Rodrigo Uprimny est directeur du Centre d’études de droit, justice et société Dejusticia et professeur à l’Université nationale de Bogotá (Colombie).

Depuis le milieu des années 1980, mais singulièrement, à partir des années 1990, l’Amérique latine a connu une intense période de changements constitutionnels. En effet, la quasi-totalité des pays de la région a soit adopté des nouvelles Constitutions1, soit introduit des réformes très importantes dans les Constitutions en vigueur. Ces changements constitutionnels présentent des différences nationales très importantes, mais ils ont également de nombreux points communs.

Or, s’il existe des réflexions importantes sur les mutations constitutionnelles de quelques pays spécifiques, ou des travaux qui font une analyse d’un des aspects du constitutionnalisme latino-américain, notamment son ouverture à la reconnaissance des droits collectifs des peuples indigènes ou au droit international des droits de l’homme, aucun texte n’a systématisé les orientations communes de cette évolution du constitutionnalisme dans la région. Le présent article cherche en partie à combler ce vide, avec les limites inhérentes à un exercice de synthèse.

Nous tenterons, d’une part, de signaler les tendances communes du constitutionnalisme récent en Amérique latine, ainsi que ses différences les plus significatives et, d’autre part, de caractériser ces réformes ainsi que les principaux défis qu’elles soulèvent pour la construction d’une démocratie profonde dans la région.

Nous structurerons cette réflexion en trois parties. D’abord, nous nous attarderons sur les transformations dogmatiques et organiques communes à plusieurs Constitutions latino-américaines. Ensuite, dans une partie plus réflexive et analytique, nous caractériserons les orientations principales de l’évolution constitutionnelle et nous nous interrogerons sur les différences entre les pays d’Amérique latine. Enfin, nous terminerons sur les défis que posent ces changements constitutionnels à la démocratie et à la réflexion constitutionnelle.