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La démarche développée au sein du système interaméricain des droits de l’Homme, essentiellement autour de la question de la violation des droits des communautés indigènes, a permis d’améliorer la compréhension interculturelle des droits de l’Homme. Cette démarche passe tout d’abord par une meilleure appréhension de la signification d’un dommage selon les valeurs culturelles d’une communauté indigène déterminée. Elle induit ensuite une adaptation des décisions de la Cour pour que la réparation du dommage réponde à la fois au principe de respect des droits de l’Homme posé dans la CADH et au sentiment de justice conçu selon les réalités culturelles des peuples indigènes. Une telle approche renforce la légitimité de cette normativité internationale et l’effectivité des décisions prises par la CIDH puisque celles-ci s’inscrivent dans une conception et une finalité de la justice acceptées et reconnues par les acteurs concernés.

Si cette dynamique semble être top down et consister en une interprétation de la CADH en fonction des contextes locaux, le caractère spécifique de la démarche insuffle, néanmoins, une sorte de circularité entre droits de l’Homme et diversité des visions du monde. Cela permet une articulation constructive et donc des évolutions réciproques entre les deux. Cette démarche ouvre une véritable interprétation/reformulation des droits de l’Homme à partir des représentations du monde des peuples indigènes.

La jurisprudence développée par les tribunaux internationaux et les échanges entre experts et juges de ces instances jouent un rôle fondamental dans la prise en compte et la « tolérance collective »1 de visions du monde différentes. La spécificité du continent latino américain, tenant à l’affirmation de son multiculturalisme depuis le niveau local jusqu’au niveau supraétatique, permet aux juges une démarche audacieuse par-delà la recherche de mise en adéquation des régulations locales traditionnelles avec le droit international. Ce faisant, le système interaméricain des droits de l’Homme favorise une dynamique qui dépasse le pluralisme de façade.

La démarche interculturelle analysée dans cette étude constitue une piste novatrice, elle s’inscrit dans une dynamique « d’hybridation », et non pas dans un mouvement de pendule (extrême) entre universalisme et culturalisme. Elle permet une redéfinition juridictionnelle des notions-clefs du dispositif de protection des droits de l’Homme. Cette jurisprudence opère ainsi un véritable changement de paradigme. Elle contribue à refonder la régulation juridique dans une perspective plurielle, l’unité dans la diversité, à l’inverse du modèle de la modernité fondé sur principe de la diversité dans l’unité. Sont ainsi ouvertes les pistes de réflexions pour la définition de processus et d’outils adaptés à la gouvernance démocratique légitime.

Notes

1: Selon les termes du Secrétaire de la CIDH.