouillée de toute capacité de gouvernement (ce que Rod Rhodes appellerait “Hollowing out of the State”). On a parfois parlé d’une cannibalisation des États du Sud par le marché. C’est peut-être exagérer les choses, bien que le texte de Larbi Bouguerra nous dresse un état des lieux des plus inquiétant. La firme n’est pas uniquement ce Minotaure exigeant chaque année son tribut de victimes : « socialement responsable », elle sait aussi sortir d’une logique d’accumulation du profit pour financer des écoles, assurer la formation professionnelle des populations locales, protéger l’environnement, etc. Mais la firme n’est pas pour autant responsable de la société : ses actions, localisées et fondées sur le principe de la bonne volonté, ne sauraient se substituer aux missions universelles de l’État. La « bonne gouvernance » touche ses limites quand elle oublie que l’État du Sud n’est pas celui du Nord : ses technologies politiques, épuisées par des années d’ajustement structurel, le rendent tout particulièrement vulnérable aux défaillances du marché, laissant les plus démunis sans recours.
Erratum
Page 129 : l’article intitulé « la gouvernance entre l’Etat et le marché qui gouverne l’ordre social ? » a été co-écrit par Bonnie Campbell et Djifa Ahado.